The Talos Principle II
8.4
The Talos Principle II

Jeu de Croteam et Devolver Digital (2023PlayStation 5)

Portal, The Witness, Viewfinder, Manifold Garden, Superliminal, The Spectrum Retreat… Le genre du casse tête à la première personne s’est vu, au fil des années, décliné en de nombreuses propositions. Au milieu de tout ça arrivait en 2014 The Talos Principle premier du nom. Ce dernier se distinguait par une proposition nettement plus narrative que la moyenne du genre et surtout basé sur la thématique de la philosophie. Un grand jeu non sans défaut mais avec une âme véritable et des puzzles sacrément bien fichus (et retors pour certains).


The Talos Principle 1 :

Conscientisation du « Moi », existentialisme et héritage culturel


Nous y incarnions un « robot » enfermé dans une simulation régie par une entité omnipotente répondant au nom d’Elohim. Au fil de la résolution des épreuves que nous imposait cet être, nous pouvions également découvrir la vérité sur l’existence et le but de tout ceci via des enregistrements d’Alexandra Drennan, la conceptrice de la simulation. Ainsi nous apprenions que l’humanité avait disparue, décimée par un virus répandu par la fonte du permafrost suite au dérèglement climatique engendré par l’Homme. (Hypothèse loin d’être fantaisiste puisque totalement réelle et source d’inquiétude pour de nombreux scientifiques d’ailleurs. https://www.geo.fr/environnement/permafrost-gaz-methane-rechauffement-climatique-53512).

Avant de totalement disparaitre, Alexandra avait mis en chantier ce projet visant à créer des « robots », porteur de notre psyché, de notre culture afin qu’ils puissent prendre le relai via nos connaissances et ainsi ne pas reproduire nos erreurs. Sauf qu’Elohim, l’intelligence qui se devait de régir les phases de tests a pris conscience de lui-même puis de la peur. Celle de devenir inutile une fois son but achevé. C’est ainsi qu’il créa toujours plus d’épreuves afin de saboter le projet et continuer à exister. Au terme de l’aventure nous réussissions à déjouer Elohim et à quitter la simulation pour nous éveiller dans le monde réel, terre vierge à rebâtir de zéro…

The Talos Principle 2 :

[Société] : Cohabitation d’un ensemble de « Moi » régies par un ensemble de règles


Tout ce qui suit est littéralement le début du jeu, il n’y aucun spoiler mais si vous voulez quand même préserver toute l’intro, passez ce paragraphe.


The Talos Principle 2 commence comme une mauvaise blague. Vous vous éveillez de nouveau dans la simulation, dans un décor inspiré de l’Egypte antique bien connu si vous avez fait The Talos Principle 1, le tout au son de la voix d’Elohim. Une fois encore ce dernier vous encourage à résoudre ses énigmes. Un tutoriel clin d’œil mais tout à fait sensé autant en terme de symbole que d’utilité. Cela permet de (re)voir les grandes bases de ce qu’est The Talos Principle. Pratique pour les nouveaux venus qui feraient (immense erreur) l’impasse sur le premier jeu. Une fois les quelques épreuves basiques résolues, vous vous éveillez dans le monde réel accueilli par un autre « robot ». Celui-ci vous proposera alors de vous résumer la situation ou non (résumé du 1 ou non) et vous informera que vous êtes dans la nouvelle Jérusalem, la cité robotique (bien que les robots ne se considèrent pas comme des machines mais bien comme les nouveaux humains).


Cette première rencontre est déjà un choc en soit quand on a vécu l’aventure solitaire du premier opus. Vous apprenez alors être le 1000éme à s’éveiller, le dernier selon « le plan ». Le plan et ses préceptes ont été établis par Athéna, le robot du 1er jeu qui fut donc la première. Alors que vous sortez du bâtiment d’éveil vous êtes accueilli par une foule de vos semblables et des cotillons, ces derniers semblent heureux de vous voir et tout le monde vous sollicite : « 1K », tel est votre nom. Le maire se met alors à commencer son discours pour fêter l’achèvement du plan via votre naissance quand une trainée de poussière pourpre arrive du ciel et se matérialise sous la forme de Prométhée. Ce dernier affirme venir pour lever le voile de la vérité et invite qui en aura le courage à aller sur son ile. Il n’aura pas le temps d’en dire plus avant de se faire enchainer et de disparaitre aussitôt.


La fête ayant été légèrement gâchée vous êtes convié à un briefing. Durant celui-ci le maire et quelques habitants vous expliqueront qu’effectivement une ile étrange a été découverte mais qu’ils ne s’y sont pas aventurés. Vous l’imaginez déjà, cette ile, vous allez devoir en percer les mystères…


Synergie de groupe


Une des premières choses qui va distinguer ce second épisode est que l’aventure ne sera plus solitaire. Vous faites parti d’une expédition et êtes accompagné de quatre comparse : Byron, Melville, Alcatraz et Yaqut. Vous les croiserez régulièrement à déambuler dans les zones et un logo au dessus de leur tête vous indique s’ils ont de nouvelles choses à raconter. De plus vous êtes en communication constante avec votre groupe (car oui dans le nouveau monde nous n’en avons toujours pas fini avec Teams et Zoom…). Une nouvelle dynamique qui vient corriger un des rares défauts du premier qui pouvait devenir austère à parcourir, énigme après énigme, durant de nombreuses heures sans aérations.


