Cover Les critiques des "1001 films à voir avant de mourir" avec lesquelles je partage l'avis.

Les critiques des "1001 films à voir avant de mourir" avec lesquelles je partage l'avis.

"Parler avec les mots des autres, voilà ce que je voudrais, ce doit être ça la liberté." La maman et la putain

Liste de

25 films

créee il y a plus de 10 ans · modifiée il y a plus d’un an

La Souriante Madame Beudet
6.5

La Souriante Madame Beudet (1923)

54 min. Sortie : 9 novembre 1923. Muet

Film de Germaine Dulac

RoroRoro a mis 6/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

(Attention SPOIL)

Cette très belle oeuvre de Germaine Dulac est un des premiers exemples de films relevant à la fois du cinéma féministe et du cinéma expérimental. Le film décrit la vie d'une provinciale rongée par l'ennui, et prisonnière d'un mariage bourgeois suffocant. Ce qu'il y a de passionnant ici, ce sont les séquences oniriques très élaborées où l'on voit l'héroïne fantasmer sur une autre vie, hors des limites de son existence réelle, si monotone. Grâce à des trucages et des procédés de montage audacieux, la réalisatrice se sert de l'esthétique de l'avant-garde de son époque pour opposer la puissance, la richesse et la vivacité de la vie imaginaire de Madame Beudet à l'ennui de celle qu'elle partage avec son mari. Quand la mise en scène complexe de sa libération par le fantasme (la seule chose capable d'amener un sourire sur son visage) est brusquement interrompue par l'apparition du mari dans ses rêveries, elle comprend qu'elle n'a d'autre choix que de le tuer.
Malheureusement, après sa tentative manquée d'attenter à la vie de son époux, Madame Beudet n'aura même pas la satisfaction de savoir que celui çi a compris les raisons de sa révolte. Au bout du compte, non seulement Germaine Dulac dénonce explicitement l'aliénation et l'oppression des femmes dans un système patriarcal, mais, plus important encore, elle utilise le média relativement neuf que constitue le cinéma pour proposer aux spectateurs un point de vue féministe radical et subjectif.
[CO]

Jeux interdits
7.5

Jeux interdits (1952)

1 h 26 min. Sortie : 9 mai 1952. Drame, Guerre

Film de René Clément

RoroRoro a mis 8/10.

Annotation :

(Attention: Spoil)

Bien des films mettent en évidence les aspects absurdes et cruels de la vie humaine en les présentant par le biais d'un regard d'enfant; mais rares sont ceux qui le font de manière aussi efficace et aussi poignante que le chef-d'oeuvre de René Clément. L'histoire se déroule pendant la seconde guerre mondiale: une petite fille de cinq ans, Paulette, devient orpheline quand ses deux parents, fuyants Paris, sont tués lors d'un raid aérien. Recueillie à contrecoeur par des paysans, elle se lie avec Michel, leur fils cadet, âgé de onze ans; tous deux s'inventent un monde secret qui reflète l'omniprésence de la mort qui les entoure. Ramassant des cadavres d'animaux et d'insectes, ils les enterrent avec des rituels solennels dans une grange désaffecté, en marmottant des phrases tirées de la liturgie catholique qu'ils ne comprennent qu'à moitié. Ces "jeux interdits" scandalisent les adultes, qui séparent brutalement les enfants abasourdis.
Clément s'est fait un nom grâce à "La bataille du rail" (1946), un mélange de documentaire et de fiction sur la résistance des cheminots français, et l'ouverture de "Jeux Interdits", chargée d'un réalisme extrêmement puissant, montre des avions de chasse allemands qui bombardent et mitraillent une colonne de réfugiés. La séquence est d'autant plus terrifiante qu'elle s'appuie entièrement sur des effets sonores naturels, sans musique additionnelle, et qu'elle se déroule dans la douceur estivale de la campagne française. Par la suite, le film devient plus stylisé. Il présente d'un côté le monde adulte des paysans tel que le voient les enfants déconcertés et fascinés: les querelles mesquines sont caricaturées, ainsi que la religion, pratiquée du bout des lèvres alors que les existences sont régies par la cupidité et la malveillance. A l'opposé, les enfants sont observés avec tendresse et compassion en train de construire leur monde imaginaire clandestin, et leur séparation finale est déchirante.
De ses tout jeunes acteurs principaux, Clément réussit à tirer une interprétation remarquablement expressive et convaincante, sans trace de malice; il y a une sorte de grâce instinctive dans la douceur du garçon envers son amie. Le célèbre solo de guitare de Narciso Yepes contribue par sa simplicité même à souligner cette atmosphère.

