J'espère que vous avez du temps devant vous.

C'est devenu de bon ton de déféquer à pleine puissance sur World of Warcraft pour une multitude de raisons, parce qu'il a supposément détruit Dark Age of Camelot (qui se serait plutôt achevé en sautant à pieds joints dans le vide avec sa dernière extension, d'après les retours que j'en ai eu), ou parce que c'est devenu un truc trop mainstream aux yeux de ceux qui attendent toujours l'arrivée de leur « wow killer ». Bien sûr, je peux tout à fait comprendre qu'on trouve le jeu chiant, répétitif, mais je pense qu'on a un peu tendance à lui attribuer plus de torts qu'il n'en a causé. Plutôt que d'essayer de convaincre ceux qui n'ont pas aimé le jeu, ou qui n'ont pas été attirés par ce genre d'expérience, j'aimerais surtout expliquer pourquoi j'ai aimé ce jeu, indépendamment du fait qu'il s'agissait de mon premier jeu massivement multijoueur et ce que je lui reproche.

« Tiens, si je vous disais qu'il y a rien que j'adorais plus que les grandes chevauchées solitaires dans les grands espaces vierges ? La communion avec la nature, l'extase des sens, un sentiment grisant de liberté. L'osmose, quoi. »

Ce sentiment d'évoluer sur une carte gigantesque, sans heurt, sans écran de chargement, c'est l'une des premières choses qui m'avait marqué sur ce jeu, surtout en comparaison de mes expériences précédentes : les open world solos ne se disputaient pas dans ma collection, et les mondes persistants, encore moins (au mieux, des petits jeux par navigateur comme Fondation, Paranoid Galaxy ou MountyHall).

Et on ne se déplaçait ni avec des foutus téléporteurs, ni en sprint, ni à dos de monture dès le niveau dix.

Ça peut paraître totalement insensé, voire masochiste, de se plaindre de trajets courts voire instantanés. Mais c'est aussi le temps nécessaire pour atteindre notre destination qui donne un sens et de la substance au voyage, nous fait assumer nos choix et qui nous pousse à prévoir à l'avance notre trajet, à réfléchir à la prochaine zone à visiter. Prendre vingt minutes de son temps pour changer de zone de départ, en courant en slip sur la route, tout en fuyant la moitié de la faune locale attirée par votre faible niveau, ce n'était peut-être pas la chose à faire la plus agréable sur l'instant, mais c'était possible, et c'était une façon comme une autre de se démarquer des autres joueurs (ou d'éviter une zone de départ horrible).

La même logique pouvait s'appliquer à votre montée en niveau, puisqu'il était tout à fait envisageable de commencer une zone, d'en entamer une autre puis de revenir à la précédente pour boucler cette dernière. Certaines étaient même expressément conçues pour ça (les Tarides, où il était judicieux de commencer Stonetalon avant d'aller dans les Tarides du Sud), et le nombre de régions disponibles par tranche de niveaux (tranches qui se superposaient) était suffisamment grand pour vous permettre d'esquiver une région que vous n'aimiez pas faire, ou en réserver pour un autre avatar.

Niveau ambiance, il y en avait pour tous les goûts : forêts (hantées, polluées ou immaculées), déserts, montagnes et vallées, jungles, temples et pyramides, plaines agricoles et minières, déserts volcaniques, terres ravagées par la peste... des décors aussi variés qu'accompagnés par une excellente bande son (qu'on finissait par couper, mais au bout de quelques heures, rien d'anormal).

