Le choix de Tatie
The Outer Worlds 2 est meilleur que son prédécesseur ; c'est aussi, précisément, ce qui le rend moins bon. Avec une accroche pareille, je sais bien que ma crédibilité est mal barrée, mais après tout,...
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The Outer Worlds 2 est meilleur que son prédécesseur ; c'est aussi, précisément, ce qui le rend moins bon. Avec une accroche pareille, je sais bien que ma crédibilité est mal barrée, mais après tout, je l'avais déjà mise à mal en chantant les louanges du premier, alors autant y aller franchement. Le premier épisode fut ainsi un RPG très critiqué dans le grand œuvre d'Obsidian, mais que j'avais décidé de couronner d'un 9/10 en soutenant mordicus (et aujourd'hui encore, du coup) qu'il s'agissait du magnum opus du studio californien. C'était un jeu qui demandait, pour être pleinement apprécié, de tolérer ses nombreuses imperfections, de se forcer à entrer dans le dur de son expérience en faisant fi de défauts parfois très agaçants. Le pire d'entre eux lui fut, certes, fatal : son niveau de difficulté extrêmement bas, qui décourageait l'expérimentation de ses pourtant nombreuses facettes en tolérant systématiquement une approche bourrine et écervelée. On pouvait bien trop facilement ignorer ses qualités de conception pour se contenter de foncer tête baissée dans l'adversité, sans faire attention à la portée de nos choix ni à nos techniques d'approche des différentes missions, alors que le jeu déployait en coulisses un éventail d'outils de progression d'une richesse admirable ; d'autant plus admirable, d'ailleurs, que ceux-ci restaient toujours étroitement liés à l'écriture, au cheminement de notre personnage dans ses choix d'allégeance, de trahison ou de compromis. En 2019, The Outer Worlds s'était risqué à explorer un nouvel univers, de nouveaux enjeux dramatiques délicatement encapsulés dans un scénario de science-fiction d'une grande originalité, dont l'évolution était tout entière tournée vers l'idée de choix en général, nous offrant de personnaliser notre progression au degré le plus fin, de manière finalement plus intense et concentrée que les précédents jeux d'Obsidian. Mais il fallait, pour s'en rendre compte, oser partir à l'aventure, sortir des sentiers battus, laisser de côté la quête principale, tenter les expérimentations les plus inutiles en apparence ; et, bien sûr, se refaire un personnage différent, une fois, deux fois, trois fois, même. Ce n'est qu'à force de pratique que le jeu dévoilait ses qualités, sa cohérence, son aspect essentiel en termes de mécaniques rôlistes, pures, limite virtuoses derrière leur aspect parfois bêtement facultatif.
Comme son grand frère, The Outer Worlds 2 nous raconte une histoire de lutte des classes sur fond de space opera, un peu à la façon de la série morte-née Firefly. Parachuté dans un univers en proie à un affrontement séculaire entre corporations à bout de souffle et communisme autoritariste, c'est un jeu qui va nous proposer de prendre parti dans une succession courte mais dense de jeux de pouvoir, en choisissant à chaque fois à quel(s) camp(s) nos actions bénéficieront. Toujours comme son grand frère, ces actions s'écriront souvent en nuances de gris, car les choix qui seront laissés à notre discrétion auront souvent des conséquences positives et négatives selon les lieux et les personnes. Si œuvrer en faveur de l'un ou l'autre extrême aura des effets négatifs sur le monde, rien ne nous empêchera de jouer les Space-Zemmour ou les Cyber-Laguiller, et on restera libre d'écrire notre aventure de la façon qui nous plaît, entre altruisme et individualisme, idéalisme et pragmatisme. La situation de départ est d'ailleurs peu ou prou la même que The Outer Worlds 1, à base de sortie de cryostase et de redécouverte d'un univers qui a grandi sans nous, qu'il s'agit de (ré)apprendre à comprendre en allant toquer aux portes de ses hurluberlus d'habitants.