[PK]

Stand by Me
7.4

Stand by Me (1986)

1 h 29 min. Sortie : 25 février 1987 (France). Aventure, Drame

Film de Rob Reiner

RoroRoro a mis 8/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

La nouvelle de Stephen King (ode à l'amitié juvénile étrangère à sa veine d'épouvante) a été superbement adapté pour le grand écran par le réalisateur Rob Reiner et les scénaristes Raynold Gideon et Bruce A. Evans.
Quatre jeunes garçons, le tranquille Gordie, l'intrépide Teddy, le grassouillet Vern et le meneur Chris passent l'été 1959 à traîner dans leur cabane jusqu'au jour où Vern leur annonce qu'il sait où trouver un cadavre. Voulant voir à quoi un mort ressemble, ils entament une longue marche pour le découvrir.
Histoire d'amitié, contée par un Gordie adulte, se déroulant dans les magnifiques paysages de l'Oregon (remplaçant le Maine de la nouvelle), Stand By Me décrit les peurs, les jeux, les discussions("Mickey est une souris, Donald est un canard, Pluto un chien. Il est quoi Dingo?") et les secrets partagés par de jeunes garçons, tandis qu'Ace, plus âgé et plus dur, donne un avant-goût de ce qui les attend peut être dans la vie. Magnifiquement joué par de jeunes comédiens et mis en scène avec lyrisme.
Note spéciale pour la musique qui est vraiment superbe du début à la fin.

[JB]

Tabou
7.7

Tabou (1931)

Tabu: A Story of the South Seas

1 h 24 min. Sortie : 1 août 1931 (États-Unis). Drame, Romance, Muet

Film de Robert Flaherty et Friedrich Wilhelm Murnau

RoroRoro a mis 10/10.

Annotation :

"Tabou" est la dernière réalisation de F.W.Murnau, le plus grand metteur en scène du cinéma muet. Il n'a pas vécu assez longtemps pour tourner des films parlants, car il se tua dans un accident de la route quelques jours après avoir achevé le travail sur la partition musicale de cet ultime chef-d'oeuvre, une semaine avant la première new-yorkaise. Tourné entièrement dans les mers du Sud (en 1929) avec des acteurs non professionnels, "Tabou" bénéficie de la remarquable photographie de Floyd Crosby. Il devait être réalisé par Murnau et le documentariste Robert Flaherty (qui figure toujours au générique comme co-scénariste). Mais le romantisme allemand a visiblement pris le dessus, notamment dans les poses héroïques des îliens et la représentation du destin. Flaherty a fini par être évincé par Murnau, qui contrôlait le budget et n'était pas enclin, par caractère, à partager le crédit du film.
Le génie de Murnau vient notamment de son aptitude à maîtriser à la fois les artifices du studio, comme dans "Le dernier des hommes"(1924), "Faust"(1926), et "L'Aurore"(1927), et le naturalisme documentaire,"La terre qui flambe"(1922), "Nosferatu"(1922) et "Tabou". C'est d'ailleurs ce talent qui fait le lien entre ses oeuvres allemandes et américaines.