Les zones faisaient la part belle à l'exploration : trouver une créature rare pour espérer recevoir quelque chose d'utile, chercher son nouveau familier à l'allure exotique pour frimer à la capitale, chercher le spot le plus rentable pour farmer sa première monture (oui, je suis nostalgique vis-à-vis de ça, parce que c'était galvanisant et valorisant sur l'instant ; mais bon dieu, si le jeu entier s'était passé de cette façon-là – comme sur un MMO coréen, en fait –, j'aurais vite décroché), ou trouver des quêtes planquées (qui étaient souvent les plus intéressantes en terme de lore), qui vous amenaient parfois au travers d'un voire deux donjons. C'était parfois gênant d'être le seul à avoir une suite de quêtes non partageable (surtout quand on avait besoin de prier le groupe pour pouvoir la terminer), mais c'était une info de plus à partager avec les membres de votre guilde ou de votre groupe, et une raison de plus pour sortir un peu du sentier.

Et justement, en parlant de quêtes...

« J'ai dû chercher dans tout le village pour retrouver les poules de mon grand-père, qui s'étaient enfuies. »

Les quêtes de World of Warcraft suscitaient toutes sortes de pensées allant de l'incompréhension au mépris, en fonction des attentes du joueur. Pour l'amoureux du jeu de rôles solo, du vrai, du bon, du bon jeu de rôles, ça pouvait se comprendre assez facilement : il n'y avait pas de dialogues à proprement parler, aucun choix, un simple pavé d'instructions avec un bouton « Accepter » et « Refuser » et une récompense connue d'avance, et la plupart du temps, le thème de ces quêtes gravitait autour du monster bashing.
Mais le minuscule détail que beaucoup de détracteurs semblent oublier, c'est que la principale façon de monter de niveau dans les concurrents de l'époque, c'était de taper du monstre en chaîne et en groupe sur un spot précis. Résumé : c'est comme avant, sauf que maintenant y'a du texte.

Dans l'ensemble, il me semble qu'il y a quand même eu une amélioration. Je comprends parfaitement à quel point ce système est critiquable : cette façon de définir un nombre fini de quêtes peut fonctionner sur un jeu solo, mais ça me semble un peu contraire à l'idée d'un monde persistant, qui est censé évoluer et où les joueurs sont censés interagir.

Pour autant, je ne l'échangerais pour rien au monde pour un système de génération de quêtes aléatoires (souvent limité et répétitif), ou pour un système d'événements à la Guild Wars 2 (une bonne idée sur le papier, mais qui n'est surprenant qu'à la première occurrence, qui supprime le peu d'écriture présent et qui ne vous incite pas à interagir avec les autres joueurs), et je ne l'aurais pas non plus amélioré avec des doublages ou un pseudo arbre de dialogues à effet placébo comme sur The Old Republic ou The Elder Scrolls Online (c'est joli, c'est plus « réaliste » mais ça n'a pas ou très peu d'influence sur le déroulement de la quête).

Le salut repose-t-il entre les mains du contenu créé par les joueurs ? Dans l'abandon des niveaux et des points d'expérience au profit d'une montée en puissance basée sur une feuille de personnages plus dense, avec des compétences autres que des compétences de combat ? Ou d'un mélange de contenu créé par le studio, aléatoire, et créé par les joueurs ? Bonne question...

En tout cas, dire qu'il n'y avait que des quêtes de monster bashing, c'est un peu malhonnête. En dehors des désormais traditionnelles quêtes fedex (qui ne sont pas si nombreuses, et dont l'intérêt est justement de vous amener à de nouvelles zones où prendre de nouvelles quêtes), on trouve :
- de l'enquête (avec même parfois un peu de mise en scène),
- de l'escorte (vous vous rappelez, celle au sud de Ratchet ? Ah ah ah...),
- et de l'inclassable : je pense notamment aux objets lanceurs de quête, qui cachaient parfois de belles petites surprises (le message de la princesse à délivrer, dans une bouteille sur la plage à Strangleronce... la carte au trésor à rapiécer à Tanaris...) ou à ces quêtes bien planquées qui vous faisaient voyager d'un bout à l'autre du monde, pour une récompense pas si énorme au final, si ce n'est vous en apprendre un peu plus sur certaines intrigues et développer le lore.