Ce qui est assez étrange avec cette suite, c'est qu'elle est mieux reçue que le premier (y compris en France, avec un 9/10 de la part de GK), notamment pour sa partie rôliste, alors qu'il s'agit pour l'essentiel exactement de la même chose. La thématique de l'affrontement entre capitalisme et communisme, entre ordre bourgeois établi et vent de révolution prolétarienne, est identique. La structure dramatique est souvent un duplicata pur et simple de celle de TOW1. Par exemple, la première grande zone ouverte conserve les mêmes enjeux, à la virgule près : une ville de droitards riche mais individualiste, une communauté de gauchistes miséreuse mais soudée, et au milieu, le joueur, à qui on va proposer, exactement aux mêmes conditions qu'avant, exactement avec les mêmes dilemmes, exactement avec la même quantité de quêtes principales et secondaires elles-mêmes dotées des exacts mêmes objectifs de fond, de privilégier l'un ou l'autre camp, ou de trouver un compromis en faisant en sorte de faire cohabiter les deux partis (quitte à renoncer à certains idéaux). La plume est différente (on verra plus bas en quoi), mais l'enchaînement d'actions, de choix et de conséquences de ce premier acte est littéralement un copier/coller du premier jeu, au point que je pouvais deviner vers quelles décisions m'amèneraient les différents chefs de faction, des heures avant d'y être confronté. Cela dit, ce n'est pas forcément un mal. Le délicat enchevêtrement de causes et de conséquences, la lisibilité des impacts de nos actions, l'émouvante logique avec laquelle les quêtes s'enchâssent ou se concluent, la pertinence avec laquelle les différents personnages répondent à nos allégeances plus ou moins fidèles font toujours leur petit effet, et confirment sans forcer la position dominante d'Obsidian en matière d'écriture interactive dans le jeu de rôles occidental. On pourra même pousser un soupir de soulagement en voyant ainsi le développeur revenir au RPG de papy, après l'enshitification pas désagréable mais quand même un peu inquiétante que fut Avowed - qui confirme pour le coup n'avoir été qu'une récréation, une expérience "one shot" n'ayant pas vocation à empiéter sur le cœur de l'expertise du studio. Nombreux, qu'on était, à flipper sec après avoir tâté d'Eora en 3D, et ça fait du bien de se retrouver, avec The Outer Worlds 2, sur un authentique jeu de rôles retournant à l'exigence primordiale du genre.
Il n'empêche que s'il ne nous fait pas une Avowed, The Outer Worlds 2 nous fait du changement dans la continuité ; pour reprendre ce terme typique des faux neutres, c'est un jeu qui n'est ni de gauche, ni de droite. C'est la même chose que le 1 mais c'est aussi différent, pour plusieurs raisons, et pas toujours les bonnes. Ainsi, parmi les audaces incomprises que tenta Obsidian avec le premier jeu, il y eut le resserrement de la surface jouable par rapport aux standards du genre, qui s'éloigna drastiquement de la formule classique de l'open world. On s'y était senti à l'étroit, ce qu'a voulu éviter Obsidian avec cette suite aux aires explorables beaucoup larges... oubliant du même coup l'attention maniaque que TOW 1 avait porté à chaque mètre carré explorable, autant d'un point de vue mécanique qu'esthétique. J'y reviendrai plus en détail dans ce texte : avant, c'était petit, certes, mais chaque point de vue administrait sa dose de narration environnementale, chaque angle de bâtiment recelait un secret, le moindre personnage planté dans l'une de ses petites villes était un pion sur un échiquier politique et social très complexe, un rouage d'une mécanique rôliste de précision qui nous abreuvait en peu de mots d'opportunités intéressantes et profondément enracinées dans l'expérience de jeu. Avant, on ne faisait jamais deux pas sans faire l'une ou l'autre découverte. De même, une autre particularité du premier TOW qu'Obsidian tente ici d'escamoter pour plaire au plus grand nombre, est le vernis d'humour appliqué à l'écriture, que beaucoup jugèrent trop lourd en 2019, quand je juge aujourd'hui encore qu'il s'inscrivait dans un exercice de style exigeant, cherchant avant tout à apporter un ton neuf à aventure aux enjeux trop solennels pour être traités au premier degré... et qui réservait, quand on prenait la peine de s'y plonger, des moments de pure jubilation comique tenant autant à son souci permanent d'économie de mots (ou comment faire rire en en disant le moins possible) qu'à une peinture sarcastique particulièrement fine des déterminismes qui sous-tendent un monde livré aux extrêmes politiques.
