Cover Les 100 meilleurs français selon le site internet "Timeout".

Les 100 meilleurs français selon le site internet "Timeout".

« Quels seraient, à vos yeux, les 10 plus grands films français de tous les temps ? » : voilà la question que nous avons posée à plus de 80 professionnels du cinéma, qu'ils soient réalisateurs, comédiens, producteurs, programmateurs, journalistes ou, simplement, blogueurs pointus et passionnés.

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98 films

créee il y a environ 10 ans · modifiée il y a 8 mois

La Règle du jeu
7.7
1.

La Règle du jeu (1939)

1 h 50 min. Sortie : 8 juillet 1939. Comédie dramatique

Film de Jean Renoir

TheStalker a mis 9/10, l'a mis dans ses coups de cœur et a écrit une critique.

Annotation :

Le chef-d'oeuvre de Jean Renoir, plébiscité plus grand film français par notre panel de professionnels du cinéma.

Si 'La Règle du jeu' figure régulièrement sur le podium dans les classements des meilleurs films de l'histoire du cinéma, ce n'est pas un hasard. Cela tient bien sûr à ses nombreuses qualités intrinsèques, à la légende qui l'entoure, mais aussi au fait qu'il s'agit d'une œuvre qui plaît particulièrement aux cinéphiles. Une œuvre qui donne envie de la commenter et de l'imiter. Le montage parfois nerveux et elliptique, l'utilisation virtuose de la profondeur de champ et de la profondeur sonore, les niveaux presque infinis de lecture, l'aspect choral de l'histoire, sont autant d'éléments novateurs qui font de 'La Règle du jeu' un film en avance sur son temps. Son temps, c'est-à-dire les mois qui précèdent la Seconde Guerre, Jean Renoir décide d'ailleurs de ne pas en parler en retirant sa petite troupe de personnages hors du siècle. Cloîtrés dans le domaine de la Colinière en Sologne, ces aristocrates et ces grands bourgeois qui festoient gaiement semblent en effet tout ignorer des drames qui menacent la paix dans le monde.

La Maman et la Putain
7.9
2.

La Maman et la Putain (1973)

3 h 40 min. Sortie : 17 mai 1973. Drame, Romance, Comédie

Film de Jean Eustache

TheStalker l'a mis en envie.

Annotation :

En 1973, ‘La Maman et la Putain’ reçoit le prix spécial du Jury au Festival de Cannes. Dans la salle, on crie au scandale. Un égosillement inutile puisque près de quarante ans plus tard, le long métrage mettant en scène les amours contrariées d’Alexandre, Marie et Veronika est toujours cité à comparaître au Panthéon des plus grands films français. Monument crépusculaire de la Nouvelle Vague, la ‘Maman et la Putain’ n’est pourtant pas facile. Sur le papier, le chef-d’œuvre de Jean Eustache pourrait en endormir plus d’un : une pellicule en noir et blanc qui s’étire sur plus de trois heures trente, de longues tirades philosophico-descriptives et un casting replié sur trois protagonistes... Mais si les péripéties sentimentales d’Alexandre réclament une temporalité spécifique, c’est que cette expérience du temps est au cœur même du propos d’Eustache, et de son film d’errance. Il faut palper le temps, s’y engouffrer, y rester disponible. Pyramide de textes, les dialogues de ‘La Maman et la Putain’ nous glissent dans un triangle amoureux, où les sentiments se heurtent à l’idéologie de la liberté sexuelle. Où baiser est devenu un mot d’ordre, une mode. Un commerce. Gueule de bois post-68.

Les Enfants du paradis
8.2
3.

Les Enfants du paradis (1945)

3 h 10 min. Sortie : 15 mars 1945. Drame, Romance

Film de Marcel Carné

TheStalker a mis 8/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

Faire du beau avec du sale, construire de la lumière avec de l’ombre. Ou comment l’un des films les plus éblouissants du répertoire cinématographique français fut tourné pendant les heures les plus sombres de son histoire. En 1943, l’Occupation assomme le pays, ailleurs la Seconde Guerre bat son plein. Et Marcel Carné amorce le tournage des ‘Enfants du Paradis’. Accompagné par Prévert au scénario, et épaulé par une incroyable équipe technique – dont Kosma à la musique et Trauner au décor, tous deux juifs et dissimulés –, il filme le destin contrarié d’une histoire d'amour. Celle de Garance, belle et libre, et du mime Deburau, séparés par leur propre passion et par celles des autres. On est en 1840, à Paris, sur le boulevard du Crime. Autour des deux protagonistes – sublimement interprétés par Arletti et Jean-Louis Barrault –, une poignée de seconds rôles jouent également leur destin : Lacernaire, l’assassin esthète, Nathalie, l’amoureuse offensée, Frédérick Lemaître, le comédien narcisse. En trois heures, tout va se mêler, la vérité et la fiction, l’histoire et la poésie, la scène et les coulisses. Classique, fluide, éternel, quand les ‘Enfants du Paradis’ paraît à la Libération, il remporte un immense succès. En 1995, pour célébrer les 100 ans du septième art, plus de 800 professionnels sont invités à désigner le meilleur film français de tous les temps. 688 votants se prononcent en faveur des ‘Enfants du Paradis’, inscrivant ainsi ce monument à la postérité.

Pierrot le Fou
7.2
4.

Pierrot le Fou (1965)

1 h 50 min. Sortie : 5 novembre 1965. Policier, Drame, Romance

Film de Jean-Luc Godard

TheStalker a mis 9/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

« D'une beauté surhumaine » (c’est Louis Aragon qui le dit), ‘Pierrot le fou’ est un fabuleux poème en forme de film, patchwork littéraire, pictural et sonore, à la fois comédie musicale et bande dessinée – avec, parfois, des dialogues tirés de publicités pour shampoing ou des filtres de couleurs vives aux faux airs de toile de Warhol. Dans ce génial manifeste esthétique, le synopsis ressemble à un pur prétexte, une autorité de pacotille dont se joue la narration libérée, ludique et solaire. Pour les amateurs des Beatles, disons que ‘Pierrot le fou’ pourrait représenter le ‘Sergent Pepper’ de Jean-Luc Godard : une œuvre hétéroclite, gaie et aventureuse, curieuse d'ouvrir de nouvelles pistes. On y suit Jean-Paul Belmondo et Anna Karina dans un road-trip irradiant de poésie, pris en chasse par un gang de tueurs. Il faut dire qu’au centre de ce film trône, récurrent, le fantôme d'Arthur Rimbaud, auquel Godard emprunte de multiples formules (« l'amour est à réinventer », « la mer allée avec le soleil ») et le parcours de sa ‘Saison en enfer’. Cela dit, il arrive aussi qu’on croise Raymond Devos, au bord de la mer, pour un sketch émouvant et savoureusement formaliste. Collant tous azimuts ses références hétéroclites, et tirant sa narration comme on pousse un jeu de mots dans ses retranchements, Godard apparaît plus que jamais ici en grand shaman wittgensteinien du cinéma poético-pop des années 1960. Où le personnage de Belmondo (qui, en fait, s’appelle Ferdinand, pas Pierrot) peut aussi bien se retrouver à lire un essai d’Elie Faure qu’une BD des Pieds-Nickelés. Kaléidoscope à la fois sensuel et culturel, ‘Pierrot le fou’ est certainement aussi le film le plus joyeux de Godard. Et le plus innocent, derrière sa maestria jouissive et son humour corrosif. On aimerait vivre dedans.