(Attention (léger) Spoil)

Tourné entièrement en décors naturels, "Tabou", où l'on ne parle ni allemand ni anglais, met en évidence des facettes diverses de ces deux aspects de son art. L'intrigue simple, est une histoire d'amour charnel impliquant une jeune femme qui devient sexuellement taboue lorsqu'elle est choisie par un homme plus âgé qu'elle pour remplacer une vestale qui vient de mourir. Se greffe là-dessus la dénonciation du pouvoir corrupteur de la civilisation (et de l'argent en particulier) sur l'hédonisme innocent des insulaires. Murnau lui-même tournait le dos aux studios hollywoodiens quand il réalisa le film, bien que la Paramount ait fini par organiser la sortie deux ans après le tournage. Si l'idéalisme ethnographique de "Tabou" semble aujourd'hui un peu daté, sa beauté à couper le souffle et ses qualités formelles en font une oeuvre indispensable, et sa fin tragique conçue comme un diminuendo musical, d'une exquise beauté, est un des sommets du cinéma muet.

[JRos]

Sherlock Junior
8.3

Sherlock Junior (1924)

Sherlock Jr.

45 min. Sortie : 28 octobre 1924 (France). Muet, Comédie, Action

Moyen-métrage de Buster Keaton

RoroRoro a mis 9/10.

Annotation :

Le plus court des longs métrages de Buster Keaton est une remarquable réussite, l'auteur nous proposant une intrigue très serrée, une énergie physique extraordinaire(il y réalise toutes ses cascades, au point de se briser le cou sans s'en rendre compte), une grande virtuosité formelle, et une exploration avant-gardiste dans l'éternelle dichotomie entre illusion et réalité. Keaton incarne un projectionniste qui rêve d'être détective. Il est injustement accusé d'avoir détroussé le père de sa fiancée. Piégé par un rival en amour, il est chassé de chez la jeune fille. Découragé, il s'endort au travail puis, emporté par son rêve, se retrouve sur l'écran (au cours d'une belle séquence d'effets spéciaux optiques) où il devient le fringuant Sherlock Junior, le deuxième meilleur détective du monde.
Des cascades incroyables et des gags complexes se succèdent à un rythme fiévreux durant les 44 minutes de projection. Tout d'abord, l'univers cinématographique refuse d'intégrer ce nouveau personnage, et la tension entre les deux mondes est superbement représentée grâce à des changements successifs de décors qui amènent notre héros hébété dans la tanière d'un lion, au milieu de vagues rugissantes, et dans une tempête de neige. Il s'intègrera peu à peu au film. Dans le scénario mis en abyme, le méchant de service essaye en vain de le tuer, avant que Sherlock Junior ne résolve le mystère des perles volées.
"Sherlock Junior" ne se contente pas de mettre en valeur les cascades qui ont fait la gloire de Keaton. Il pose aussi quelques questions. D'un point de vue social, c'est un commentaire sur le fantasme de l'ascension sociale en Amérique. Au plan psychologique, il introduit le motif du double qui s'efforce de se réaliser dans des espaces imaginaires alors que le héros est incapable de le faire dans la réalité ordinaire et tangible. Mais le film est surtout une réflexion sur la nature de l'art: un thème qui réapparaîtra dans "Le cameraman"(1928), lorsque l'attention de Keaton passera du média au spectateur.
Les films de Keaton restent toujours passionnants, en partie à cause du stoïcisme presque surnaturel de Buster (qu'on peut opposer au pathos de Chaplin), en partie à cause de leur nature parfois surréaliste (que vantèrent Bunuel et Garcia Lorca) et leur réflexion sur la nature du cinéma et la vie elle-même. Chuck Jones, Woody Allen, Wes Craven, Jackie Chan et Steven Spielberg sont parmi les cinéastes qui ont rendu hommage à l'irrésistible malice de Keaton.

