Yakuza
7.6
Yakuza

Jeu de Sega et Toshihiro Nagoshi (2005PlayStation 2)

Cela faisait un petit paquet de temps que j'avais envie de jouer à Yakuza que j'avais découvert avec le trailer du troisième opus avant sa sortie. J'avais alors été assez bluffé du travail sur les visages et de l'ambiance qui se dégageait de cette vidéo aux personnages déjà charismatiques. Mais, ayant été loin de mes consoles pendant un bon moment et ayant été distrait par d'autres jeux, ce n'est que des années plus tard que j'ai fini par toucher au grand Yakuza. Le moins que l'on puisse dire, c'est que l'attente a été bien récompensée.

A propos de sa parenté avec Shenmue, j'ai entendu beaucoup de choses sur ce jeu, les uns le qualifiant de mix entre GTA et Shenmue, les autres de jeu complètement différent de ce dernier. Eh bien pour ma part j'ai trouvé le jeu très proche de Shenmue dans son ossature générale même s'il se démarque assez pour avoir une identité à part entière. Yakuza est en effet un jeu avec une partie aventure se déroulant dans un quartier ouvert, entrecoupée de cinématiques et de combats contre divers loubards/yakuzas. La différence se fait plutôt au niveau de l'équilibre relatif entre ces différentes parties et au niveau des phases que Yakuza n'a pas comme les QTE (en très, très faible nombre), ainsi que dans le gameplay de ces différentes phases et bien sûr du scénario. Sinon, il s'inscrit bel et bien (en partie) dans les pas de Shenmue même si ses ambitions de gameplay et de réalisation sont moins agressives. Il est assez loin de GTA pour moi, à part pour les activités annexes (ce qui est un lien plus mince).

Comme son nom l'indique, Yakuza nous met aux commandes d'un yakuza, ou plutôt d'un ex-yakuza tout droit sorti de prison où il a demeuré pendant 10 ans pour avoir couvert son ami. A peine libéré, il se retrouve embarqué dans une guerre de clans qui constituera la toile de fond du jeu.

Ainsi, le jeu se déroulera dans le quartier chaud de Karamucho, à Tokyo, le tout dans une ambiance à mi-chemin entre Shenmue 2 et Streets of Rage, rappelant ainsi les ambiances sombres et un peu apocalyptiques (un peu années 80) qui caractérisait si bien les jeux SEGA à une époque. Que ce soit la musique faisant penser à un BGM de Streets of rage ("Unrest"), les terrains vagues, les bars mal famés, les ruelles sombres ou les néons bien ostentatoires, Karamucho possède une atmosphère exceptionnelle de roman noir de gangsters.
Pas énorme en taille (entre le quartier de Shenmue 1 et Hong Kong dans le 2), le quartier offre suffisamment de diversité visuelle et d'activités pour donner une véritable impression de liberté avec une carte sans temps de chargement (vraiment) visible (la micro-saccade au changement de rue montre probablement le découpage du jeu dans la mémoire). Comme Shenmue, le jeu offre un certain nombre de boutiques pour la vente d'items, pour les "mini-jeux" ou simplement pour la figuration. Par rapport au jeu de Yu Suzuki, le nombre de ces boutiques est un peu plus important tout en dénotant du même souci du détail dans la modélisation (certaines boutiques sont impressionnantes). Au menu des activités, on retrouve une machine à baseball, des paris aux dés, un casino, de la séduction d'hôtesses ainsi qu'une arène, ce qui constitue un beau petit lot d'activités, certes assez limitées dans leur mise en place mais sympathiques et immersives.
Parallèlement à cela, la ville possède quelques longues "quêtes" de collecte (clés de casier par exemple), des évènements spéciaux conduisant souvent à une bagarre et des quêtes annexes assez brouillonnes puisqu'elles laissent une trace insuffisante dans la liste des missions pour être résolues a posteriori. Ces dernières constituent un des points faibles du jeu mais elles ne forment qu'une part infime de Yakuza.
Concernant l'ambiance de la ville, en plus des points évoqués, on peut noter la modélisation satisfaisante bien que très floue de Karamucho qui a ce charme de la modélisation un peu oldschool Dreamcast (bien que le jeu soit sur PS2) , entre l'ancienne génération et la nouvelle dans l'esprit. Si les contours font un peu plus modernes que dans Shenmue, la ville est tout de même moins fine et propre que Shenmue qui était un étalon graphique, mais largement supérieure à GTA (qui possède une map très grande, il faut le préciser tout de même). Le nombre de passants est élevé mais peu peuvent nous parler. La plupart ont une modélisation grossière par rapport à Shenmue qui de ce point de vue était très avancé. Néanmoins, l'impression de vie est bien là avec un flot de population ininterrompu et un bruit de foule perpétuel. Au final, on peut dire que la ville est très réussie dans son ambiance et dans sa modélisation malgré un effet de flou marqué.