Non, vraiment, si on ne s'attend pas à jouer à un véritable jeu de rôles solo (donc pas à un jeu Bethesda), World of Warcraft n'avait pas à rougir de ce point de vue-là.

« Tiens donc, un paysan. »

Je ne peux pas annoncer une quelconque révolution en la matière, mais les classes présentes en jeu m'avaient parues variées et attirantes, même si l'équilibrage déconnait sévèrement : le guerrier était une grosse brèle qui se faisait ridiculiser par à peu près tout le monde... même en attaquant le premier et au moins jusqu'au niveau 30, tandis que le chaman pouvait réduire en purée la plupart des jeteurs de sorts avec son horion et sa masse.
Les arbres de talents étaient un excellent moyen d'expérimenter des combinaisons diverses et variées, surtout avec des classes aussi polyvalentes que le chaman, le druide ou le chasseur. Chaque période du jeu aura apporté son lot de chagrin et de « op nerf wtf », mais celui qui trouvait une combinaison efficace (patchée la semaine suivante, en général) s'en mettait plein la margoulette.

Ça aurait sans doute été intéressant d'avoir plus de classes spécifiques à chaque faction.

Par contre, s'il y a une chose que je ne veux plus voir dans ce type de jeux, ce sont les furtifs, qui ne souffrent d'aucune contrepartie niveau puissance et qui ne sont bons qu'à attaquer quand ça les arrange.
Normal, dans un sens, mais ce n'est pas parce qu'on peut se comporter comme un connard qu'on doit nécessairement le faire. C'est ce genre de comportement merdique qui pourrissait complètement le JcJ sauvage et l'ambiance sur les serveurs. Parce que ce n'est pas drôle de se faire stunlock par un petit sodomite qui attendait que vous soyiez en mauvaise posture, et ce n'est pas drôle non plus de se faire buter par un niveau 60 qui voulait se changer les idées en emmerdant les petits niveaux et en faisant foirer leurs quêtes d'escorte.

Un grand pouvoir implique mon pied au cul.

C'est la raison pour laquelle j'avais abandonné les serveurs JcJ pour migrer vers un serveur JcE (en plus de fuir une ambiance vraiment détestable). Mais avant ça, il y eut les raids et les champs de bataille.

« La route de l'Or est attaquée ! »

Je ne me souviens pas si les raids avaient commencé avant ou après l'instauration du système de progression JcJ (avec des grades !), mais je me rappellerais toujours des attaques de l'alliance sur la Croisée ou sur Bois-Brisé, suivies d'une petite expédition punitive sur Astranaar, ou des escarmouches dans les contreforts d'Hillsbrad (il y avait toujours un ou deux petits malins pour se planquer dans les champs et attaquer par surprise).
C'était très limité, et il y avait toujours un risque de se manger une victoire déshonorante en attaquant un PNJ (ou si un membre du groupe en tuait un...), mais c'était un début, et il y avait déjà de quoi s'amuser.

Et puis, les champs de bataille sont arrivés...

Je ne pourrais pas dire que je n'en aurais pas profité, même si j'ai raté à un poil de cul le grade de Lieutenant-Général (qui conférait une monture niveau 60) par manque de lucidité. Je faisais partie d'un petit groupe d'habitués, et j'ai fait l'ouverture du Goulet des Warsong, du Bassin d'Arathi et de la Vallée d'Alterac, et l'alliance en a vu de toutes les couleurs.

Pour autant, est-ce que j'en étais satisfait ? L'ajout d'objectifs (capture du drapeau, capture de points de ressources, prise de forts...) était une bonne idée, mais elle n'aurait pas dû être instanciée. Quand bien même les régions de base n'auraient pas pu être adaptées, ça n'aurait pas été un défi insurmontable d'en ajouter une spécifiquement pour ça.
La principale conséquence de l'apparition de ces champs de bataille a bien sûr été le dépeuplement des zones de conflits habituelles, et le glas des raids JcJ sonna, pour n'être remplacé que par des assauts ponctuels sur les capitales ennemies (qui se terminaient parfois très brutalement pour les attaquants) pour tuer les boss, sans but particulier.

