Tomb Raider
7.1
Tomb Raider

Jeu de Core Design, Toby Gard et Eidos Interactive (1996PlayStation 5)


Test rédigé à l’occasion de la sortie du remaster des trois premiers volets. Vous trouverez en encarts les remarques propres à cette ressortie.


Lancer une partie de Tomb Raider en 2024, c’est activer une partie du cerveau qui n’avait pas fonctionné depuis vingt-huit ans, et se confronter à la patine de la nostalgie. C’est confronter les souvenirs de mon enfance à la réalité de ce que représentaient les premières aventures de Lara Croft, icône en devenir du médium.


D’autant plus lorsque cette version remaster a été fondée sur le jeu original. Les rares modifications sont: la sauvegarde manuelle quand on le souhaite, une barre de vie sur les boss (pour éviter la frustration sur les sacs à PV) et un mode de contrôle moderne malheureusement inadapté car faisant passer à l’as des mouvements nécessaires de la palette de l’aventurière. Une version qui propose des graphismes plus propres, avec une refonte des textures correspondant au souvenir que j’avais du jeu (un beau travail qui a du demander pas mal de réflexion aux équipes d’Aspyr), sans toucher à la structure anguleuse des niveaux, et la possibilité en la simple pression d’un bouton de passer aux graphismes originaux : " Notre approche ici était plutôt directe; nous voulons que les jeux ressemblent à ce que l’on a en tête. Nous savions que nous étions sur la bonne voie durant nos premiers playtests, puisque certains playtesters ne savaient même pas qu’ils jouaient avec l’enrobage moderne activé” dira le chef de projet Chris Bashaar. En effet Chris, c’était la bonne voie.

Mais passé ce côté Proustien qui tend forcément à biaiser mon appréciation, Tomb Raider est-il un bon jeu aujourd’hui? Pas de surprise, vous avez vu la note. Alors j’argumente:



Le Temple de Pythagore


Les premiers pas dans l’aventure s'avèrent compliqués, tant pour le néophyte que pour le vieux briscard qui a perdu la main par la faute des améliorations ergonomiques de ces trois dernières décennies. Lara est un tank, qu’il faut sans cesse repositionner pour lui faire exécuter les virevoltes que l’on souhaite. Un schéma de contrôle inhérent aux prémices de la 3D et de l’ère PS1, qui demande un bon temps d’adaptation. Mais une fois le cap de l’apprivoisement passé, c’est un pur plaisir. La plus friquée des profanatrices de sépultures ne prendra pas longtemps à vous répondre au doigt et à l'œil, enchaînant roulades, sauts longs, glissades et plongeons sans ciller. Si vous ratez un saut, vous êtes le seul coupable. Et pour cause, le monde de l’aventurière est bâti sur une grille, il est fondé de blocs. Un saut sur place, c’est deux blocs de hauteurs. Un saut avant à l’arrêt, c’est un bloc de longueur, un bloc de hauteur. Un saut avant avec élan (un bloc d’élan pour l’exécuter), c’est deux blocs de longueurs. Ajoutez à cela la touche action pour s'agripper aux rebords (parallèles au sol, sinon ça ne marche pas), et vous pouvez parcourir jusqu’à trois blocs de vides. Combinez les facteurs longueur, hauteur et élan, et vous réalisez rapidement la panoplie disponible pour ces phases de plate-forme millimétrées, mais toujours parfaitement justes. Un véritable geometric platformer dont les niveaux anguleux, épurés et aux arêtes saillantes livrent une lisibilité sans pareille.

Cette jouabilité qui apparaît initialement comme un obstacle devient rapidement une des grandes forces du titre.



Les Silencieuses Cités d’Or


Bien évidemment, un tel maniement demandera à Miss Croft de procéder lentement, de ne pas faire la maline sous peine de finir dans la ravine. La touche de marche est un inévitable remède à la dislocation intégrale, puisqu’elle permet à notre héroïne de stopper net son mouvement dès qu’elle atteint un bord. Lenteur donc, et contemplation.

Le rythme du gameplay est en concordance totale avec l’atmosphère proposée par le titre de Core Design. Vous êtes seule, dans des lieux qui n’ont pas eu de visite humaine depuis des siècles, et tout le travail d’ambiance participe à cet effort d’immersion. La musique, par exemple, est absente pendant l’immense majorité de l’aventure, et n’intervient que rarement, au détour d’un combat particulièrement tendu ou d’une salle imposante recouverte de fresques. Et quelle musique! Elle fait aujourd’hui encore partie de mes bandes-sons favorites du jeux vidéo!