Les Yeux sans visage
7.5
5.

Les Yeux sans visage (1960)

1 h 28 min. Sortie : 2 mars 1960. Drame, Épouvante-Horreur

Film de Georges Franju

TheStalker a mis 7/10.

Annotation :

C’est seulement le deuxième long métrage de Georges Franju. Pourtant, ‘Les Yeux sans visage’, sorti en 1959, est incontestablement un chef-d’œuvre du cinéma fantastique français. Adaptation du roman de Jean Redon sorti un an plus tôt, ce film tout en ombres et en silences mêle de manière virtuose effroi et poésie, épouvante...

Playtime
7.6
6.

Playtime (1967)

2 h 06 min. Sortie : 16 décembre 1967. Comédie

Film de Jacques Tati

TheStalker a mis 6/10.

Annotation :

« Je veux que le film commence quand vous quittez la salle » a dit Jacques Tati à propos de 'Playtime', expliquant ainsi que le but du film était pour le spectateur d’apprendre à ré-enchanter le monde moderne qui l’entoure. Pourtant, le film commence bel et bien quand la bobine démarre et déclenche deux heures de perfectionnisme maladif dans l’art de faire du cinéma. Le génie de 'Playtime' est bien connu : il tient à l’esprit visionnaire de Tati, lequel n’a cessé de tourner en dérision les tares de la modernité tout en les sublimant. Porté par cette foi en sa vision, le cinéaste va déployer des moyens à la démesure de son talent pour créer son chef-d’œuvre. Le budget atteint plus de 15 millions d’euros, ce qui à l’époque est colossal, une somme engloutie notamment dans l’édification de studios immenses en banlieue parisienne. Ces décors somptueux, baptisés « Tativille », permettent au réalisateur de se moquer de l’architecture moderne, en jouant de façon délectable sur les perspectives, les reflets, les transparences, les lignes et les angles. En quelques séquences, le film analyse subtilement la façon dont l’uniformisation géométrique de l’espace engendre l’automatisation des comportements, symbolisée par les mouvements de foule qui emportent souvent monsieur Hulot contre son propre gré. Partout dans le monde, les bâtiments, les lieux tendent à se ressembler de plus en plus, avertit Tati, et les êtres qui les habitent perdent dans le même temps leur spécificité. Le confort bourgeois, c’est-à-dire la prolifération des machines et des objets de consommation inutiles, représentent également une cible privilégiée du cinéaste, qui s’amuse à les détourner pour en faire de formidables outils comiques. Car il faut le souligner : 'Playtime' est d’abord un grand moment d’hilarité perpétuelle, une « récréation » comme l’indiquait le titre de travail original. Alors que les plans larges des premières minutes montrent un espace épuré et des personnages naviguant à l’intérieur tels des robots, la suite devient progressivement son strict inverse : le chaos total, où fourmille une quantité invraisemblable de gags et de détails. Si Tati tourne en 70 mm, un format qui favorise les plans d’ensemble, c’est pour une bonne raison. Il veut que l’image devienne un petit monde en soi, comme lors de cette scène démentielle de 40 minutes au restaurant The Royal Garden, où chaque élément, chaque acteur, joue sa partition comique dans un ballet chorégraphié à la note près.

Le Mépris
6.8
7.

Le Mépris (1963)

1 h 43 min. Sortie : 20 décembre 1963 (France). Drame, Romance

Film de Jean-Luc Godard

TheStalker a mis 6/10.

Annotation :

La voix nonchalante de Brigitte Bardot résonne encore dans nos têtes. Depuis les chevilles jusqu’à la pointe des seins, la revue de son anatomie à la lumière orangée des persiennes est devenue immortelle. « Tu les aimes mes cheveux, aussi ? Et mes cuisses ? Tu vois mon derrière dans la glace ? Tu les trouves jolies, mes fesses ? » demande-t-elle entièrement nue à un Michel Piccoli lascivement allongé sur le lit. A force de scènes mythiques, c’est le film entier qui est devenu légendaire. Depuis le générique parlé (clin d’œil à un autre génie de la mise en scène, Orson Welles) jusque dans les longs travellings sur la mer de Capri, en passant par les scènes de rage amoureuse le long des couloirs de l’appartement. Filmé au millimètre, magnifié par le soleil italien, ‘Le Mépris’ n’est pas une réflexion anodine sur le métier de cinéaste, mais un hommage militant au septième art. Comment rester soi-même dans un monde ravagé par des enjeux économiques destructeurs ? Une question qui reste entière et une interrogation toujours d’actualité… « Le cinéma, disait André Bazin, substitue à notre regard un monde qui s’accorde à nos désirs. ‘Le Mépris’ est l’histoire de ce monde », dévoile une voix-off en ouverture. Au cœur de l’intrigue, l’histoire du scénariste parisien Paul Javal (Michel Piccoli) et de sa femme Camille (Brigitte Bardot), venus rejoindre le réalisateur Fritz Lang (joué par lui-même) sur le tournage d’une adaptation de ‘L’Odyssée’ d’Homère. Sur place, les conflits d’argent entre équipe artistique et production (dont le charismatique Prokosch) se mêlent aux malentendus et disputes amoureuses entre Paul et Camille. L’art et l’argent, l’amour et le mépris : l’essence paradoxale de la vie exaltée par la musique mythique de Georges Delerue.

L'Atalante
7.4
8.

L'Atalante (1934)

1 h 29 min. Sortie : 24 avril 1934. Comédie, Drame, Romance

Film de Jean Vigo

TheStalker l'a mis en envie.