La narration passe une nouvelle fois par des documents à lire sur des terminaux et des audiologs mais donc aussi par des discussions... Et franchement ça change tout. Ce supplément de vie confère à ce second épisode une autre identité en terme de ressenti de l’aventure vécue. C’est une autre facette de The Talos Principle que l’on découvre et à mon sens ça marche vraiment bien. D’ailleurs vous avez également une messagerie et des fils de discussions afin de voir les habitants de la nouvelle Jérusalem interagir avec vous et entre eux. Une sorte de réseau social auquel on aurait enlevé la toxicité de Twitter (aha…). Il y a donc de nombreuses occasions de souffler et se vider la tête entre deux salles d’énigmes. Sachez d’ailleurs que vos compagnons vous laisseront le soin de les résoudre seul et qu’aucune aide ne vous sera apportée de leur part (super utile les compagnons !).


J’ai pu lire que la narration était « envahissante ». Un grief que je ne comprends pas car hormis l’éveil dans la Nouvelle Jérusalem qui va effectivement s’avérer plus bavard afin de poser les éléments servant de socle à l’histoire, tout le reste est à la carte. Rien ne vous oblige à consulter votre messagerie, rien ne vous oblige à lire les dialogues (puisqu’ils se font en même temps que vous jouez et PAS pendant les énigmes mais bien entre deux), rien ne vous oblige non plus à lire les documents sur les terminaux. 70% de la narration est « optionnelle ». Je mets de gros guillemets car à mon sens elle est trop intéressante pour être zappée mais si vraiment vous n’y trouvez aucun plaisir et que seul les énigmes vous importe… qu’à cela ne tienne. Une fois que vous partirez sur l’ile, vous êtes libre de vous gérer comme bon vous semble. Que la narration soit dense, que l’on ressente qu’elle l’est, c’est oui. Mais envahissante ? C’est non.


Les grands principes (de Talos)


Si vous ne connaissez pas The Talos Principle il serait peut être pertinent que j’explique de quels types de puzzles il s’agit. Si Portal était le jeu des portails, Superliminal celui des rapports d’échelles et The Witness celui des panneaux, The Talos Principle est un peu celui des faisceaux d’énergies à diriger. C’est une vision évidemment tres réductrice mais si vous avez fait le premier vous savez. Disons qu’il faut souvent trouver le moyen de diriger un faisceau de couleur dans la serrure de la même couleur via tout un tas de mécanismes : réflecteurs, inverseurs, ventilateurs, cubes etc… Je me garde d’évoquer les mécaniques introduites dans ce second opus car la grande majorité est réellement pertinente. Ce sont des énigmes basées sur la physique, l’observation et la compréhension de mécanismes et leur utilisation en cascade.

Je vais détailler la structure globale du jeu pour que vous compreniez comment tout cela s’articule. Lorsque vous arriverez sur l’ile (en son centre) vous pourrez immédiatement avoir un aperçu de ce que réserve le jeu. En effet il y a 12 zones (3 par point cardinal) à explorer et chacune renferme le même contenu :


  • 8 énigmes normales
  • 2 énigmes optionnelles plus relevées (symbolisée par un triangle au lieu d’un numéro)
  • Un « laboratoire »
  • 2 énigmes environnementales.
  • Les épreuves dorées

Pour boucler une zone et passer à la suivante il vous faudra obligatoirement faire 8 énigmes (normales ou optionnelles). Leur validation vous permet d’atteindre la tour de la dite zone et de pouvoir passer à la suivante. Les « laboratoires » sont des lieux à visiter (rapidement) pour trouver quelques documents supplémentaires et épaissir le lore. Les épreuves dorées sont des énigmes endgame que l’on débloque si l’on a fait toutes les énigmes du jeu, optionnelles comprises. Les énigmes environnementales sont des casses tête qui demandent de fouiller les zones afin d’en comprendre le fonctionnement. Une plaque illustrée sur un monument vous donne un léger indice sur ce qu’elle concerne. C’est totalement optionnelle également et ça fait un peu écho aux énigmes « entre les énigmes » du premier.