Même si cela peut sembler paradoxal, ce sont ainsi les défauts de The Outer Worlds 1 que j'ai finalement le plus chéris ; car ce n'est que quand on daignait les considérer comme des parti-pris assumés, ce n'est que quand on acceptait de se laisser mener vers ce qu'ils voulaient vraiment nous dire, qu'on pouvait mettre au jour les nombreux trésors de ce jeu unique. Aucun jeu de rôles ne m'a fait autant rire que le premier The Outer Worlds. Peu d'univers m'ont mieux embarqué dans leur histoire. Et quasiment aucun reroll de perso ne m'a autant émerveillé par son impact en termes de rejouabilité. C'était un jeu qu'on terminait en moins de trente heures, mais sur lequel j'ai passé littéralement dix fois plus de temps, pour être bien sûr d'en débusquer tous les secrets, d'en saisir tout le génie burlesque et épique, de vérifier par l'expérience la cohérence et la logique de la répercussion de chacun de mes choix sur le monde qui m'entourait. Et jamais le jeu ne m'a déçu. Jamais il n'a cessé de me surprendre. Jamais il n'a cessé de m'émouvoir, de me faire pouffer, de me laisser bouche bée à chaque (re)découverte de ses biomes densément remplis, aussi petit que généreux, riches de mille histoires, de mille quêtes, de mille solutions, de mille conséquences.
Dès lors, il était sans doute inévitable que j'aime moins The Outer Worlds 2 ; car c'est un jeu qui, assez logiquement, vise à corriger ce qui était perçu comme des défauts aux yeux du plus grand nombre. Là où les déçus du premier épisode y verront des qualités (c'est d'ailleurs ce que confirme la réception critique triomphale de cette suite), j'y vois, pour ma part et même si le mot pourra paraître fort, une abdication. Obsidian a en effet, de mon point de vue, commis une erreur : écouter sa communauté, et par conséquent renoncer à sa vision. A dessein, c'est donc une suite qui se veut moins drôle et plus grande. Concernant l'humour, déjà, les développeurs ont donc choisi de sérieusement lever le pied pour retourner à une tonalité moins dilettante, plus proche de celle de Fallout New Vegas et, généralement, de celle du tout-venant des RPG occidentaux mainstream (tout en gardant quand même, rassurons-nous, cette patte Obsidian que l'on connaît et que l'on chérit). Les vannes sont plus parcimonieusement distribuées, ce qui est peut-être moins lourd par certains côtés, mais prive aussi (surtout ?) les nombreux échanges verbaux de cette pincée de sel qui faisait le charme unique du premier jeu, qui donnait aux personnages des caractères profondément bigarrés, distincts, en un mot : aimables. Quand j'aimais partir à la rencontre de chaque zigue du premier jeu pour m'émouvoir de ses nombreux traits d'esprit en brillant décalage avec la désolation ambiante, j'ai rapidement compris qu'il n'en irait pas même avec les acteurs de sa suite, dont les personnalités sont beaucoup plus lisses, banales, au point souvent de les priver de cette individualité, de cette étincelle de vie qui les distinguait entre eux, les rendait humains et accentuait les dilemmes posés par les situations où on était amené à choisir à qui porter allégeance. Les pires salauds pouvaient être rendus sympathiques par leur drôlerie, les gentils cachaient d'inavouables déviances qui contribuaient à flouter les notions de bien et de mal. En renonçant à autant chercher à faire rire, The Outer Worlds 2 met involontairement le doigt dans l'engrenage du manichéisme, il réduit l'intensité des prises de décision et amoindrit notablement l'attachement à nos différents compagnons ou interlocuteurs, dont la fonction dramatique devient dès lors un peu trop écrite sur le front.