Annotation :

Plusieurs aspects de ‘L’Atalante’ ont concouru à en faire l’un des films français les plus mythiques. D'abord son réalisateur, Jean Vigo, cinéaste d’une poésie folle et fils d'anarchiste, mort à 26 ans pendant le montage de ce qui restera son unique long métrage. Et comme si ça ne suffisait pas, le destin rocambolesque s'en prit au film lui-même : remonté (mutilé) par les producteurs de l'époque après la mort de Vigo, rebaptisé sans relief ‘Le chaland qui passe’… avant d’être redécouvert, quinze ans plus tard, et plébiscité par les cinéphiles des années 1960, puis finalement restauré en 1990 selon le montage désiré par son auteur. Rien que cela en fait un film inespéré.
En lui-même, ‘L’Atalante’ brille par sa liberté, en particulier celle que Jean Vigo laisse à son mémorable acteur, Michel Simon, qui décrivait ainsi la méthode du cinéaste : « Nous avons tourné le film. Je disais à Vigo : tout de même, j'aurais bien aimé avoir un texte pour l’apprendre. Il me répondait : tout ce que je pourrais écrire sera beaucoup moins drôle que ce que vous allez dire. » Improvisant en permanence, l'interprète du père Jules, vieux et truculent loup de mer, paraît en effet s’en donner à cœur joie, et, sous l’œil complice de Vigo, multiplie les moments de poésie rugueuse.
Pourtant, l'histoire est basique : Juliette (Dita Parlo) fuit l'ennui de la campagne en épousant un jeune marin, Jean (Jean Dasté), et embarque avec lui à bord de l’Atalante. Mais leur vie de couple, aux côtés du père Jules (Michel Simon, donc) n'est pas vraiment de tout repos. Rêvant de Paris, Juliette profite d'une escale pour quitter le bateau et son propriétaire. Jean déprime, jusqu'à ce que le père Jules décide de se lancer à la recherche de la jeune femme.
A partir de ce scénario de film de commande, Vigo invente des scènes magiques, des parenthèses suspendues dans le temps, à l’image de cette séquence où Juliette rejoint le père Jules dans le cabinet de curiosité qui constitue sa cabine. Ou encore, dans cette inoubliable scène d'amour et de rêve, où les amants séparés fantasmant l’un sur l'autre finissent par se trouver réunis dans une surimpression d’images. Car c’est tout un langage cinématographique que Jean Vigo tend à définir avec ‘L’Atalante’, tournant certaines scènes en muet, d'autres en parlant, d'autres encore en musique. En plus d’être un film inoubliable, audacieux, aux cadres scotchants, ‘L’Atalante’ est aussi une formidable grammaire du cinéma.

Les Quatre Cents Coups
7.7
9.

Les Quatre Cents Coups (1959)

1 h 39 min. Sortie : 3 juin 1959. Policier, Drame

Film de François Truffaut

TheStalker a mis 7/10.

Annotation :

Truffaut, avec ce premier long métrage en noir et blanc, sorti en 1959, bouleverse par son œil de cinéaste humaniste mis à hauteur d’enfant. Il croque la belle amitié sincère de deux garçons de 12 ans qui partagent tout, petits secrets comme bêtises monumentales. On est touché par les bouilles rigolardes de ces gamins insouciants, et par la détresse muette de celui, négligé, qui est au cœur de l'histoire.
Pour livrer un film intimiste aussi brut et sensible, Truffaut s’inspire de sa propre enfance et de faits biographiques : « Tout est réel », précise-t-il à la sortie du film. Ainsi, Truffaut a-t-il mis sur pellicule une douleur pernicieuse qui le hante, lui qui n’a jamais été aimé par sa mère, qui l’a abandonné et s’est remariée avec un homme dont il porte le nom, mais qui le laisse dormir dans le couloir d’un deux-pièces exigu. Le même appartement que celui d’Antoine dans le film, et de sa mère, davantage préoccupée des hommes qui gravitent autour d’elle que de son fils, ou de ce beau-père qui lui rappelle sans cesse : « Aussi longtemps que tu seras nourri et logeras ici, tu feras ce qu’on te dira ! ». La peur de décevoir sa mère pousse alors Antoine à mentir, pour camoufler les péchés de jeunesse qu’il commet avec son copain de classe René, à la gouaille tapageuse et l’esprit rigolard. Un enfant un peu canaille moins fragile qu’Antoine, vivant lui aussi dans une famille peu attentive – mère alcoolique et père absent – mais dans un milieu bourgeois nettement plus confortable.
Tout comme François Truffaut, épris de cinéma et de littérature, Antoine sèche les cours pour lire Balzac, aller au cinéma ou à la fête foraine, s’évader de son quotidien glauque ponctué des disputes de ses parents. Acculé dans un isolement psychologique profond, il décide de fuguer et se cache dans l’imprimerie où travaille son beau-père. Il pique avec René une machine à écrire qu’ils tentent de revendre, avant de la ramener au bureau, réalisant l’ampleur de leur bêtise. Mais, pris en flagrant délit, il sera emmené au commissariat par son beau-père. De policiers brutaux à un pensionnat inhumain, on suit impuissant les déboires de cet enfant jusqu’à la dernière scène, bouleversante, où il parvient à s’enfuir : courant désespérément vers la mer qu’il n’a jamais vue, ivre de liberté.

La Belle et la Bête
7.6
10.

La Belle et la Bête (1946)

1 h 36 min. Sortie : 29 octobre 1946. Drame, Fantastique, Romance

Film de Jean Cocteau

TheStalker a mis 7/10.

Annotation :

Onirique et fantastique, l'un des long-métrages les plus puissants de ce cinéaste.

Jean Cocteau disait du cinéma qu’il est « l'écriture moderne dont l'encre est la lumière ». Tourné au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la ceinture serrée, 'La Belle et la Bête' en est le reflet magistral. Clairs-obscurs tranchants, jeux d'ombres aux faux airs expressionnistes, effets spéciaux à base de fumée, objets animés par des trucages parfaitement rudimentaires... Lorsqu'il revisite le conte de Madame Leprince de Beaumont en 1946, l’ex-surréaliste réinvente intégralement le langage du fantastique au cinéma et révolutionne, du même coup, les codes visuels de l’onirisme qui règnent alors sur l’imaginaire collectif. Exit les flous nébuleux et les fondus : pour la première fois sur grand écran, ce sont l’ombre et la lumière qui viennent tracer la frontière entre le réel et le merveilleux. La lumière : celle de la maison bourgeoise de la Belle (une Josette Day au décolleté plongeant, en proie à un mémorable accès de minauderie), d’une clarté voluptueuse empruntée aux tableaux de Vermeer. L’ombre : celle de la demeure enchantée de la Bête (un Jean Marais velu de la tête aux pieds et emmailloté dans un des costumes les plus fabuleux du septième art), dont l’obscurité renvoie aux gravures de Gustave Doré. Un contraste allégorique qui vient sublimer la poésie du cinéaste tout en soulignant la gravité de la fable. C’est sans doute cette candeur féérique, mêlée à sa folle intensité, qui contribue à faire de ce long métrage l’un des plus puissants de Cocteau, loin de la prodigieuse sophistication d’‘Orphée’ (1950). Peintre, poète, dramaturge, graphiste : si Cocteau a défriché tous les terrains de l'avant-garde, c'est avant tout derrière la caméra, et probablement avec 'La Belle et la Bête' plus qu'avec n'importe quel autre film, qu'il a su donner corps à ses mythes et ses rêves.

