Comme on le dit souvent, il n’y a pas de plus grande terreur que lorsqu’on la puise dans la réalité. Les fantômes, les zombies, tout ça nous fait peur 2 minutes, mais parler d’actes innommables et de vie brisées, c’est autre chose… En ce sens Wednesdays est un véritable jeu d’horreur. Il aborde des choses que vous n’avez même pas envie d’imaginer, préférant occulter cette épée de Damoclès du malaise qui gravite autour de vous. Mais c’est un jeu nécessaire qui met des mots sur les tabous pour mieux délier les langues de certains et éduquer les autres.
Wednesdays nous fait suivre le personnage à tête de cube Tim, qui en rejouant à un vieux jeu de Parc d’Attraction de son enfance, se remémore petit à petit des moments charnières de sa vie. Mais il y a un souci, un point noir dans cette existence insouciante qui assombrit tout le tableau. Timothée a été violé quand il avait entre 4 et 10 ans. Vous l’aurez compris, ce jeu aborde des sujets lourds comme l’inceste et les violences sexuelles sur mineurs. C’est abject, horrible, cruel, mais ça existe, c’est même trop fréquent… Donc plutôt que de l’invisibiliser ou le substituer, Wednesdays va en parler pleinement pour exorciser les démons et éclairer les consciences.
Difficile de composer avec ça malgré tout. C’est un sujet gravissime, on ne saurait par quel bout le prendre. Mais il y a une certaine finesse dans cet abysse. Cette idée de mettre en point central ce jeu de gestion de parc, auquel on retourne entre chaque souvenir, comme un hub mémoriel, permettant d’annoncer la couleur de ce que l’on s’apprête à expérimenter. Les devs se doutaient d’ailleurs que certains auraient du mal à encaisser certaines scènes et ont eu la bonne idée de mettre des warnings pour chacune d’entre elle, quantifiant son intensité dans l’horreur.
Une fois lancé dans un souvenir, on aura une conversation entre Tim et un ou plusieurs interlocuteurs, avec des choix de réponses pour faire avancer l’intrigue, bien que ces options n’aient pas vraiment d’incidence sur la suite. C’est sobre, très peu mobile, ça dure environ 5 minutes à chaque fois, mais ça ne manque pas d’ingéniosité. Le choix le plus radical a été de ne pas nous faire incarner Timothée, mais tous ceux à qui il s’adresse : grand-mère, père, ami, prof, cousin... C’est peut-être un détail, mais ça démontre avec subtilité ce besoin d’être écouté. Les personnages avec lesquels on s’exprime par bulles de dialogues sont des proches, des gens à qui on peut se confier, mais aussi des gens à qui c’est encore plus dur d’annoncer des nouvelles aussi horribles. On sait que quelque chose cloche, mais on ne peut pas le faire parler à notre place, c’est à lui de se livrer, et à nous de tout faire pour qu’il soit entendu.
Au bout de 2h vous aurez fait le tour de la vie tourmentée de notre homme cube. Entre certains moments innocents qui se trouvent être lourds de sens avec le contexte, des scènes affreuses, déchirantes, passant du déni au frontal. Mais aussi quelques moments de bonheur, refusant qu’un acte isolé détériore son existence toute entière.
Grandement aidé par ses tableaux somptueux et la manière qu’ont les développeurs de jouer avec. Ils arrivent à matérialiser ces dialogues anodins ou délicats et y injectent une mise en scène subtile pour créer l’impact émotionnel dont le joueur à besoin. C’est une véritable science du Visual Novel à la française, qui j’espère en inspirera d’autres.
Ce jeu ne laisse clairement pas indemne, il vous ballote dans les pires flots de l’humanité et nous questionne sur notre rapport au tabou. Étant extérieur à ces questions, n’ayant jamais vécu ça, ni dans mon entourage, je pensais que je ne saurais pas comment appréhender cette histoire. Mais finalement le jeu est pensé pour nous également, pour tous ceux qui ne voient pas ce genre de problèmes ou qui préfèrent ne pas le voir. Exposer cela au public pour nous faire comprendre que l’écoute est capitale. Ainsi cela ouvrira peut-être la porte à certains qui seront plus confiant pour en parler. La communication est le meilleur des remèdes.