« Les aventuriers ne vont jamais tout droit. »

Si l'on s'en tient à l'aspect purement esthétique, je crois qu'il n'y a pas un seul donjon que je n'ai pas aimé. J'ai un faible pour les donjons accessibles côté horde, et si je devais constituer un top cinq, il contiendrait probablement :
- le Temple Englouti (parce que les twolls mec),
- le Pic de Rochenoire (les deux parties, la deuxième nécessitant de forger le Sceau d'Ascension après avoir terminé une suite de quêtes dans la première !),
- les Profondeurs de Rochenoire (l'instance qui vous demandait une demi-journée pour la faire de fond en comble, avec un bon groupe... le niveau de détails est impressionnant, le contexte et l'ambiance tiennent du génie, et c'est le donjon qui m'en aura fait le plus baver),
- Zul'Farrak (parce que les twolls mec),
- et les Cavernes des Lamentations (mon premier coup de cœur).

Le Gouffre de Ragefeu était sympathique, mais court et pas très folichon, et découvrir les Cavernes susnommées a vraiment été une claque : un level design à la fois canonique et complexe avec de la verticalité, un contexte prenant, une quête principale et une foultitude de quêtes secondaires à trouver et à faire, avec un petit événement de fin contre un murloc géant, et, bien sûr, du loot.

Vous balancer une liste au visage ne rime à rien si vous n'avez pas connu le jeu, et je ne peux pas commencer à détailler tous les donjons du jeu. Je me contenterais donc d'une généralité : dans l'ensemble, les donjons de World of Warcraft m'ont bluffé par leur level design, leur taille, leur diversité, leur cohérence vis-à-vis de la zone à laquelle ils étaient connectés, et leur niveau de détails absolument impressionnant (les Profondeurs de Rochenoire, alias BRD, illustrent parfaitement cela : une cité naine gigantesque logée dans un volcan, où d'un balcon, vous pouvez apercevoir des habitations au-dessus et en-dessous de vous, avant que votre regard ne rencontre la lave).
Évidemment, tout n'était pas rose : décès prématurés (wipe), le tank qui se barre du groupe sans donner de raisons, le soigneur qui doit aller se coucher parce qu'il a école demain, le ninja qui vous dérobe un objet sous le nez alors qu'il ne peut même pas le porter, ne pas trouver de groupe sur votre serveur dépeuplé (tout simplement)... les exemples sont légions, les anecdotes douloureuses.

Mais ce n'est rien comparé au mélange de joie et de chagrin que m'inspirent maintenant les raids à 40 joueurs.

Et une petite parenthèse s'impose étant donné que je n'ai pas encore parlé d'un aspect aussi essentiel que controversé du jeu : les combats, gérés en temps réel, avec un système de ciblage automatique (une pression sur replay et tous les coups suivants atteindront la même cible), un système en concurrence directe avec les systèmes de ciblages manuels (on doit constamment viser sa cible pour toucher).
Si le second système permet d'éviter certains abus du premier (en particulier, le démoniste/prêtre ombre qui cavale en vous envoyant ses sorts sur la tronche, en vous regardant à peine et sans trop d'efforts), il a aussi tendance, à mon avis, à rendre les combats brouillons, est souvent bourré d'exploits plus ou moins avoués (l'animation cut, pour ne citer que lui, qui consiste à couper une animation d'attaque en enchaînant rapidement une action, de sorte à délivrer des dégâts sur une intervalle raccourcie) et, surtout, vous prive de votre souris, qui pourrait être employée à autre chose en plein combat (au hasard, sélectionner un allié pour le soigner).

