Critique publiée sur ArtZone Chronicles.


A peine le temps de se familiariser avec Nathan Drake que nous voilà pris dans l'action, attaqués par des pirates en voulant à notre découverte, à savoir le cercueil du supposé ancêtre du protagoniste Francis. Cette introduction musclée pose à la fois la relation entre Drake et Elena et le gameplay qui nous accompagnera tout au long de l'aventure. A savoir un cover shooter à la troisième personne, agrémenté de corps à corps cinématographique avec ralenti au finish. S'ensuivront des péripéties au cours desquelles Drake et ses comparses (le binôme est rejoint par Sullivan peu après) vont partir à la recherche du fameux Eldorado. Le reportage supposé d'Elena de ce début d'aventure aurait pu apporter un soupçon critique sur ces chasses au trésor sanglantes qui méprisent toute morale, apporter une forme d'antagonisme entre les deux personnages, mais ce potentiel est assez vite abandonné pour laisser libre cours à du flirt et une complémentarité scénaristique seulement (on n'incarne jamais vraiment la reporter).


Pourquoi découvrir le premier Uncharted en 2016 ? Le moment je-raconte-ma-vie vous dira que j'aime faire des sagas dans leur totalité et leur ordre, même quand un épisode ultérieur peut être totalement indépendant de cette chronologie. C'est ce qui m'a presque dégoûté d'Assassin's Creed dont le premier m'a mortellement ennuyé, au point de mettre des mois avant de lancer le second. Rien de tel ici, mais les attentes étaient bien moins importantes. Si les univers proposés par le jeu Ubisoft ont quelque chose de prometteur, l'aspect contemporain du jeu de Naughty Dog l'est moins et c'est plus le genre qui apporte des espoirs et de l'envie. Inévitablement, on pense aux premiers Tomb Raider, qui restent des jeux clés dans l'histoire du média. Les développeurs annoncent clairement leurs inspirations, de l'aventure pulp à là Indiana Jones, en passant par un Hollywood du blockbuster pour en mettre plein les yeux et exploiter à fond cette nouvelle génération de console pour laquelle ils proposent cette nouvelle licence. A côté de ça, on évoque l'identification à un Nathan Drake supposé ordinaire, on maîtrise donc tous à la perfection le maniement des armes et le meurtre sans remords dans une situation où l'on est confronté à la violence. Ce côté « beau gosse dragueur surentraîné à la répartie facile » rend le personnage plus agaçant qu'autre chose, sans lui donner un réel charisme, à moins que l'on ne soit jaloux de l'attention d'Elena, nettement plus sympathique, femme forte ridiculisant par moments notre aventurier et se montrant plus audacieuse que lui.


Cet aspect caricatural se retrouve dans les personnages secondaires, du petit escroc Sullivan aux vilains Roman, Navarro et Eddy, dont on suppose un contact antérieur avec Nathan sans que cela n'aille plus loin (mais on s'en fout un peu et une scène vers la fin suffit à tisser la relation entre les deux personnages). Mais le scénario aussi fait office de série B un peu ringarde, souvent absurde, frôlant le ridicule, d'autant plus face à la débauche de moyens développée par Naughty Dog pour en faire un blockbuster hollywoodien. Tout cela paraît bien négatif, mais j'ai l'impression (sans en être tout à fait certain) que ce second degré est assumé à fond et que jamais le jeu ne se veut sérieux ni mature dans son scénario et son écriture, ce qui fait que ce bigger than life aux accents de nanar passe tout seul et forme un tout cohérent, accompagné d'environnements plutôt chouettes et d'une dernière partie de scénario qui va encore plus dans cet absurde référencé, et un boss final qui reste dans cet esprit, jusqu'à la facilité avec laquelle on le défait.


Si les pères d'Uncharted paraissent évidents pour l'écriture, on s'éloigne de Tomb Raider dès qu'on passe dans les fusillades. Les plates formes, qui demeurent des passages minoritaires du jeu, y font penser tout en étant moins rigides et remis au goût du jour, tout en évoluant dans un environnement autrement plus joli (évidemment), mais l'action et les sauts, courses, saltos en tirant disparaissent (sauf justement dans cette dernière partie du jeu dont je parlais plus haut). Et c'est un peu la faiblesse rythmique d'Uncharted, qui se résume à du « on avance, on flingue quelques vagues de pirates sortis d'on ne sait où, en distribuant quelques tatanes, on avance, on flingue, tiens une petite phase de plate-formes, on avance, on flingue... ». Et cela pendant la dizaine d'heures qui constitue le jeu.


Ok, on peut aussi essayer de trouver quelques trésors pour débloquer des bonus et des trophées. Une idée pas si inintéressante d'ailleurs, ces récompenses n'étant pas uniquement de la frime mais donnant accès à des vidéos de making-of, d'élaboration de cinématiques, qui si elles ne sont pas essentielles, sont un apport agréable et donnent du sens à l'exploration et à ces trophées trop souvent inutiles dans bien des titres. Mais dans l'ensemble, il y a cette répétitivité qui m'a rappelé, de manière rétroactive du coup, Max Payne 3 (qui est très chouette pour plein d'autres raisons) et ses armées de zigs à éliminer sans aucune hésitation morale. Pour procéder à ces massacres, on peut certes se bastonner pour gagner plus de munitions (bien utiles), mais souvent on reste protégés et on flingue à distance, dans des situations plus ou moins difficiles. Je l'avoue, je suis nul dans les TPS sans assistance à la visée, et pourtant je n'ai que rarement eu la frustration d'une mort répétée. Si l'IA est honnête (on peut difficilement rester derrière le même arbre pour éliminer toutes les vagues d'ennemis), la séparation entre phases moins violentes et zigouillage de pirates est trop flagrante, on sent tout de suite qu'on va tirer partout en entrant dans un lieu où toutes les couvertures sont trop évidentes. Un peu dommage pour la fluidité générale du jeu de compartimenter de manière si visible ces différentes phases. Nathan Drake a également pas mal d'armes à disposition (mais pas plus de deux en même temps), sans qu'en changer soit une stratégie indispensable pour se sortir des situations périlleuses dans lesquelles le héros ne cesse de se fourrer.


Difficile de se replacer en 2007 pour savoir si oui ou non Uncharted a changé la donne. En 2016, il n'a plus grand chose d'original, mais fait le travail avec soin et semble assumer son aspect nanar pour se concentrer sur un gameplay certes répétitif mais qui fonctionne, en tout cas pour la dizaine d'heures de jeu qui est pile la bonne durée, la lassitude commençant à poindre le bout de son nez malgré un léger renouvellement lors des derniers chapitres. Saluons aussi la volonté d'éviter le « trop » en limitant l'action à un espace-temps limité : Nathan Drake ne fait pas encore le tour du monde, ce qui colle tout à fait avec l'aspect « film à petit budget » qui habille l'écriture d'Uncharted.

Créée

le 6 mars 2016

Critique lue 138 fois

Flavien M

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