Frankenstein par Del Toro : Un mythe réinventé
SensCritique

Frankenstein par Del Toro : Un mythe réinventé

4 septembre 2025 (Modifié le 3 septembre 2025)

À la Mostra de Venise a eu lieu la première de Frankenstein, le film le plus attendu par la communauté SensCritique. Cette immense production Netflix, portée par le papa des monstres Guillermo Del Toro derrière la caméra en personne, est-elle un succès ou un échec ?


Maintenant, c’est devenu évident : Pinocchio de Guillermo Del Toro était la répétition de Frankenstein. Même si ces deux récits littéraires semblent très différents au premier regard, Del Toro parvient à mettre au jour un mythe fondamental commun : celui du père et de son fils, capables de vaincre la mort — et tout le symbolisme qui en découle.


Ce thème de la paternité n’a rien d’un hasard. Del Toro a confié, en conférence de presse, avoir conçu ces deux œuvres après la naissance de son propre fils. Frankenstein est ainsi la suite directe de Pinocchio : le bois devient chair, et le réalisateur crucifie son monstre comme il crucifiait déjà sa marionnette. Le moteur qui anime les deux créateurs est le deuil. Si Geppetto était poussé par la mort de son fils, Victor Frankenstein (incarné par Oscar Isaac), lui, est marqué par la perte de sa mère.


« Elle, qui était la vie, était désormais la mort. » Ces mots, prononcés par un Victor enfant ambitieux et brisé, résonnent tout au long du film. La mère est incarnée par une Mia Goth méconnaissable, qui incarne deux femmes aimées par Frankenstein : sa mère et Elisabeth, la fiancée de son frère. Cette dernière est un parfait équilibre d’intelligence émotionnelle et rationnelle ; sa détermination, sa confiance et sa posture sont nourries et soignées par ses propres valeurs et son empathie. Alter ego du cinéaste, passionnée par la beauté de l’étrange — elle collectionne et étudie les insectes —, elle et elle seule reconnaît et accepte d’emblée le monstre en entier et tel quel.



Quant aux autres personnages, qui aurait cru que le monstre de Jacob Elordi deviendrait un véritable anti-Superman ? Del Toro s’appuie sur la mythologie et sur l’attirance physique conventionnelle de l’acteur pour en faire une créature d’une force et fascination bouleversante.


Oscar Isaac incarne parfaitement un homme de science obsédé, hanté par le spectre paternel, froidement curieux et consumé par son ambition. Son ego dévore son âme, tandis que Christoph Waltz, en parfait trickster, offre un contrepoint ironique et cruel



Del Toro, autrefois enfant de l’éducation catholique, devient ici un hérétique assumé : après Pinocchio, il offre un Frankenstein à la fois Christ, ange gardien et nouvel Adam. La créature implore son créateur de lui fabriquer une compagne, « pour qu’ils puissent être monstres ensemble ». Une réplique à la fois juste et touchante, tout comme le film. La tragédie de ce Frankenstein, ce David et Goliath à la fois (les références à Michel-Ange abondent, d’ailleurs dans ce film) est simple et absolue : il ne peut ni mourir, ni vivre seul.


Entre le roman gothique de Mary Shelley et l’hérésie baroque de Del Toro, la tension entre science, religion, foie et philosophie s’aiguise. Chez Del Toro, « Only monsters can play God » — le slogan officiel du film — devient manifeste. Les monstres ne sont pas ceux qu’on perçoit comme monstrueux mais ce qui ne paraissent pas du tout. Sa monstruosité est politique et subversive: elle est le revers de l’être, l’intensité vitale, l’instinct de mort qui affirme la vie dans sa différence qui dépasse toute forme achevée. Même dans le corps



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