L'Armée des ombres
8.1
11.

L'Armée des ombres (1969)

2 h 25 min. Sortie : 12 septembre 1969 (France). Drame, Guerre

Film de Jean-Pierre Melville

TheStalker a mis 9/10, l'a mis dans ses coups de cœur et a écrit une critique.

Annotation :

Avec ‘L’Armée des ombres’, Jean-Pierre Melville adapte le roman homonyme de Joseph Kessel (1943), auquel il rajoute quelques-uns de ses propres souvenirs de la Résistance. La Résistance : c’est bien elle, cette armée invisible où se croisent Lino Ventura, Simone Signoret, Paul Meurisse ou Jean-Pierre Cassel, incarnant des personnages inspirés de Jean Moulin, Pierre Brossolette ou Lucie Aubrac. Portrait fidèle de la France pendant l'Occupation et du quotidien des réseaux de résistance, le film de Melville est une histoire d'honneur et d'horreurs, de luttes et de trahisons, de traque, de torture et d'évasions… A la fois dense et épuré, il a tout du chef-d’œuvre monumental (notamment sa durée, près de 2h30). Pourtant, sorti peu après mai 68, il fut alors perçu comme une apologie du général de Gaulle. Réputation qui lui colla à la peau, mais qui, avec le recul, paraît bien injuste. Pour preuve : distribué pour la première fois aux Etats-Unis en 2006, ‘L’Armée des ombres’ fut sacré meilleur film de l'année par de nombreux magazines de références, parmi lesquels Newsweek et le New York Times. En France, en plus d'être une leçon d'histoire haletante, cette tragédie sur fond de propagande ouvre le spectateur à un dense travail de mémoire… en même temps qu’à un suspense à tomber et une esthétique implacable. Un film historique, dans tous les sens du terme.

La Nuit américaine
7.5
12.

La Nuit américaine (1973)

1 h 56 min. Sortie : 24 mai 1973. Comédie dramatique, Romance

Film de François Truffaut

TheStalker a mis 6/10.

Annotation :

Ce film peut être vu comme un archétype de mise en abyme, un film se tournant dans le film qu’on regarde – ce qui est d’ailleurs presque un genre à part entière, avec ‘8 ½’ de Fellini ou ‘Le Mépris’ de Godard. Ici, François Truffaut interprète donc lui-même un metteur en scène, sur le plateau d'un film dont il perd peu à peu le contrôle. Parmi les membres de son équipe de tournage, on retrouve avec plaisir un Jean-Pierre Léaud tout en logorrhées auto parodiques, Jean-François Stévenin régisseur, Dani (chanteuse gainsbourgienne) en script-girl, Bernard Menez photographe, Jean-Pierre Aumont en vieux beau, ou Jacqueline Bisset en vedette anglo-saxonne. Mais au-delà de son réjouissant casting, et comme son nom le laisse entendre, ‘La Nuit américaine’ est avant tout une réflexion sur l'illusion – la technique de la « nuit américaine » consistant en effet à sous-exposer la pellicule, ou à jouer de filtres, pour pouvoir tourner de jour des séquences nocturnes. Bref, la nuit américaine est par définition une nuit fausse, une nuit illusoire. « Qu'est-ce que c'est que ce cinéma ? Qu'est-ce que c'est que ce métier où tout le monde couche avec tout le monde ? Où tout le monde se tutoie, où tout le monde se ment ? », s'écrie ainsi la femme du régisseur. Pourtant, derrière son ironie, le film n'est pas à charge contre le monde du cinéma. Disons qu’il fait plutôt avec. Truffaut s'y montre comme un artisan, un travailleur plutôt qu’un artiste, et en profite pour rendre hommage à toutes les « petites mains » du septième art. Et finalement, démystifier l’art, n’est-ce pas le premier pas pour le faire coïncider avec la vie ?

Les Demoiselles de Rochefort
7.1
13.

Les Demoiselles de Rochefort (1967)

2 h 05 min. Sortie : 8 mars 1967. Comédie dramatique, Comédie musicale, Romance

Film de Jacques Demy

TheStalker l'a mis en envie.

Annotation :

‘Les Demoiselles de Rochefort’ sont au cynisme ce que l’aspirine est au mal de crâne : le remède le plus efficace jamais inventé. Au pays merveilleux de Rochefort, les embruns marins charrient le virus de la poésie, et infectent tout sur leur passage. Delphine et Solange (Catherine Deneuve et Françoise Dorléac dans son avant-dernière apparition au cinéma), sévèrement atteintes, vivent de leur passion, respectivement la danse et la musique, et rêvent de lendemains qui chantent, d’amour et d’eau fraîche. Ca tombe bien, une ribambelle de cœurs à prendre débarque justement au port : des forains, un gérant de magasin de musique, un marin-peintre-poète, un pianiste américain... De quoi donner matière à des intrigues amoureuses et des coups de foudre terrassants.

La présence de Gene Kelly, George Chakiris et Grover Dale dans cette comédie musicale franco-américaine doit être perçue comme un clin d’œil, tant le chef-d’œuvre de Jacques Demy se démarque d’Hollywood, notamment avec ses passages musicaux qui, plutôt que de simples prétextes, sont bel et bien le leitmotiv du film. Devant une telle alchimie, on ne saurait dire si ce sont ses mélodies entêtantes, ancrées dans l’inconscient collectif, ses acteurs et danseurs entraînants, ou les pépites dans ses dialogues (celui en alexandrins, le sémillant personnage de Monsieur Dame, ou le jeu de mots foireux mais mythique : « Il est en perm’ à Nantes »), qui font de ce film un parfait hymne à la joie et à l’amour. Et effectivement, le mélange fonctionne de façon magique.

Le Salaire de la peur
8
14.

Le Salaire de la peur (1953)

2 h 28 min. Sortie : 22 avril 1953 (France). Aventure, Drame, Thriller

Film de Henri-Georges Clouzot

TheStalker l'a mis en envie.

Annotation :

A l'instar des autres œuvres de Clouzot (la terreur des ‘Diaboliques’, le suspense du ‘Corbeau’...), le ‘Salaire de la peur’ est une expérience. Un film d'action incroyable, une aventure humaine rêche et brutale, un film brûlé sous le soleil, au goût de poussière... L'histoire d'une poignée d'hommes perdus au fin fond du monde, à qui on propose un jour une mission qui pourrait changer leur vie : contre forte récompense, transporter au plus vite deux camions de nitroglycérine à travers un chemin montagnard tortueux et accidenté. Si les camions sont bousculés, tout explose... Yves Montand et Charles Vanel (dans un rôle refusé par Jean Gabin) croisent ici Véra Clouzot, femme du cinéaste, et donnent corps à cette incroyable aventure d'une cruauté parfois estomaquante (Montand dans l'impossibilité d'arrêter son camion sous peine d'enlisement, et obligé d'écraser la jambe d'un co-équipier...). Ours d'or à Berlin, prix d'interprétation à Cannes pour Vanel, Palme d'or... On en ressort essoufflé, probablement tout comme William Friedkin (‘L'Exorciste’) le fut avant de signer un incroyable remake, ‘Sorcerer’, aux péripéties hors-champ aussi délirantes que le tournage lui-même.