Plus embêtant, l'excès de premier degré, s'il n'est pas non plus catastrophique et s'il n'envoie pas la qualité d'écriture ad patres (n'exagérons rien), nous prive quand même d'une certaine liberté d'interprétation pour nous ramener à des techniques d'écriture beaucoup plus contemporaines, dans le mauvais sens du terme. Pour le dire avec des mots compliqués, l'écriture de TOW 2 prend un peu trop soin d'expliciter les notions de bien et de mal et aime à dresser toute seule ses propres échelles de valeurs morales, en évitant volontairement de mettre le joueur à contribution pour lui éviter tout risque de mauvaise interprétation. Pour le dire avec des mots simples, on est quand même parfois un peu pris pour des cons. C'est notamment le cas d'un certain propos qu'on qualifiera d'inclusif, qui était déjà présent dans le premier jeu mais intégré avec beaucoup plus de subtilité : il est ici, désormais, assez fréquent que la personnalité de tel ou tel protagoniste soit directement liée à son identité de race ou de sexe. Non seulement cela a tendance à tuer toute notion de surprise et d'intérêt dramatique (car on apprend à anticiper à quelle sauce les dialogues nous mangeront), mais ces ficelles désormais bien connues confirment une nouvelle fois être contre-productives du point de vue du message, en privant paradoxalement de briller les personnages que de tels procédés voudraient pourtant valoriser. C'est particulièrement le cas des personnages féminins, désormais souvent réduits à l'image néo-inclusive de la "girl boss" animée des seuls traits de caractère de courage et de détermination, dont on peut être absolument certain que les dialogues se limiteront à des phrases d'exposition fonctionnelles visant à faire passer l'idée qu'elles valent mieux que les autres. L'humour, dans The Outer Worlds 2, est ainsi devenu la marque d'une insécurité individuelle qui ne peut pas, par essence, s'appliquer aux personnages vertueux : l'ironie est mordante quand on compare, au hasard, les nuances de traitement qu'il existe entre l'attachante Parvati, notre première équipière de The Outer Worlds, mécano homosexuelle bourrée de complexes qui nous demandait de lui arranger un date en suivant tout un processus à la fois tendre, émouvant et drôlissime ; à celle d'Inez, sa remplaçante officieuse, froide soldate corporatiste au physique masculin, dont les interventions sont presque systématiquement frappées du sceau d'un autoritarisme borné, qui ne dira jamais rien d'elle-même et échouera à lui insuffler une vraie personnalité (sa propre quête de compagnon est, à ce titre, de : BUTER DES MONSTRES!!!1!). On glisse parfois sur le terrain de la parodie involontaire, un peu à la façon du film "Jacky au royaume des filles" de Riad Sattouf, mais sans que l'écriture ne soit toujours consciente de son propre discours. Si l'humour du premier jeu pouvait donc parfois en faire trop, il avait cet insigne mérite de faire vivre les personnages à travers leurs imperfections, lesquelles étaient distribuées équitablement à tous ; sa forte mise en retrait rend ici dialogues et personnages plus banals, et retire une partie de l'entrain qu'on mettait à entamer les dialogues ou à creuser leurs impressionnants arbres de répliques.
Toujours dans cette volonté d'Obsidian de vouloir mieux faire coller son jeu aux marottes de l'époque, on se retrouve avec un jeu aux dimensions plus vastes. La première zone ouverte pose le niveau : deux fois plus grande que sa grande sœur, elle est structurée de la même manière (deux villes opposées, un terrain neutre et une zone "boss final" dont on assouplit les conditions d'approche par la réalisation de quêtes secondaires) mais n'est pas plus densément remplie pour autant. Résultat, on se retrouve à trottiner plus longtemps entre deux points d'intérêt, et une grande partie des zones sauvages autour des îlots de civilisation n'est plus habitée que par la perspective de la contemplation. Malgré l'ajout d'un double saut qui confirme cette envie d'Obsidian d'aller vers le dynamisme du traversal et cet aspect "light platformer" expérimentés sur Avowed, on perd quand même un peu cette envie de fouiner, perdu que l'on est dans de grands espaces majoritairement vidés de ces mystères, easter eggs et autres histoires muettes qui faisaient la richesse du world building du premier jeu. Les rares surprises ont tendance à se répéter, à l'image du running gag de l'expédition de team building dont on passe son temps à retrouver les restes un peu partout dans la première zone de jeu (c'est amusant, mais n'eût-il pas été plus intéressant de multiplier les petits récits indépendants plutôt que d'en morceler un seul ?). On notera également que certaines techniques d'approches se sont fait la malle, comme la possibilité d'infiltrer des zones interdites avant les bons déguisements (grande disparue de cette suite, alors qu'elle fonctionnait bien dans le premier épisode) ou la multiplicité des points d'accès vers les intérieurs (qui sont plus souvent qu'avant conditionnés à une compétence en particulier et nous laissent régulièrement déçus de constater l'absence d'entrées cachées ou secondaires, nous disant en substance : "si tu n'as pas cette compétence, dégage"). D'un certain côté, c'est plus strict et donc mieux ; d'un autre, ces choix contribuent à évacuer une partie de la tonalité amicale du jeu original.