En dehors de ça, je trouve le système à ciblage automatique plus respectueux des canons du jeu de rôles « classique » : ce sont les compétences de notre avatar qui devraient influer sur l'issue du combat, et pas l'habileté du joueur. Bref, je pense qu'il s'agit d'une évolution naturelle et même plus dynamique que le système à base de tours et de rounds d'AD&D.

Évidemment, les raids à 40 joueurs prenaient tout leur intérêt si vous aviez une guilde pour vous y accompagner. L'ambiance décontractée et bon enfant des donjons à cinq laissait place à une atmosphère plus tendue sous l'égide du leader du raid qui s'efforçait de maintenir un groupe organisé, et en dehors de quelques boss rencontrés dans les donjons de groupe (Eranikus, Wyrmthalak, Drakkisath, le roi Ogre...), la plupart ne demandaient pas d'appliquer une stratégie rigoureuse, ni de maîtriser pleinement sa classe.
J'ai autant apprécié les donjons de raid que les donjons de groupe par leur esthétique et leur contribution au lore, mais c'est aussi à ce moment-là que je me suis rendu compte que l'aspect Porte-Monstre-Trésor du jeu était particulièrement pénible. Améliorer son personnage par l’intermédiaire de l'équipement était au cœur du jeu, et si le côté aléatoire du butin de donjon de groupe était déjà frustrant, la répétitivité nécessaire à l'avancement de la guilde (parce qu'il fallait bien équiper ses 40 joueurs, et même en équiper un peu plus pour remplacer les partis et les absents) rendait la participation aux donjons de raids pénible, même chiante à s'en dégoûter.

C'était le principal défaut du jeu (à moins d'accrocher au principe) : tout reposait sur l'équipement, et la seule véritable source d'équipement venait du loot. L'artisanat était bien là, mais pas assez valorisé pour être réellement viable (ou dans le meilleur des cas, nécessitait d'avoir déjà farmé un donjon de raid comme un goret pour avoir les patrons et composants adéquats).

Je n'ai pas participé aux premières incursions (j'étais trop occupé à m'éparpiller sur plusieurs alts) et j'ai donc connu le contenu haut niveau assez tard, et malheureusement, quand vous arrivez à la fin d'un cycle de vie d'un donjon de raid, les autres sont déjà passés au suivant.

Et cette satanée feuille ancienne pétrifiée n'est jamais tombée.

« Y'en a qui appellent ça d'la camelote. Moi, j'appelle ça des trésors. »

J'ai souvent lu des gens dire que WoW était moche et techniquement dépassé. Le deuxième point ne peut pas se contrer, c'est un fait. Mais j'ai envie de dire : on s'en fout. Les MMORPG (je déteste cet acronyme fourre-tout qui commence à ne plus vouloir dire grand chose...) n'ont jamais été le fer de lance des fabricants de cartes graphiques, et je préfère largement avoir un jeu stable et fluide, pouvant encaisser une centaine de joueurs à l'écran, qu'un jeu à la pointe incapable de tourner sans limiter drastiquement le nombre de joueurs par zone.
Quant au style, je dirais que c'est une question de goûts. Il y a des gens qui préfèrent le style poupée de cire, avec une chevelure façon barbie, en string et en talons aiguille métalliques des jeux coréens. Moi j'aime le style cartoonesque du jeu, et je trouve qu'il vieillit particulièrement bien. Je ne sais pas si on pourra en dire autant de titres aux textures pseudo réalistes dix ans après leur sortie. Cela dit, une direction artistique semblable à celle des The Witcher, ça ne m'aurait pas déplu.