La Grande Illusion
7.9
15.

La Grande Illusion (1937)

1 h 53 min. Sortie : 4 juin 1937. Drame, Guerre

Film de Jean Renoir

TheStalker a mis 7/10.

Annotation :

« 'La Grande Illusion' est un film sur la guerre où vous ne verrez ni bataille ni espion », promettait la bande-annonce de 1937. Et pour cause, l’histoire prend place dans un camp de prisonniers où les enjeux sont avant tout humains et sociaux. Ce qui intéresse Renoir à cette époque, c’est de montrer que la guerre est aussi ce moment particulier, exceptionnel et limite, qui, en cassant les frontières spatiales, brise aussi celles des classes et des nationalismes. Malgré le conflit, les soldats allemands et français, tous gens du peuple, peuvent ainsi sympathiser à l’intérieur du camp. De la même façon, les aristocrates se souviennent qu’ils appartiennent au même monde en désuétude, celui de l’esprit chevaleresque d’antan. Mais le réalisateur voit plus loin et ne se contente pas d’évoquer cette proximité de classe au mépris des patries. Au contraire, les milieux sociaux s’interpénètrent également « grâce » à la guerre, puisque des personnages aussi différents qu’un homme du peuple comme Maréchal (Jean Gabin), un riche banquier juif comme Rosenthal (Marcel Dalio), un instituteur (Jean Dasté) et l’officier de Boëldieu (Pierre Fresnay) peuvent tous se lier d’amitié. C’est presque la société française dans son ensemble qui est incarnée à l’écran, qui s’engueule et se réconcilie sous nos yeux par l’entremise d’une distribution d’acteurs extraordinaire. Sans faire tomber totalement les barrières qui les opposent en temps de paix et qui persistent à travers de subtils dialogues, la guerre abolit toutefois les contraintes sociales et pousse chacun à voir en l’autre son frère. En fin de compte, la fraternité patriotique l’emporte même sur la solidarité de classe, quand le capitaine de Boëldieu se sacrifie pour que ses camarades puissent prendre la fuite. Deux ans avant 'La Règle du jeu', Jean Renoir nous explique en somme d’ores et déjà que, dans la vie, « tout le monde a ses raisons ». En plein Front populaire, l’humanisme du film ravira la gauche, son patriotisme enchantera la droite, et son pacifisme sera porté aux nues par les deux à la fois. Bref, le cinéaste réussit la prouesse de plaire aux deux camps qui se déchirent sans merci dans une France en proie à ses passions, entre son engouement à l'égard du communisme et sa fascination pour le fascisme. Ce film est bien l’une des plus grandes œuvres du patrimoine cinématographique mondiale.

Mon oncle
7.6
16.

Mon oncle (1958)

1 h 57 min. Sortie : 10 mai 1958. Comédie

Film de Jacques Tati

TheStalker a mis 7/10.

Annotation :

Créateur total, Jacques Tati est un auteur à part dans le cinéma français, perfectionniste s'attelant à chaque détail de son univers. Son personnage de grand escogriffe en apesanteur est reconnaissable entre mille – comme l'est celui de Charlot –, et ses films continuent de fasciner par leur invention. D'une paradoxale modernité (le film est aussi une douce moquerie de la modernisation, comme souvent chez le cinéaste, et d'une société défilant en accéléré), ‘Mon oncle’ ressemble presque à un tableau : les couleurs, les cadrages, les trouvailles visuelles sont dingues. Pour preuve, cette séquence incroyable où les fenêtres rondes d'une maison moderne deviennent des yeux, lorsqu'apparaissent aux hublots les silhouettes de têtes formant deux pupilles. Tati s'amuse également avec le son, utilisant les dialogues comme de la pure musique, faisant abstraction du sens des mots pour ne garder qu'une ligne mélodique parlée, berçant ses images dans l'intention sonore des phrases. Enrobé d'une douce musique devenue emblématique d'une époque à échelle humaine, ‘Mon oncle’ est une ode à la vie, une ode à la poésie, comme disait Bashung.

Les Valseuses
7.1
17.

Les Valseuses (1974)

1 h 57 min. Sortie : 20 mars 1974. Comédie dramatique, Road movie

Film de Bertrand Blier

TheStalker a mis 8/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

Comme son appétit pour l'étrange le poussera à réaliser ‘Buffet froid’ (autre chef-d’œuvre présent dans ce classement des 100 meilleurs films français) cinq années plus tard, son attirance pour la marge motiva certainement Blier, pour son troisième film, à suivre ce couple de personnages déambulant dans une France endormie et réactionnaire, piétinant les conventions, les règles, s'installant dans les maisons fermées, draguant des femmes mûres et sombres (étonnante Jeanne Moreau), et des jeunes femmes faussement frigides en manque d'amour (Miou-Miou, dans l'un de ses meilleurs rôles). Depardieu et Dewaere resplendissent dans ce film révolutionnaire hilarant et provocateur, où Blier crache au visage du bon goût et de l'Hexagone encroûté dans sa bourgeoisie. Le final, ambigu, n'est pas sans rappeler celui du ‘Salaire de la peur’, et laisse un goût amer, comme signant la fin de la récré. Heureusement pour nous, Blier ne faisait que commencer !

Au hasard Balthazar
7.2
18.

Au hasard Balthazar (1966)

1 h 35 min. Sortie : 25 mai 1966. Drame

Film de Robert Bresson

TheStalker l'a mis en envie.