Comme pour confirmer le subtil déclassement de cette suite en matière d'écriture et d'impact environnemental, c'est aussi la direction artistique qui se voit vaguement muselée, en renonçant à certains parti-pris visuels assez radicaux qu'on avait pu voir chez son prédécesseur mais aussi dans Avowed. Ces jeux s'épanouissaient visuellement dans une collection d'effets de post-processing originaux, qui simulaient une certaine perception de l'univers par l'œil humain en appliquant des filtres au rendu inhabituel. Les contrastes s'adoucissaient, les arrière-plans se floutaient, les éclairages se tamisaient ou s'asséchaient pour produire une ambiance visuelle accentuant la sensation de fouler des terres extraterrestres. Dans The Outer Worlds 2, l'image est devenue plus brute, nette, privée d'une majorité de ces charmants artifices qui donnaient aux mondes une partie de leur chaleur et de leur singularité. Même du point de vue du choix des assets, le jeu se révèle un peu décevant en recherchant moins l'étrangeté : on se rappellera par exemple les colonnes de basalte biscornues de la Vallée d'émeraude, les roches et autres éléments naturels au rendu quasi-photogrammétrique qui en habitaient les différents panoramas. Ces objets ont disparu, remplacés par des props beaucoup plus communs qui n'évoquent plus autant des galaxies lointaines et se rapportent à un rendu plus "terrestre". Même topo concernant les éclairages, pas moches, mais souvent plus froids et impersonnels, qui malgré les sublimes skyboxes spatiales nous donneront plus souvent l'impression de contempler un lever de soleil à Maubeuge que sur Tatooine. Il semblerait qu'une partie de ces renoncements soient dûs à un changement de version du moteur de jeu, et ait obligé les graphistes à repartir de zéro sur beaucoup de choses, pour une différence de rendu assez frappante qui pourra évoquer aux spécialistes le décalage visuel qu'il y eut, par exemple, entre Elex 1 et 2. Cette perte de chaleur légère mais visible, ce faufilement de la direction artistique vers un réalisme plus froid et légèrement moins exotique (même les biomes trinquent, avec l'un d'eux purement et simplement inspiré d'un désert terrien) seront remarqués par les fidèles d'Obsidian, qui auront la sensation prégnante d'un discret, mais omiprésent, downgrade artistique.