Au début, j'étais plutôt emballé par le système d'artisanat, jusqu'à ce que je comprenne ses lacunes. Pour résumer, il fallait aller voir l'entraîneur pour qu'il nous enseigne de nouveaux patrons/plans/recettes (qu'on pouvait aussi récupérer de façon plus ou moins aléatoire sur un mob) afin de fabriquer des objets de plus haut niveau et d'une difficulté suffisamment élevée pour pouvoir faire progresser le métier qu'on avait choisi.
À cela s'ajoutait un système de spécialisations (via des quêtes) parfois horriblement coûteuses en temps et en ressources (la palme revenant au forgeron spécialisé en fabrication d'armures), et le rapport résultats/investissements général était plutôt bon.
Malheureusement, il n'y avait pas de gestion de qualité, il était impossible de réparer soit-même son armure, ou encore d'en récupérer des matériaux. Plus important encore, le fait que ce système soit basé sur des patrons définis ne rendait pas possible la progression par l'expérimentation. Et manque de bol, le manque de patrons de qualité s'inscrivait dans la logique du jeu : chercher à envoyer le joueur à la chasse au loot plutôt que de le laisser fabriquer et échanger, d'où l'absence d'une véritable gestion de la durabilité (l'impossibilité de réparer un objet plus de X fois) pour encourager la confection de nouveaux objets.

Malgré tout, malgré cette omniprésence du loot, on trouvait ici et là des indices qui nous laissaient penser que Blizzard avait d'autres projets :
- la présence des langues, dans la fenêtres de compétences, nous laissaient penser qu'on aurait un jour la possibilité d'en apprendre de nouvelles, et qu'on pourrait éventuellement trahir sa faction, voire casser ce bloc de la guerre froide,
- une forme basique d'housing (logements) était présent dans les premières versions du jeu, au stade de test,
- des suggestions récurrentes semblaient intéresser les développeurs (le métier d'ébéniste pour la confection d'objets en bois).

Mais finalement, la première extension arriva...

« Les ténèbres arrivent ! »

Je n'aime pas faire des listes, mais je ne veux pas trop m'attarder là-dessus.

Dans l'ensemble, Burning Crusade a été l'occasion pour Blizzard de :
- raboter tout ce qui dépassait (en supprimant les spécialisations d'artisanat, les projets mis en suspens, comme le housing),
- remplacer le système d'honneur JcJ par un système d'arènes (même principe que pour les champs de bataille : c'était instancié pour un petit groupe et uniquement en TDM),
- monter le level cap de dix niveaux,
- transformer les raids à 40 joueurs pour des raids à 25 (en plus des raids à 10 joueurs, qui avaient toujours été présents),
- introduire les montures volantes, qui a terminé d'achever le JcJ sauvage.

Certains de ces points ne m'ont pas trop perturbé, mais la non-exploitation du housing (surtout dans des villes aussi grandes et « vides » que Stormwind ou Orgrimmar, où les bâtiments inutilisés ne manquent pas), la suppression des spécialisations d'artisanat (rendu encore moins utile pour l'occasion) et la suppression du système d'honneur m'ont vraiment déçu.

On était déjà dans une logique principalement basée sur le loot, mais Burning Crusade renforça le monster bashing (c'est surtout à cette extension qu'on doit les quêtes abusives du style « Tuer 30 sangliers sur un spot qui en compte 12, avec un temps de respawn d'une minute et dix autres joueurs cherchant à faire la même chose. »). Les donjons de groupe, quant à eux, étaient beaucoup plus courts.
J'ai beaucoup moins accroché aux nouvelles zones et au lore, qui se rapprochaient davantage de la science-fiction que de la steam-fantasy à laquelle j'étais habitué. Par contre, j'ai beaucoup plus apprécié les donjons de raid, et je suis resté dans la même guilde à l'arrivée de la nouvelle extension (j'avais changé de serveur et de toutes façons, de nombreuses guildes s'étaient dissoutes à cause du changement de taille de leur roster).

« Je fais un régime... à base de ouiche lorraine. »

Là encore, je ne vais pas trop m'attarder sur le sujet. C'était la même chose en mieux : les zones avaient plus de gueule, avec une forte inspiration viking, Blizzard avait un peu moins fumé sur le monster bashing, et on retrouvait des raids à 10 et 25 joueurs, mais avec une distinction mode normal/mode héroïque pour permettre à plus de 5 % des joueurs de voir le bout du contenu JcE haut niveau.