Annotation :

Dès ses premières minutes, ‘Au hasard Balthazar’ est un film baigné d’absolu et d'innocence : deux jeunes enfants y recueillent un âne, qu'ils baptisent du nom d'un roi mage et auquel ils prodiguent le « sel de l'intelligence ». Miracle ? Qu'on ne s'y trompe pas : l’âne du film de Bresson est une figure largement comparable à celle du prince Mychkine, ‘L'Idiot’ de Dostoïevski ; autrement dit, une variation christique, dont la vie nous est contée en parallèle à celle d'une jeune fille, Marie (Anne Wiazemsky, voix sublime et visage irradiant de pureté, dont c'est ici le premier rôle) – prénom lui aussi lourd de symboles, à mi-chemin entre la Vierge et Marie-Madeleine. Ainsi, se croisant au hasard du destin, l’âne et la jeune fille vont découvrir la cruauté des hommes. Mais cette cruauté, Bresson ne la condamne jamais lourdement, il trouve par rapport à elle une distance d’autant plus glaçante qu’elle est juste, et rendue avec une extrême sensibilité par la composition et la durée de ses plans. C’est sans doute ce qui donne à l’œuvre de Bresson une grâce incomparable. Autant que ses films, sa démarche cinématographique se révèle passionnante, quête à la fois divine et humaine, éthique et sensible. On aurait alors envie de s’immerger dans ses ‘Notes sur le cinématographe’, et d’évoquer la manière dont son regard s'attache à des parties isolées du corps, à des symboles, ou de débattre de son travail sur le son et avec ses « modèles » (plutôt qu'acteurs), dont le cinéaste cherche à capter l'âme à travers les mouvements inattendus des corps. Bref, s’il ne faut garder qu’un mot, alors oui : un miracle.

Le Rayon vert
7.3
19.

Le Rayon vert (1986)

1 h 39 min. Sortie : 3 septembre 1986. Drame, Romance

Film de Éric Rohmer

TheStalker l'a mis en envie.

Annotation :

'Le Rayon vert' est sans doute le film le plus émouvant et le plus naturaliste d’Eric Rohmer. Naturaliste parce que Rohmer s’attache ici plus qu’ailleurs à dépeindre la vie telle qu’elle est et parce que la méthode qu’il utilise s’y emploie avec un réalisme bien étudié. Contrairement à son habitude, le cinéaste propose en effet aux acteurs de participer aux dialogues, voire d’improviser cette histoire où une jeune fille un peu dépressive veut à tout prix partir en vacances. Une grande partie du texte sera donc écrit par l’étonnante comédienne Marie Rivière, qui joue le personnage central de Delphine et qui s’est si bien approprié sa vie et ses pensées qu’on croirait par instants voir un documentaire. Cette sensation n’est d’ailleurs pas due au hasard : à l’époque, Rohmer s’intéresse beaucoup aux téléfilms et aux reportages télévisés, dont l’économie de moyens, la fraîcheur et la spontanéité lui rappellent les principes premiers de la Nouvelle Vague, qu’il souhaite retrouver avec ce film. Pour autant, 'Le Rayon vert' est une pure œuvre de cinéma, dans la mesure où sa brillante mise en scène épouse son propos avec grâce, et même avec un peu de chance, comme Rohmer en personne l’a noté. Le naturalisme dont nous parlions s’épanouit ainsi chez Delphine, jeune fille romantique (et végétarienne, c’est important !) qui peine à trouver sa place au milieu des autres, qui cherche à rompre sa solitude sans y mettre de volonté, qui attend le grand amour sans le provoquer. Elle laisse donc le hasard, et la nature, faire les choses, et les séquences durant lesquelles elle se promène seule au bord de la mer, à la montagne ou à la campagne, illustrent parfaitement ce destin qu’elle partage avec les éléments. Un destin certes hasardeux puisqu’elle n’agit pas, mais qui fonde son espoir dans l’exceptionnelle beauté de ce qui est rare, à l’image du rayon vert que l’on peut apercevoir dans certaines conditions au coucher du soleil. C’est pourquoi Delphine souffre autant. Dans un monde où l’inaction paraît absurde et sans intérêt, elle doit lutter contre l’incompréhension de ceux qui l’entourent, toujours prêts à former devant elle une sorte de petit tribunal populaire qui la juge et l’adjure de changer. On finit alors par s’émouvoir de sa tristesse et par être bouleversé lors d’un final à la poésie et au suspense plus beaux que nature.

Van Gogh
7.3
20.

Van Gogh (1991)

2 h 38 min. Sortie : 30 octobre 1991. Biopic, Drame

Film de Maurice Pialat

TheStalker l'a mis en envie.

Annotation :

Maurice Pialat était un franc-tireur, de ceux qui peuvent dire, en recevant une Palme d'or, que « si vous ne m'aimez pas, je peux vous dire que je ne vous aime pas non plus ! ». Pour son avant-dernier film, le metteur en scène de ‘Police’ s'attaque à un sujet en or, en choisissant les derniers jours de la vie du peintre hollandais légendaire Vincent Van Gogh. Il fait ici appel au trop rare Jacques Dutronc, acteur fin et discret choisissant souvent ses rôles avec discernement. Regard perçant, physique svelte, visage émacié, tourments intérieurs, il est magnifique en peintre torturé et amoureux, et emporte le César du meilleur acteur. Le film, naturaliste, sec, sans musique, en devient incroyablement charnel : la peinture étalée sur la toile en gros plans a quelque chose d'érotique.

Le père Noël est une ordure
7
21.

Le père Noël est une ordure (1982)

1 h 28 min. Sortie : 25 août 1982. Comédie

Film de Jean-Marie Poiré

TheStalker a mis 3/10.

Buffet froid
7.5
22.

Buffet froid (1979)

1 h 29 min. Sortie : 19 décembre 1979. Comédie, Policier

Film de Bertrand Blier

TheStalker a mis 8/10, l'a mis dans ses coups de cœur et a écrit une critique.

Annotation :

Aujourd'hui classique, le film de Blier est un de ces ovnis dont le cinéaste a le secret. Absurde, cruel, drôle, ‘Buffet froid’ est un film sans « pitch », non résumable en quelques lignes, sans concept réducteur. Comme une véritable tranche de vie surréaliste, il s’expérimente plus qu'il ne se raconte : ‘Buffet froid’ est un film de « scènes », chaque séquence semblant respirer de sa propre énergie, sans même faire réellement suite à la précédente. Tout au plus peut-on préciser que Depardieu y incarne Alphonse Tram, croise dans le métro quelqu'un (Michel Serrault) avec son propre couteau planté dans le ventre, qu'il emménage ensuite dans un immeuble presque vide, qu'il y fait la connaissance de Jean Carmet, de Bernard Blier... Et l'auteur des ‘Valseuses’ d'empiler des dialogues et des scènes décalées, où la cruauté l'emporte sur l'humour (et vice versa) créant un univers inouï. Définitivement l'un des plus grands films français !

L'Année dernière à Marienbad
7
23.

L'Année dernière à Marienbad (1961)

1 h 34 min. Sortie : 29 septembre 1961. Drame

Film de Alain Resnais

TheStalker a mis 7/10.

