Slasher movie interractif, Until Dawn transcende la culture juvénile américaine de masse de ses films d’horreur des années 90, pour une expérience analytique proche de celle de Milgram. La dialectique du pauvre à portée de dualshock 4. Jouissif et effrayant.


Dans cette luxueuse cabane au Canada tapie au fin fond des bois enneigés, une mauvaise blague d’étudiants américains transformait un weekend à la montagne, en sauterie mortellement tragique. Un an plus tard, en mémoire des jumelles décédées, leur frère Josh rassemble à nouveau le groupe présent à Blackwood Pines au moment du drame. Le recueillement cède rapidement place aux préoccupations bassement sexuées chères à la TV-réalité d’Endemol. Là où les concepteurs d’Until Dawn s’en réfèrent en interview au Psychose d’Hitchcock et à Kubrick pour Shining, c’est d’avantage aux teens movies du défunt Wes Craven, à « Butterly Effect » ou à « Souviens-toi l’été dernier », qu’on pensera, tant le jeu surjoué des acteurs (qu’on a pu voir dans les séries Heroes, Mr Robot, ...) donnera lieu aussi à son lot de morts stupides typiques des teen-movie de série B.


LE CON, LA BRUTE, LA SALOPE, LE GEEK, LE « FORT EN GYM » ET LE TRUAND


Au travers des huit personnalités contrôlables, l’interaction portera sur un choix de dialogues et d’actions à décider rapidement. Un droit de vie et de mort perpétuellement dichotomique et cornélien. Rassurer ou provoquer? Mentir ou dénoncer cette liaison qu’on aurait préféré ne pas découvrir? Les affinités sélectives des protagonistes se modifieront dès lors au gré de nos choix, et développeront l’arborescence narrative prônée par cette théorie de « l’effet papillon ». Un vivarium salement malsain, qui rappelle les subtils rouages en matière de huit clos du fondateur « Manoir de Mortevielle » (PC, Amiga, Atari ST - 1988) ou encore l’inventeur du survival-horor (genre repris par Resident Evil), le révolutionnaire « Alone in the Dark » de Frédérick Raynal, gravant à jamais l’année 1992 dans nos mémoires de joueurs estomaqués.


Découpés en 10 actes façon TV show US, et rythmés par la traditionnelle formule consacrée « Précédemment dans Until Dawn », la narration s’entrecoupe d’entretiens psychologiques borderlines face à l’acteur John Abruzzi au sommet de sa folie (connu notemment pour son rôle dans Prison Break). Le système de QTE (Quick Time Events) intronisé par Shenmue sur Dreamcast, rappelle les obsessions narratives de David Cage dans l’excellent Heavy Rain et Beyond : Two Souls. Des avancées françaises en matières de narrations vidéoludiques et de cinématographies interactives qui ne furent pas sans diviser de manière souvent navrante les conservateurs du hardcore gaming autour de ce que doit être ou non un jeu vidéo.


VIVRE ET LAISSER MOURIR LONGTEMPS


Même si tout nous incite à fustiger la plupart des scènes et dialogues du jeu, il serait malhonnête de ne pas reconnaître qu’au final, disposer des faits et gestes ainsi que des possibles affinités de ces huit protagonistes proches de la lie de l’humanité, procure un certain plaisir honteusement jubilatoire. Un pari vidéoludique intriguant qui nous poussera à rejouer les différentes scènes afin d’en apprécier tous les possibles, du meilleur au pire. Au final, les intentions de l’expérience de jeu d’Until Dawn ne dénotent pas par cette autre interrogation concernant les filiations existantes entre les dogmes du cinéma et les possibles interactions sans cesse grandissantes qu’offre la narration au sein d’une interaction vidéoludique. Cependant, Until Dawn dépeint, sans vraiment le vouloir, une société malade et bas de plafond où l’égarement dans la neige d’un téléphone rose et smart, cristallise au fond des bois les grandes tracasseries et maux de notre siècle… À découvrir absolument.


Gilles Banneux

Gilles_Banneux
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste Les meilleurs jeux vidéo de 2015

Créée

le 7 oct. 2015

Critique lue 461 fois

2 j'aime

Gilles Banneux

Écrit par

Critique lue 461 fois

2

D'autres avis sur Until Dawn

Until Dawn
MaSQuEdePuSTA
7

"Le meilleur de David Cage!"

David Cage. Cela fait des années que la "presse" vidéoludique française s'évertue à chercher le Grand Créateur Français dont elle pourra revendiquer l'œuvre comme l'expression d'une volonté...

le 14 sept. 2015

28 j'aime

1

Until Dawn
Provehito
7

J'ai SurSAWté

Until Dawn est un jeu à part car il vient de loin, très loin. A vrai dire, allier Survival Horror / Epouvante / Slasher avec un jeu interactif à la Quantic Dream et les choix de TheTelltalesGames...

le 30 août 2015

20 j'aime

2

Until Dawn
LinkRoi
7

Sens critique is down until dawn

Parlons d'Until Dawn ! Until Dawn, ce n'est pas un jeu qui m'avait réellement attiré a l'annonce et ce n'est pas un jeu qui m'avait vraiment intéressé non plus. Certes, ça avait quand même l'air...

le 3 juin 2019

9 j'aime

9

Du même critique

Mad Max
Gilles_Banneux
7

Ne jamais arrêter le V8 qui vous maintient en vie

Dans cette seconde adaptation de l’univers de Georges Miller, avoir une panne d'essence n'est pas qu'un simple désagrément dans un monde ouvert, aride et désolant, c'est la promesse d’une...

le 7 oct. 2015

1 j'aime

Absolver
Gilles_Banneux
8

« Vous allez finir par vous aimer les uns les autres, bordel de merde ?!? »

« Cela faisait une éternité que distribuer des pains dans la tronche n'avait pas été aussi bien ! » Excellente surprise que ce savoureux et intrigant Action-RPG au concept réellement novateur !!! Un...

le 10 sept. 2017

OneChanbara Z2: Chaos
Gilles_Banneux
5

Beauferie sidérale sur fond de zombies trépanés...

Là où le Japon s’épargne totalement toute velléité pudibonde propre au reste de la planète, Onechambara rassemble dans cette version PS4, deux duos de « femmes de tabouret » d’une saga...

le 7 oct. 2015