En dehors du mode aventure, le jeu fera la part belle à la baston avec des combats comme s'il en pleuvait. Comme dans Shenmue (et de manière encore plus marquée), le prétextes les plus minces seront invoqués pour vous placer au coeur de l'action. A ce titre, le jeu a un petit côté "Walker Texas Ranger" avec des agresseurs s’échauffant l'épaule et qui ont la tête du client, des décors qui pètent de partout, du mobilier ruiné, des dizaines de corps étalés, des montagnes de coups, etc... Le tout est bien entendu peu réaliste (le jeu n'hésite pas à flirter avec l’autodérision avec des situations loufoques et quelques ennemis dingues comme Chai dans Shenmue).
D'ailleurs, au sein même du mode aventure, de nombreuses petites frappes ou yakuza viendront vous chercher des noises avec des répliques assez drôles dans un langage très fleuri. De fait, quand vous vous promenez dans la rue, des loubards se mettront à vous poursuivre et, s'ils vous attrapent, enclenchent un combat qui vous propulse, comme dans un RPG, dans un écran de combat fermé par une foule de badauds qui applaudissent. Généralement ultra-faciles, ces combats sont certes jouissifs au début, mais rapidement agaçants du fait de leur fréquence importante. C’est d'ailleurs là pour moi le défaut majeur du jeu qui m'a agacé au plus haut point certaines fois. Je vous rassure cependant, ils ne sont pas suffisants pour gâcher l'expérience.
Pour en venir aux combats eux-mêmes, ils se présentent clairement comme des scènes de beat'em all avec des ennemis en grand nombre (certaines chapitres sont même de très grandes scènes de combat avec des ennemis à tous les couloirs qui arrivent de partout). Bourrin donc par genre, le jeu n'est pas non plus totalement dénué de subtilité avec certains boss demandant beaucoup d'esquives et une inspiration Streets of Rage avec des items (tables, cric, bornes publicitaires, tazer, etc...) à prendre pour faire tourner le combats à son avantage (sur la fin, les poings deviennent la meilleure option néanmoins). En plus de cela, le jeu dispose d'un système d'expérience permettant d'augmenter trois caractéristiques (fureur : une jauge qui se remplit au fur et à mesure qu'on cogne et qui permet de faire des super coups (avec armes ou pas), technique : pour apprendre des coups, force : pour augmenter la barre de vie et la puissance des coups) dans la lignée des BTA modernes. Plus dynamique que dans Shenmue, le système de combat de Yakuza est bien entendu moins subtil et technique que dans le jeu de Yu Suzuki qui était un mini Virtua Fighter.