Annotation :

Deux ans après sa collaboration avec Marguerite Duras pour ‘Hiroshima mon amour’, Alain Resnais s'adjoint ici les services d'Alain Robbe-Grillet, autre figure majeure du Nouveau Roman, au scénario et aux dialogues. Véritable expérience perceptive et mentale, le film, quand on en sort, paraît tout bonnement indescriptible. Dans un hôtel de luxe, un homme (Giorgio Albertazzi) tente de convaincre une femme (Delphine Seyrig) qu'ils ont eu une liaison, l'année dernière à Marienbad. Voix-off hypnotiques, paramnésie d'images, de mots, de récits où passé et présent se confondent. Ainsi, la mémoire du spectateur elle-même finit par contribuer à la construction de ce film majestueux, aux costumes signés Coco Chanel, et dont le formalisme – inspiré de ‘L'Invention de Morel’ d’Adolfo Bioy Casares (compagnon de route de Borges) – en fait presque parfois un trip psychédélique. Prix Méliès et Lion d'or à Venise en 1961, le labyrinthe onirique de ‘Marienbad’ hante les cinéphiles depuis plus de cinquante ans. Et constitue peut-être le plus grand chef-d’œuvre d'Alain Resnais – qui, remarquez, en compte tellement dans sa carrière… Pourtant, à travers le titre de son prochain film, le jeune homme de 91 ans affirme que nous n'avons encore rien vu… Ça laisse songeur.

Cléo de 5 à 7
7.4
24.

Cléo de 5 à 7 (1962)

1 h 30 min. Sortie : 11 avril 1962. Comédie dramatique, Musique

Film de Agnès Varda

TheStalker a mis 6/10.

Annotation :

Entre cinq et sept heures du soir, Cléo (Corinne Marchand), jeune et jolie chanteuse, déambule à travers Paris dans l'attente anxieuse de ses résultats d'analyses médicales. Fable urbaine en temps réel, promenade philosophique le long de la rive gauche – traversant le parc Montsouris et le quartier de Montparnasse pour y rencontrer une cartomancienne, un garçon de café ou un amant… –, ce film essentiel d’Agnès Varda propose une épatante synthèse entre fiction et documentaire, qui résume avec finesse et sensibilité l'apport majeur de la Nouvelle Vague lors de sa sortie, en 1962. Mais, en plus de jouer des codes du cinéma-vérité avec habileté à travers une histoire poignante, à la fois extrême et banale (pouvant arriver à quiconque passe par la case hôpital), ‘Cléo de 5 à 7’ a, en outre, le charme et la légèreté d’un film d'amis. Précisons : de talentueux amis. Ainsi, dans un court métrage muet et burlesque (‘Les Fiancés du pont Mac Donald’), inséré dans la narration même du film de Varda, reconnaît-on Jean-Luc Godard et Anna Karina, Samy Frey, Jean-Claude Brialy, et même Georges de Beauregard, célèbre producteur de Demy, Chabrol ou Melville… Bref, de la Nouvelle Vague… et, à partir de là, de celle qui reste aujourd’hui encore l’une de ses plus grandes représentantes. La formidable Agnès Varda.

Le Samouraï
7.6
25.

Le Samouraï (1967)

1 h 45 min. Sortie : 25 octobre 1967. Film noir, Policier, Thriller

Film de Jean-Pierre Melville

TheStalker a mis 8/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

Lorsqu'on demande à un réalisateur étranger de citer un maître du polar français, il y a une chance sur deux pour que l'intéressé vous coupe en hurlant « Melville ! ». C'est en tout cas ce que répondrait Johnnie To, lui qui admire tant le style épuré, silencieux et froid du réalisateur du ‘Cercle rouge’. Pour preuve, si le Hongkongais (qui tenta de monter un remake du ‘Cercle’, justement) emprunte de son esthétique pour des films comme ‘The Mission’, il va jusqu'à donner à son Johnny Hallyday de héros, dans son polar ‘Vengeance’, le look et le nom de Delon dans ‘Le Samouraï’ : Costello ! Delon lui-même devait interpréter le rôle, mais le projet commun n'aboutit pas. L'acteur et sa beauté glaciale brillent de mille feux dans ce ‘Samouraï’, évoquant à travers quelques lignes du « bushido », code d'honneur légendaire des samouraïs, l'incroyable solitude de ces guerriers. Le tueur Costello est donc seul, silencieux, angélique et impassible, et tente ici de survivre à tous. Film en couleur à la froideur quasi noir et blanc, ‘Le Samouraï’ bénéficie également de la musique de l'excellent François de Roubaix ("La Scoumoune ", ou l'incroyable mélancolie de... "Chapi Chapo" !), et s'affiche au firmament des polars français fondateurs, comme beaucoup d'autres films de son réalisateur, qui apparaîtra d'ailleurs pour le plaisir dans trois films de son ami Godard.

Le Voyage dans la Lune
8
26.

Le Voyage dans la Lune (1902)

13 min. Sortie : 1 septembre 1902 (France). Aventure, Fantastique, Science-fiction

Court-métrage de Georges Méliès

TheStalker a mis 8/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

Ancien prestidigitateur, le père Méliès se lance, suivant la mouvance des frères Lumière, dans le cinéma, et propose six ans après leur première projection légendaire son ‘Voyage dans la lune’, bourré d'effets spéciaux. Si certains utilisent des effets d'optique dont il a bien sûr le secret, d'autres font appel à des trucages inédits typiquement cinématographiques, comme la surimpression, ou la disparition soudaine de personnages. Le film est un évènement et, sans révolutionner la mise en scène (chaque plan est fixe et large, pas encore de gros plans façon Griffith, comme dans certaines séquences incroyables de la ‘Conscience vengeresse’ à venir), annonce un tournant dans le cinéma. La fantaisie et la technique du cinéaste créent rien de moins que l'ancêtre du cinéma fantastique et de la science-fiction. Méliès avait colorisé lui-même à la main une seule copie du film, que l’on croyait perdue. Elle fut retrouvée récemment, rénovée pour une somme faramineuse, et mise en musique par... Air. Cent ans plus tard, la lune est donc toujours plantée bien haut, et fait fi du temps qui passe.

Le Corbeau
7.9
27.

Le Corbeau (1943)

1 h 32 min. Sortie : 28 septembre 1943 (France). Drame, Policier

Film de Henri-Georges Clouzot

TheStalker a mis 6/10.

