Je présume qu'avec Uncharted 4 les développeurs nous voudraient prosternés devant tant de prouesse technique et de maîtrise narrative. Las, je m'incline surtout devant la profonde indigence ludique d'un jeu qui sacrifie l'essence du jeu vidéo sur l'autel de la prétention cinématographique.
Entre deux cinématiques qui déroulent un scénario affligeant que seules les années de lobotomie devant le cinéma hollywoodien peuvent permettre de trouver magistrales Uncharted 4 multiplie les séquences où il fait du joueur un simple assistant de son déroulement, qui s'en trouve réduit à presser le bouton imposé au moment imposé. Et quand enfin le joueur se trouve un tant soit peu libre de ses actions il se retrouve propulsé plus de dix ans en arrière, dans un TPS couloirisé et terriblement archaïque (mon peu d'estime pour Tomb Raider s'en est relevée d'un cran ; au moins les ennemis tombent en se prenant une balle dans la jambe, portent des protections qui expliquent un tant soit peu leur résistance, ne sont pas projetés 3 mètres en arrière sous l'impact de la balle létale, semblent presque animés par une IA, etc). Qui se trouve ici doublé d'un syndrome que je n'avais plus vu depuis Call of Duty Modern Warfare : une action totalement scriptée, dénuée même d'une IA minimale, qui se déploie autour du joueur à condition que ce dernier respecte son déroulé. Il suffit de s’abstraire un bref instant de l'action pour constater que nos alliés tirent dans le vide, qu'ils ne sont jamais pris pour cible (accessoirement qu'ils se comportent de manière totalement incohérente, ce qui n'a aucune incidence à part éventuellement gêner l'action dans la mesure où leur présence est purement cosmétique ; il y a quelque chose de drôle et terriblement pathétique à les voir courir dans le champ de vision des ennemis sans déclencher l'alerte en phase infiltration), que l'action se fige ou les ennemis débarquent à l'infini tant que le joueur n'a pas franchi le point de passage suivant.
A mon sens le chapitre 7 (celui des enchères) illustre à merveille l'indigence complète de cet Uncharted 4 tant sur le plan narratif que ludique. D'autant qu'il constitue en plus le point de basculement du jeu dans l'action, avec les cadavres qui s'amoncellent par dizaines au pied de Nathan Drake. En quatre Uncharted je pense bien avoir du abattre 2000 personnes. Comment faire exister avec crédibilité un personnage et un univers dans ces conditions ? Reste que j'aurais pu prendre pour exemple quasiment n'importe quel autre chapitre pour illustrer le naufrage du jeu, comme le 11 à Madagascar, son 'énigme' pour demeuré ou sa course poursuite tellement grotesque (tant sur le plan ludique que du déroulement à l'écran).
Il reste à Uncharted une réalisation technique absolument fantastique, même en cherchant à pinailler sur des détails dégueulasses ici ou là à l'horizon. Et qui plus est avec des temps de chargements particulièrement maîtrisés pour de la PS4 (joueur PC depuis bien longtemps sur SSD je crois que c'est limite le détail qui m'impressionne plus). Une certaine trajectoire du jeu vidéo qui explique en grande partie pourquoi la révolution indé : des graphismes toujours plus beaux, des prétentions cinématographiques envahissantes et risibles, une écriture qui prend le joueur pour un parfait crétin, un gameplay toujours plus pauvre et prévisible.
Personnellement j'ai atteint avec ce quatrième opus le point où je n'ai même pas été diverti un seul instant par un AAA (par contre je me suis très souvent senti insulté) et largement préféré un outsider AA - voire simple A - non moins bardé de défauts mais qui a au moins le mérite d'avoir placé le fun au cœur de ses préoccupations (ici le reboot de Tomb Raider, tout comme j'avais trouvé Sleeping Dogs tellement préférable à un GTA). Après je suis content de l'avoir bouclé, pour la 'culture'. Et cela permet de relativiser le sens critique de la presse vidéo-ludique.
Pour conclure sur un pur troll : à ce rythme je ne peux pas dire à quoi ressemblera Uncharted 5 mais le 6 s'apparentera certainement à un jeu David Cage. Et, des deux, je ne sais pas qui j'insulte le plus en écrivant cela :-D

Créée

le 20 avr. 2019

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bunnypookah

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