Mais l'intérêt numéro un de Yakuza est son scénario qui passe par des cinématiques très nombreuses et parfois relativement longues.
Porté par Kazuma Kiryu, ex-yakuza au coeur bon, la superproduction de SEGA nous plonge directement dans une histoire de gangsters avec toute la violence que cela induit. Très porté sur la bagarre, le sexe et l'alcool, et ne faisant pas dans la dentelle au niveau du langage, Yakuza justifie pleinement son 18+ (au regard de la notation PEGI) avec notamment quelques scènes bien sanglantes. Mais au delà de la violence, je dirais que Yakuza a deux facettes entre la "gentillesse" du Parrain et le défouloir violent Scarface (qui ne se limite pas à cela, je le précise pour éviter d'avoir à subir la colère des fans de ce film ^^). En effet, entre deux scènes de baston magistrales dans la lignée de la dernière scène de Scarface, Kazuma sera aussi embarqué dans des intrigues plus subtiles et des scènes d'émotion assez sympathiques.
Cette pluralité de tonalités tire son origine du personnage de Kazuma Kiryu (ou "Dragon de Dojima", ça claque hein ?) qui constitue un des personnages les plus charismatiques et attachants du jeu vidéo. D'un côté, nous avons l'ancien yakuza avec ses manières de cogneur et de badboy ultra classe. Aussi fort que Chuck Norris, Kazuma ne se laisse marcher sur les pieds par personne et ira même directement dans le langues des gangs faire le ménage. Aidé par une voix rocailleuse, un costume de gangster, des cheveux gominés une mise en scène très classe et des animations de sourcils très poussées, Kazuma en impose comme beaucoup d'autres personnages en badboy qui n'a peur de rien avec ses "Step the fuck up ! It's time to die !". Ce côté invulnérable peut parfois un peu iriter en ce sens qu'aucune situation ne semble délicate pour le personnage principal, ce sont toujours les autres qui ont des difficultés.
Cependant, la personnalité de Kazuma ne s'arrête pas à celle d'un cogneur un peu débile puisqu'il porte, un peu comme un Ryo Hazuki (qui est tout de même un personnage plus gentillet) de nombreuses valeurs traditionnelles de respect, de loyauté ainsi qu'une psychologie travaillée et meurtrie. Entouré de beaucoup personnages très travaillés (aussi bien sur le plan de la modélisation que de la personnalité) avec lequel il entretient des rapports complexes faits de rivalités, d'amour paternel, d'amitié, de trahison, etc...,Kazuma se présente comme un héros bienveillant à la personnalité complexe, magnifiée par de nombreuses symboliques comme le tatouage des deux anciens amis, etc...Sa relation touchante avec la petite fille qu'il prendra sous son aile contribue aussi au capital sympathie du personnage qui a également un aspect comique.
Vous l'aurez compris. Yakuza est un jeu aux cinématiques très importantes en quantité (voire envahissantes pour certains) pour un jeu au scénario de grande qualité (il a été écrit par un romancier) même s'il part en peu dans tous les sens (voire dans le n'importe quoi quelques rares fois) sur la fin. C'est simple, en 15 h de jeu, j'ai vraiment eu l'impression d’une grande aventure. Peut-être que quelques heures auraient permis un plus grand développement, mais dans l'ensemble l'aventure se suffit largement à elle même. Avec les activités annexes, la durée de vie peut atteindre probablement 20 h en contenu intéressant, maintenant chacun voit comment il aime jouer.

Au final, ce Yakuza s'est avéré pour moi une expérience assez exceptionnelle pour son ambiance, ses personnages et son scénario de qualité porté par un Kazuma Kiryu ultra-charismatique. Fort de l'expérience Shenmue, SEGA s'est fendu d'animations faciales de très grande qualité qui donnent encore plus de corps à une mise en scène de grande classe, ainsi que d'une structure de jeu action/aventure dans un quartier à l’atmosphère prenante. Bien que non dénué de défauts comme des combats trop nombreux, un aspect un peu flou, des dialogue spas tous doublés et un gameplay pas totalement parfait, Yakuza est bien un de ces jeux qu'on quitte avec tristesse tant l'aventure est prenante et les personnages attachants. Un jeu de gangsters digne du grand SEGA malgré ce que l'on a pu dire après la mort de la Dreamcast.
Foulcher
9
Écrit par

Créée

le 1 août 2012

Modifiée

le 2 août 2012

Critique lue 822 fois

7 j'aime

Foulcher

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