Annotation :

Henri-Georges Clouzot fait partie avec Claude Autant-Lara et Julien Duvivier de ces cinéastes d’avant la Nouvelle Vague qui ont porté un regard noir et misanthrope sur leurs contemporains. De façon injuste, ils ont tous été attaqués sans relâche par la jeune garde des Cahiers du Cinéma, François Truffaut, Jean-Luc Godard et consorts, qui n’ont pas su voir l’immense originalité de ces auteurs à part, bien loin du conformisme du cinéma français classique. Il faudra donc attendre parfois de longues années avant que soit reconnue leur modernité éclatante. Dès son deuxième film, 'Le Corbeau', Clouzot réalise en effet une œuvre radicale et politiquement incorrecte, où l’on parle d’avortement, d’adultère et surtout de dénonciation, tout ça en pleine occupation allemande. Inspiré d’un fait divers réel, « l’affaire de Tulle », le film raconte avec un brio comment une petite commune sombre dans la paranoïa à cause d’une vague de lettres anonymes mêlant calomnies et vérités. Un homme, le docteur Rémi Germain (Pierre Fresnay), se trouve vite au cœur des dénonciations et décide alors d’enquêter pour laver son honneur. Avec ses personnages ambigus et secrets, son esthétique expressionniste et son suspense, 'Le Corbeau' préfigure en réalité le film noir américain né à la même époque mais que les Français ne découvriront que bien après. Moins liée à un genre (le polar) que le film noir, l’œuvre de Clouzot repose en réalité à la fois sur une vision du monde lucide et sur la personnalité du réalisateur. Celui-ci admettra par exemple : « Il se trouve simplement que je préfère au gris terne le noir éclatant. » C’est la société de production allemande Continentale, créée après l’armistice en France, qui produit le film en 1941, après bien des réticences que le cinéaste parvient à apaiser. L’indépendance relative dont jouit cette société permettra ironiquement à Clouzot d’éviter la censure, alors qu’il aurait peut-être échoué quelques années plus tôt ou plus tard ! En dépit du succès public immédiat du film, la campagne publicitaire est interdite par la Gestapo, qui ne voit pas d’un bon œil cette condamnation de la lettre anonyme.

Belle de jour
7.2
28.

Belle de jour (1967)

1 h 40 min. Sortie : 24 mai 1967. Drame, Romance

Film de Luis Buñuel

TheStalker l'a mis en envie.

Annotation :

Ayant depuis longtemps tourné la page du surréalisme révolutionnaire dont il fit preuve pour ‘L'Age d'or’ ou ‘Un chien andalou’, Bunuel s'attaque ici au roman éponyme de Joseph Kessel pour offrir un film au classicisme formel maîtrisé, et au sujet « brûlant » (dixit la bande-annonce de l'époque). ‘Belle de jour’ décrit ainsi les pérégrinations d'une femme mariée insatisfaite sexuellement, et qui commence à travailler dans un bordel de luxe pour y trouver le plaisir qui lui manque. Catherine Deneuve y joue la carte du charme froid et évanescent, Michel Piccoli y est intense et juste (comme à son habitude), et le regretté Pierre Clémenti, à la beauté insolente, y interprète le « loubard » Marcel. Co-signé avec l'indispensable Jean-Claude Carrière (‘Borsalino’, ‘Max mon amour’, ‘Le Tambour’), ‘Belle de jour’ égratigne agréablement la bourgeoisie (une habitude chez Bunuel), et donnera lieu à une sorte de suite-hommage, ‘Belle toujours’, signée par l'étonnant Manoel de Oliveira en... 2006 ! Piccoli y reprendra son rôle quarante ans après.

Beau travail
7.1
29.

Beau travail (1999)

1 h 32 min. Sortie : 4 septembre 1999. Drame, Guerre

Film de Claire Denis

TheStalker l'a mis en envie.

Annotation :

S'inspirant d’un récit d’Herman Melville (‘Billy Budd’), Claire Denis en transpose l'action à Djibouti, dans un camp d'entraînement militaire où l’adjudant-chef Galoup (Denis Lavant) soumet ses légionnaires aux méthodes les plus rudes. Parmi ses nouvelles recrues, Sentain (Grégoire Colin) irradie un charme magnétique et taiseux, et se fait bientôt remarquer par le commandant Forrestier – qu’incarne un Michel Subor reprenant son personnage du ‘Petit Soldat’ de Jean-Luc Godard, dont le film de Claire Denis pourrait donc bien constituer une suite. Entre Galoup et Sentain, la tension monte, sourde et tragique. Parabole sur les rapports de pouvoir et leur animalité, ‘Beau travail’ développe une esthétique très forte, au plus près des corps, des muscles, de la sueur et du sable. De l’effort absurde, infini, de ces Tantales habillés en bidasses sous un soleil de plomb. Parfois, ces militaires perdus, sans concession, font même penser, sans doute à dessein, à Arthur Rimbaud. Pas tant le poète que le trafiquant d’armes. Paumé en Ethiopie, lui aussi. Sauf qu’en plus, ici, on peut voir Denis Lavant danser hystériquement bien sur une compile ‘Dance Machine’ de 1994. Eh ouais.

Le Genou de Claire
6.8
30.

Le Genou de Claire (1970)

1 h 41 min. Sortie : 15 novembre 1970 (France). Comédie dramatique, Romance

Film de Éric Rohmer

TheStalker a mis 8/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

Tourné en 1969, 'Le Genou de Claire' est l’avant-dernier volet des ‘Six Contes moraux’ d’Eric Rohmer – après ‘La Collectionneuse’ et ‘Ma nuit chez Maud’. Et il est souvent considéré comme l'un des meilleurs. Plusieurs raisons à cela. D'abord son interprète principal, Jean-Claude Brialy, qui trouve ici l'un des rares rôles à sa mesure : il incarne Jérôme, 35 ans, venu en villégiature près du lac d’Annecy pour ses derniers jours en célibataire, région où il avait, plus jeune, l'habitude de passer ses vacances. On est en plein été, Brialy barbu a une classe délicieuse et, comme souvent chez Rohmer, l’enchaînement des scènes paraît tout bonnement suivre les plus pures sollicitations du désir. Car il faut avouer que les films du réalisateur ont parfois des synopsis à faire pâlir d'envie n'importe quel scénariste de films érotiques – enfin, à l'époque où il y avait encore des scénarios dans ce genre de films. Jérôme, en effet, est entouré presque exclusivement de femmes. Il y a d'abord Aurora (Aurora Cornu), sa camarade romancière, qui lui lance des défis de séducteur rappelant assez clairement ceux de la marquise de Merteuil à Valmont, dans ‘Les Liaisons dangereuses’. Par exemple, séduire la jeune Laura, 16 ans (Béatrice Romand – qui devient ici l’une des actrices fétiches de Rohmer), joueuse et insolente, mais courtisée également par Vincent (Fabrice Luchini, déjà extraverti à moins de 20 ans). Surtout, il y a Claire (Laurence de Monaghan), une amie de Laura, délicate blondinette, amoureuse d’un « faux dur de la pire espèce » (dixit Brialy), et dont le genou osseux semble on ne peut plus fantasmatique. Bref, ça marivaude à tous les étages avec des dialogues qui pourraient donner une acception correcte à l’expression « sexe oral » : les mots y sont sans cesse équivoques. Ils ne circonscrivent pas un objet, mais au contraire ouvrent le champ du possible au désir. C'est extrêmement délicat, pudique, et en même temps tout à fait clairvoyant et perçant. Eros philosophe, n’est-ce pas délectable ?

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