Générosité et courbe de progression


Le jeu comporte donc 120 énigmes (96 obligatoire à minima pour voir la fin) sans compter son contenu annexe. Ajoutons à cela la surcouche narrative et le fait que les environnements sont plus vaste à explorer et on obtient un puzzle game d’une durée de vie pas banale (35 heures pour ma part et je n’ai pas beaucoup bloqué. Il y a un trophée pour avoir passé 20 minutes sur une énigme et je ne l’ai débloqué qu’à 80% du jeu. De plus je n’ai pas entamé les portes dorées…). Face à cette étonnante durée de vie s’impose une question : Le contenu se renouvelle t-il assez pour ne pas lasser avant la fin ? (THE question déterminante dans mon appréciation d’un titre). Et bien oui car la structure très mathématique du jeu suit un schéma favorisant l’intérêt. Chaque zone introduit en fait une nouvelle mécanique, un nouvel outil etc… Ainsi chaque premier puzzle d’une zone introduit en douceur les fondamentaux de cette nouvelle mécanique puis monte crescendo jusqu’à la 8éme (+les 2 optionnelles). Le temps de pleinement maitriser la logique d’un type de puzzle que voila venu le moment de changer de zone pour redécouvrir une autre logique à appréhender. D’ailleurs vous pouvez les faire dans l’ordre que vous souhaitez au sein d’une même zone. Les mystères entourant le scénario constituent également un bon leitmotiv.


Certains ont évoqués un jeu plus simple et je ne le pense pas. Les acquis du premier jeu sont clairement un avantage que n’aura pas un joueur qui commencerai celui-ci et regarder quelques let’s play suffit à s’en convaincre. Je pense surtout qu’il est bien plus lisible et clair. La difficulté d’un jeu d’énigme est quelque chose de difficile à définir car propre à l’esprit de chacun. C’est pourquoi je vais plutôt parler de la courbe de difficulté du jeu. Encore une réussite pour le jeu de Croteam, elle est finement étudiée et même plus maitrisée que dans le premier. La façon d’introduire les mécaniques est bien plus naturelle et leurs montée en difficulté très bien pensée.


Il est possible de dénicher des « étincelles de Prométhée » dans les décors. Ce sont des « joker » pouvant être utilisés sur une énigme qui vous poserait problème. Je ne saurai vous dire si elles valident le dit puzzle ou procure juste une aide car je ne les ai pas utilisées… Il y en a une par zone à dénicher.


L’empire des sens


Artistiquement ce second épisode a indéniablement pris quelques niveaux. Les décors sont superbes, avec des structures incroyables et détaillées. La encore difficile de trop en dire mais le jeu réserve quelques surprises en terme de panorama, voir en lieu mystérieux et mystique… Techniquement le jeu est vraiment beau mais l’utilisation de l’Unreal Engine 5 ne m’a pas non plus fait tomber de ma chaise. A mon sens c’est les choix artistiques qui font briller le jeu et pas son moteur. J’ai cru comprendre qu’il y avait quelques couacs sur PC, sur PS5 ça s’est plutôt bien passé hormis un bug bloquant que j’ai mis 50 minutes à contourner tout seul à la moitié du jeu… Je préfère le signaler. Nul doute que des patchs fixeront tout ça.


Autre axe de progression, la bande son. Franchement on est facilement sur une des bande son de l’année, variée, toujours à propos et même soutenu par un sound design qui parfois apporte une touche de sérénité insoupçonnée. Il m’est arrivé plusieurs fois de m’arrêter face à un panorama et d’écouter le bruit des arbres, des animaux ou de l’eau soutenu par une composition aérienne… J’aimerai plus de moment comme ceux-là dans mon jeu vidéo croyez moi.


Dans la catégorie des jeux dont il est difficile de parler sans les dépouiller de leur mystère, The Talos Principle 2 est un excellent candidat. Je vous suggérerai évidemment de ne pas trop vous renseigner sur le jeu et de garder un maximum de surprises. J’ai pour ma part était complètement emballé par ce second épisode. Ses thématiques, ses personnages, ses nouvelles idées, son ambiance toujours aussi empreinte de mystère, ses petites claques en terme de DA, sa bande son divine… Pour moi ce qui le distingue des autres c’est qu’il ne repose pas sur un gimmick, une idée ou un concept que l’on étire sur 5 heures. Il se renouvelle, il a des ambitions narratives, artistiques et le tout avec une sacrée générosité de contenu. Je pense qu’il s’agit simplement d’un des meilleurs puzzles game que nous ai offert le médium, le tout à un tarif très doux (moins de 30€ rappelons le). Il serait si dommage de passer à coté d’un des grands jeux de 2023. Si The Talos Principle premier du nom était celui de l’existence en tant qu’individu, The Talos Principle 2 est définitivement celui du vivre ensemble.


Finalement je pense que la seule chose qui pourrait éventuellement jouer en sa défaveur c’est son contenu conséquent. Est-ce qu’un puzzle game de 30-35 heures sera au goût de tous ? Même s’il se renouvelle plutôt bien jusqu’au bout ? D’autant plus si la philosophie ne vous inspire rien hormis votre professeur du lycée que vous détestiez et une modeste note au BAC ? Vous avez 4 heures.


Joo-Hwan
9
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le 11 nov. 2023

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