À la fin de l'exceptionnel Higurashi no Naku Koro ni, Ryūkishi07 nous disait qu'on se retrouverait dans dix ans, même jour même heure. Enfin, un truc du genre. Il disait qu'il y aurait peut-être une autre oeuvre à laquelle il allait s'atteler. C'était en aout 2006, et c'est en aout 2007, soit un an plus tard que sort le premier épisode de Umineko no Naku Koro ni. Un an seulement qui sépare deux des plus grands chefs d'oeuvre de tous les temps, c'est fort quand même. Bon moi j'ai enchainé les deux en 2014, soit bien après leurs sorties respectives, mais bref.
Après avoir bouclé le magnifique Sanglot des Cigales, on est en droit de se demander si sa suite est à la hauteur de ce dernier. Cela semblait impossible même s'il se tapait des avis unanimes comme quoi c'était exceptionnel, sans parler de la moyenne SC de sa deuxième partie qui était de 10/10 (bon, plus maintenant). Je le commence alors, sans en attendre trop, comme pour Chrono Cross en fait, je me dis que ça va probablement être excellent, mais je ne vois pas comment il pourrait surpasser Higurashi. Encore raté !


Je ne sais pas vraiment si on peut dire d'Umineko qu'il est meilleur que son prédécesseur, mais il ne lui est à mon sens en aucun cas inférieur. Il arrive à faire aussi bien dans un univers différent, et en procédant différemment surtout. C'est un VN prenant, surprenant, et intelligent. C'est le cas aussi de Higurashi mais pour le troisième point on est ici encore quelques crans au dessus.


Pourtant le plot n'est pas si original que ça.
Une riche famille qui se regroupe sur une île, qui se prépare elle même a être coupée du monde par un typhon empêchant les résidents de s'échapper, des histoires d'héritage et de meurtres étranges. Ajoutez à cela une légende qui entoure l'île selon laquelle une sorcière rôderait dans le manoir la nuit (parce qu'il y a bien évidemment un manoir, non mais !) et on obtient un parfait cocktail d'éléments classiques du mystère/policier.
Mais le premier tome d'Umineko est un peu un hommage à ce genre, avec des chambres closes bien tordus, une suspicion constante entre les personnages et une ambiance très tendue par moment. Mais là, bien plus que pour le Sanglot des Cigales, ce premier épisode n'est qu'un prologue, une présentation des personnages et du contexte pour ensuite enchainer sur le vrai jeu, la bataille du mystère contre la fantaisie.


Et oui, il y a de la fantaisie dans Umineko, des éléments surnaturels, de la magie, tout ça. Ce qui selon toute logique est totalement inapproprié pour un jeu dont le but est de résoudre des mystères. Mais en fait ça s'intègre très bien et on se rendra vite compte que tout le sel d'Umineko se situe dans ces éléments de fantaisie. L'histoire utilise aussi plein de procédés scénaristiques impressionnants, notamment la "red truth" : tout ce qui est dit en rouge est une vérité indéniable. Cela permet de dévoiler les informations de manière originale, en plus de permettre quelques twists d'anthologie.


Umineko a beaucoup de points communs avec son grand frère Higurashi, principalement au niveau du plot (les deux sont des romans policiers, Hinamizawa tout comme Rokkenjima sont des lieux coupés du monde, dans Higurashi on a la légende de la déesse et dans Umineko celle de la sorcière d'or). Comme son confrère, Umineko a aussi des personnages très travaillés, qui ont tous leurs bons et mauvais cotés, et le fameux système d'arcs (qui sera ici utilisé de manière plutôt originale d'ailleurs) permet de voir plusieurs de leurs facettes et ainsi de se rendre compte que certains persos qu'on a apprécié peuvent être en fait de véritables raclures selon les circonstances. Sinon le mystère est toujours très bien géré, l'intrigue tient en haleine jusqu'à la dernière minute, il y a des rebondissements, bref comme pour le Sanglot des Cigales, le scénario défonce. Et c'est pas peu dire.


Là où le jeu diffère de son homologue, c'est surtout au niveau de la narration. Le premier optait pour un point de vue interne, pas là. Enfin sauf pour quelques exceptions. Autre point très important que j'ai déjà cité, la fantaisie omniprésente. C'est assez dur d'en parler sans spoiler mais pour faire court, c'est similaire dans une certaine mesure à Twin Peaks (que j'ai regardé peu après Umineko d'ailleurs) dont l'oeuvre semble s'être inspiré (en fait j'en sais rien, mais c'est l'impression que ça me donne).
Il y a de nombreuses choses à raconter à propos du fantastique dans Umineko, mais très franchement, mieux vaut le découvrir en jeu.
Tout ça pour dire qu'il part d'un plot classique pour arriver à quelque chose de vraiment original de part la manière dont tout est agencé. Ryūkishi07 procède différemment et offre une histoire qui ne cesse jamais de surprendre, et qui est tout simplement brillante.
Le background et la psychologie des personnages sont peut être moins bon que dans Higurashi car le jeu se concentre plus sur l'intrigue et la résolution du mystère mais ça ne m'a pas dérangé. En plus je trouve que Battler est un bien meilleur héros que Keiichi. Pour tout vous dire, j'ai trouvé l'histoire plus agréable à suivre que celle de Higurashi et son Slice of Life parfois lourdingue.
Enfin c'est entièrement subjectif bien sûr mais personnellement j'ai préféré ça, le jeu n'en est que plus rythmé surtout qu'il n'y a aucun passage inutile à l'intrigue et excepté le début du tome 1 et une partie du tome 4 je ne me suis jamais ennuyé.