En étant honnête, il y a malgré tout des changements qui vont vraiment dans le bon sens. Le principal progrès de cette suite réside dans l'amélioration de son gameplay de combat, et de ce qui s'en rapproche de près ou de loin. Ainsi, à l'unique pouvoir de ralentissement du temps du premier jeu viennent s'ajouter d'autres pouvoirs équipables, qu'on découvre au fur et à mesure de notre progression et qui permettent de varier les approches, à l'instar de la capacité à dissoudre nos ennemis en toute discrétion. Le bestiaire, largement repris du premier jeu, a muté pour présenter des comportements moins binaires, à l'image des raptidons désormais dotés d'un camouflage optique qui peut nous mettre en fâcheuse posture en cas d'attaque coordonnée. La façon dont on améliore notre équipement fait appel à un peu plus de stratégie et offre de plus grandes possibilités de bidouillage, avec pas mal d'armes disposant de plusieurs slots d'amélioration et pas mal de mods d'arme ayant des impacts assez concrets sur le gunplay. Les ennemis disposent d'armures ou de résistances dont on viendra plus facilement à bout en personnalisant notre arsenal en fonction des situations. Le fameux système de défauts, qui nous proposait des capacités uniques en échange de malus permanents selon notre façon de jouer, trouve un impact prononcé sur le gameplay, avec des conséquences plus fortes : l'un d'eux nous rendra kleptomane en nous faisant chiper automatiquement certaines merdouilles à notre portée mais démulitpliera leur valeur à la revente, un autre alertera les ennemis à chaque accroupissement (crac, font les genoux) en échange d'une vitesse de furtivité doublée, un troisième nous attribuera des points de compétence supplémentaires à la condition qu'on n'augmente jamais notre attribut le plus élevé... de manière générale, les défauts ont des conséquences plus amusantes et se montrent mieux équilibrés dans leur ratio handicap/récompense que ceux du premier jeu, qui tenaient davantage de l'emmerde gratuite sans quasiment aucune contrepartie positive. En termes de difficulté générale enfin, The Outer Worlds 2 a l'insigne mérite d'offrir des niveaux de défi mieux conçus que son prédécesseur, ce qui est l'une de ses vraies forces. Plus particulièrement, les hardcore gamers jouiront avec plaisir d'un nouveau mode "Très difficile" un peu plus tendu, par ailleurs purgé des inutiles composantes de survie de l'ancien mode Supernova (on ne boit plus, on ne mange plus, on ne dort plus et c'est très bien ainsi car ça ne servait strictement à rien), et qui supprime tant qu'à faire la mort permanente de nos compagnons (pour ainsi dire inévitable dès le premier combat dans le mode ultime de TOW1 et nous contraignait à jouer sans eux). Peut-être que ce fameux mode Supernova fera son retour sous forme de patch, mais son absence au lancement n'est en rien gênante.
La plupart des soucis historiques demeurent : l'IA peut être ouvertement cheesée (notamment au niveau de l'aggro et du rayon d'action des monstres), nos co-équipiers ne sont pas les chips les plus croustillantes du paquet, et de rares choix peuvent décevoir dans leurs conséquences trop discrètes. D'autres se sont ajoutés, comme des donneurs de quête qui ont tendance à devenir muets une fois leurs tâches épuisées, des défauts développés qui ne trouvent pas d'impact dans les dialogues, des ennemis qui ont un peu trop tendance à tirer avant de parler quand on circule dans les zones autorisées. Ce n'est pas très grave. Si j'en veux un peu à Obsidian d'avoir ainsi discrètement dégradé sa formule si brillante, je reste en majorité rassuré de constater que le développeur ne nous a pas fait une Bioware, comme on dit dans le jargon quand un studio décide d'abandonner complètement sa vision pour mettre en place une nouvelle bible de design et d'écriture vouée à faire jurisprudence. Rappelons-nous Dragon Age Inquisition, qui avait accéléré l'entrée de son studio dans une nouvelle ère de RPG fades. Rappelons-nous, chez un autre studio, Elex II, qui avait jeté à la poubelle les bases de son prédécesseur pour partir d'une feuille blanche qu'il gribouillerait sans grande conviction. Même s'il change de cap pour se fixer une direction un peu plus molle, The Outer Worlds 2 ne sombre pas non plus dans ces travers extrêmes, et réussit à garder cet appétit pour la complexité du quest design et l'enchevêtrement d'enjeux narratifs stimulants. Même tiédie, même moins puissante moralement, la recette n'en demeure pas moins rassasiante et je ne regrette pas d'avoir englouti autant d'heures sur ce jeu en aussi peu de temps. C'est donc d'un carton jaune pâle que je sanctionnerai ses errances : un 8 sans recommandation, sincère mais aussi un peu sec, qui le place à mi-chemin entre Avowed et le premier The Outer Worlds. Soit, dans l'absolu, une aventure à vivre quoi qu'il arrive pour tout rôliste qui se respecte. Mais je te surveille, Obsidian, je te surveille. Attention.
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