La petite surprise, c'était sans doute le Joug d'Hiver, une carte de siège où la faction détenant la forteresse gagnait l'accès à un boss de raid et à des bonus passifs.
Ah, et j'oubliais le phasing, ce système permettant de regrouper des joueurs partageant le même avancement d'une zone dans des phases et de les basculer d'une phase à l'autre en fonction de leur avancement. Concrètement, ce sont des instances à la volée, qui permettent de faire évoluer une zone et de développer son histoire (dans la phase A, le village est intact ; dans la phase B, atteignable après avoir terminé la quête X, le village est sous les flammes). Il me semble que Blizzard a été pionnier dans ce domaine, et s'en est beaucoup servi sur les régions de cette extension (en plus d'une mise à niveau graphique).

À l'époque, beaucoup de joueurs reprochaient à Blizzard de « casualiser » son jeu, mais pour moi, ce fut l'occasion de voir tout ce que le contenu haut niveau avait à proposer, tout en gardant un rythme de jeu décent. Il faut dire que j'ai eu la chance de rejoindre une guilde formidable de vieux de la vieille qui n'avaient plus rien à prouver, qui arrivaient à allier ambiance déconne pendant les pauses et ambiance sérieuse durant les combats.

Une excellente expérience en ce qui me concerne, même si Wrath of the Lich King n'a pas été une révolution en soi.

Et mon aventure s'est arrêtée ici. Je n'ai pas connu les extensions suivantes (ou pas suffisamment pour en parler).

« So, which 'R' you filled with ? »

World of Warcraft est l'un des rares jeux massivement multijoueurs auxquels j'ai vraiment joué, et à bien des égards, il reste celui que je préfère, et sur lequel j'ai le plus de bons souvenirs. Pour autant, je ne me verrais pas lui attribuer la première place dans un Top Meuporg. Avec Burning Crusade, il est malheureusement davantage devenu/resté un PMT multijoueur alors qu'il aurait pu devenir bien plus. Il aurait pu mettre en avant le JcJ massif, organisé et persistant, pousser les interactions entre joueurs (celles qui ne consistent pas à leur botter le cul), améliorer le côté communautaire et persistant depuis longtemps (maisons et quartiers de guildes), exploser l'Alliance et la Horde pour tirer véritablement partie du système de réputation déjà présent... on peut citer pas mal de choses plus ou moins réalisables.

Certains le critiquent parce qu'il s'agit du Meuporg le plus joué, encore aujourd'hui, et qu'il représente donc la cible idéale pour celui qui ne s'intéresse pas à ce genre ou qui n'en a pas compris l'intérêt (probablement les mêmes qui jugent un jeu de rôles sur son prologue, ou un FPS axé objectifs en jouant le frag solo).
D'autres lui reprochent d'avoir avili le genre en le redéfinissant, en renforçant son côté individualiste et matérialiste au détriment de son aspect communautaire et persistant, et je respecte ce point de vue. Pourtant, je n'ai pas l'impression que les autres studios aient eu besoin de Blizzard pour sortir des jeux creux, remplis de mécaniques de jeux inadéquates et d'effets destinés à en mettre plein la vue (comme ça a été le cas avec les FPS solos, en fait). Avec les productions récentes, on a perdu la non-linéarité au profit d'arbres de dialogues artificiels et de doublages à la qualité très variable. Non merci, je passe mon tour.

Bref, WoW aurait pu devenir meilleur, mais il avait ses qualités, et résumer son succès à un succès purement commercial, sans prendre en compte ses contributions, c'est tout de même un peu fort de café.

Créée

le 31 août 2011

Modifiée

le 7 mai 2014

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Makks

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