En même temps, difficile de s'ennuyer devant un truc où on est sans cesse sollicité comme ça. Si le Sanglot des Cigales était déjà considérable comme un jeu pour son côté "mystère à résoudre", c'est d'autant plus vrai pour Umineko.

Ce VN a été écrit de manière à ce que le lecteur ai envie de le résoudre et ça se voit. Les indices sont parsemés ici et là dans le récit afin de nous aider à démêler le vrai du faux dans cette histoire, et ils ne seront pas de refus ces indices, vu à quel point le jeu est fourbe ! On peut être amené à élaborer des théories qui seront brisées par la suite à l'arrivée d'un nouvel élément... et le pire c'est que c'est bon ! Oui parce qu'à ce moment là on élabore d'autres théories, on tente de comprendre, parce que nous au final, on ne veut qu'une chose, vaincre la fantaisie, vaincre l'une des plus grandes antagonistes existantes, j'ai nommé la génialissime Beatrice ! Les autres antagonistes ne sont pas en reste même si Beato reste la plus marquante à mon sens, car plus présente, et c'est un peu la représentation de l'auteur qui nous soumet ses énigmes.


Comme pour Higurashi, on aura ici deux parties, les arcs "questions" et les arcs "réponses", je ne vous ferez pas l'affront de vous dire à quoi ils servent, il faut juste noter que les réponses sont ici bien moins explicites que pour Higurashi, et la vérité concernant les meurtres ne sera pas donné entièrement. C'est là que l'aspect "jeu" prend tout son sens puisqu'il faudra trouver nous même notre version de l'histoire, et de ce fait réellement ressentir un lien avec l'oeuvre, en y participant. Encore un coup de génie.
Au passage, si l'arc des des réponses d'Higurashi s'appelait "Kai" qui signifie tout simplement réponse, celui d'Umineko sera lui gratifié d'un "Chiru" qu'on pourrait traduire par démolition (ou disparition, entre autres), et autant dire que cela fait sens en jeu.


L'histoire part parfois très loin, abordant une multitude de thèmes tous très bien traités. Par exemple l'auteur donne sa vision du Mystery Novel, il évoque le rapport qu'entretiennent fiction et réalité, et bien sûr il y a ce terme de "vérité" qui sera vraiment l'un des piliers du scénario. Sans oublier le thème de l'amour, qui pour le coup, est sans aucun doute LE thème majeur de l'histoire.

Les relations familiales et plus globalement humaines sont extrêmement bien retranscrites, j'ai dit que les personnages étaient moins travaillés que ceux d'Higurashi mais ça ne les empêche absolument pas d'être totalement crédibles et... et humains tout simplement. Je l'ai déjà écrit plus haut, les personnages ont tous leurs bons et mauvais cotés, et on se rendra vite compte qu'ils peuvent tous être coupables, et le jeu prendra un malin plaisir à nous faire soupçonner tout le monde.


Je n'ai pas parlé de l'ambiance qui est exceptionnelle, notamment grâce à la gigantesque OST du jeu, dont pas une seule musique ne m'a déplu. Une véritable mine d'or musicale qui se hisse directement au niveau des meilleures bandes-son que j'ai pu écouter. Ryukishi07 s'est amélioré au dessin, les personnages sont bien plus classes que ceux d'Higurashi, et surtout ILS ONT PRESQUE DES MAINS (presque, mais tout de même).


Pour finir je pourrais évoquer les défauts de ce chef d'oeuvre, mais j'en trouve pas, donc finalement non. Ah si, certaines personnes pourront être rebutées par les dessins moches, mais bon, on s'habitue. Certains trouveront peut-être le coté fantastique trop présent à mesure que l'histoire avance, mais là encore ce n'est qu'une question de subjectivité.


Finalement Umineko no Naku Koro ni aura été une expérience extraordinaire, débordant d'intelligence, d'epicness et d'émotions, qui m'aura fait frissonner jusqu'à ce final absolument grandiose qui conclut parfaitement cette magnifique histoire. Le message de la fin est incroyable, car beau tout en restant simple. Je ne sais pas si je retrouverai un jour une oeuvre de cette envergure, si c'est le cas, alors le truc qui le surpassera sera probablement très couillu.


Maintenant j'attends tranquillement que "quelque chose d'autre se mette à pleurer".

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le 16 mai 2015

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YoshiBlade

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