Imaginez donc un segment du titre : vous courrez dans une grotte parsemée de cascades et de végétation, avec comme seuls compagnons le bruit de vos pas et le grondement de l’eau. Puis des tremblements lourds et rapides se font entendre. Et c’est alors que vous le voyez, fonçant vers vous, une créature d’une autre ère, accompagnée d’une musique toute en tension et de la perspective d’une mort rapide et brutale. Vous dégainez et êtes prêts à en découdre, tout en parcourant la salle du regard à la recherche d’un potentiel abri.

Tomb Raider est parsemé de moments comme celui-ci, vous gardant sans cesse sur le qui-vive. On aura tôt fait d’avoir les armes au poing dès lors que l’on est pas dans une phase de plate-forme. Cette immersion, pour qui est capable de rentrer dans cet univers de gros polygones, n'a pas pris une ride depuis 1996.



Pierres qui roulent et scarabées

Explorer des ruines, combattre des monstres, c’est bien, mais concrètement, comment ça se passe? A travers ses quatre lieux majeurs, le soft propose un enchaînement de niveaux presque tous construits en zones ouvertes que l’on peut explorer dans l’ordre que l’on souhaite, où la fin d’une séquence d’escalade vous mènera à un levier ouvrant une porte vue précédemment et à un raccourci pour y retourner. Après avoir éviter un des nombreux chausse-trapes présents, vous aurez alors une énigme assez simple à base de blocs à pousser, de clé à trouver, ou de niveau d’eau à altérer. Puis viendra un combat, que vous pouvez probablement tourner au dérisoire en choisissant bien l’emplacement d’où vous tirez. Le jeu propose une variété dans ses boucles de gameplay qui crée un rythme maîtrisé sur la longueur. Rien n’est jamais insurmontable tant que l’on prend le temps d’observer et de planifier avant de se lancer. Et si les lieux traversés seront au premier abord intimidants dans leur complexité labyrinthique, on aura tôt fait de s’y créer ses repères et de s’y mouvoir avec aise. Tomb Raider est souvent classé dans la catégorie des jeux d’aventure, voire de plate-forme. Mais ce qu’il est réellement, c’est un cinematic-platformer, un digne héritier du Prince of Persia originel et autres œuvres d’Eric Chahi. C’est l’aboutissement d’une formule éprouvée dans sa forme tridimensionnelle. C’est de l’exploration sous prétexte d’une histoire à base de McGuffin, de la plate-forme méticuleuse, des combats que l’on pourra éviter par manque d’envie de morfler, des pièges à esquiver, et des énigmes fondamentalement simples mais suffisamment engageantes pour justifier leur présence.



Des madeleines et du thé

Vous l’aurez compris, ce retour aux sources de ma vie de gamer est rapidement passée de l’appréhension à l’admiration. Tomb Raider est une perle qui, si elle est ergonomiquement exigeante, est toujours aussi singulière dans le médium. Mon vécu a surpassé mes attentes, trouvant le jeu meilleur que durant mes années de marmot (où je n’avais d’ailleurs jamais réussi à venir au bout de l’aventure sans cheat codes, faute de patience et de compréhension exacte des règles de déplacement). Un jeu précis, complet, et ayant marqué l’histoire du jeu vidéo d’une empreinte indélébile. Ce n’est plus la nostalgie qui parle, c’est l’expérience d’un joueur désormais aguerri qui revient lutter contre ses vieux démons, et se rend compte que ceux-ci l’avaient marqué à juste titre. Je ne peux qu’encourager mes quelques lecteurs à se lancer dans la quête du Scion, tant celle-ci est paradoxalement fraîche dans un paysage qui nous prend sans cesse par la main et nous noie sous les monologues de ses protagonistes qui ont peur du silence. Merci Lara, merci d’être belle et de te taire.


S’il est imparfait sur les contrôles modernes qu’il propose, je tiens tout de même à louer le travail d’Aspyr sur cette mise à jour du titre. Si tous les jeux des années 90 pouvaient passer par une telle remasterisation, ne changeant pas l’essence du jeu mais permettant d’en profiter sans s’éclater la rétine sur des saturations de couleur trop poussées et des pixels grossiers, je serais aux anges.

Créée

le 16 févr. 2024

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Frakkazak

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