[RDe]

Les Grandes espérances
7.2

Les Grandes espérances (1946)

Great Expectations

1 h 58 min. Sortie : 12 décembre 1947 (France). Drame, Romance

Film de David Lean

RoroRoro a mis 7/10.

Annotation :

Attention : SPOIL !

La première adaptation par David Lean d'un roman de Charles Dickens fait suite aux succès de Brève Rencontre et de L'esprit s'amuse. Abordant ce chef-d'oeuvre de la littérature comme une tâche cinématographique dans tous les sens du terme, Lean explore et exploite le large éventail émotionnel du récit qu'il transforme en un étonnant voyage visuel. Il en résulte une très subtile adaptation littéraire et l'un des meilleurs films britanniques.

Les Grandes Espérances se rapproche par certains aspects du film d'horreur. Le prologue se déroule dans un marais menant à un cimetière abandonné. Lean, qui avait une idée très précise de ce qu'il souhaitait, tenait tant à cette ouverture qu'il remplaça le directeur de la photo initial, Robert Krasker, par Guy Green.
Dans ce cimetière, le jeune héros, Pip, est menacé par Magwitch, un forçat évadé, violent et désespéré, qui lui réclame de la nourriture et une lime afin de se libérer de ses chaines. Pip est conduit ensuite dans la maison délabrée de Mlle Havisham. Aigrie et décatie, celle-ci fut jadis abandonnée par son fiancé au cours du banquet de noces. Toujours vêtue des lambeaux de sa robe de mariée, elle veille sur les restes poussiéreux et pourrissants de ce repas fatal. Son lugubre dessein est d'utiliser sa pupille, la belle Estella, pour se venger de la gente masculine, y compris de Pip qui est tombé amoureux de la jeune fille. Grâce à un mystérieux bienfaiteur, Pip déménage à Londres et devient un riche gentleman. Adulte, Pip partage un appartement avec Herbert Pocket. Il devient snob et est persuadé que Mlle Havisham est sa bienfaitrice et qu'Estella lui est promise. Un lecteur familier de l'oeuvre de Dickens sait qu'il n'en est rien!

D'aucuns ont déploré que Mills, alors âgé de 38ans, ne corresponde pas au personnage qui, dans le roman, allait sur ses 21ans. Cependant, Pip est moins acteur de son propre destin que témoin du drame qui l'entoure. Lean, qui avait été monteur pendant sept ans avant de réaliser son premier long métrage, en était conscient. Aussi entoura-t-il Mills de solides mais pittoresques seconds rôles. Certaines scènes sont un pur plaisir, comme la visite de Pip à l'assistant de son avocat, Wemmick, dont il fait la connaissance du père légèrement sénile. Cette scène drôle est accessoire, mais reste dans les mémoires tant elle réchauffe le coeur et libère une bouffée de charme dickensien.
Les Grandes Espérances n'a rien perdu de sa grandeur ni de son émotion.

L'Inconnu
7.8

L'Inconnu (1927)

The Unknown

1 h 08 min. Sortie : 4 juin 1927 (États-Unis). Drame, Romance, Muet

Film de Tod Browning

RoroRoro a mis 9/10.

Annotation :

Même si Tod Browning, artiste de cirque passé au cinéma, est plus connu pour avoir dirigé Bela Lugosi dans Dracula(1931) et pour Freaks(1932), L'inconnu est un joyau injustement sous estimé. Il met en scène l'acteur fétiche de Browning, Lon Chaney.

Attention: Spoil!

Chaney, célèbre pour la douleur qu'il était capable de s'infliger lorsqu'il incarnait des personnages estropiés, est Alonzo, un criminel doté de deux pouces à une main, qui compte échapper à ses poursuivants en se faisant engager comme lanceur de couteaux sans bras dans un cirque. Son faux handicap présente au départ un intérêt supplémentaire, car sa belle assistante,Nanon (Joan Crawford, dans un de ses premiers grands rôles), la fille du propriétaire du cirque, ne supporte pas qu'un homme la prenne dans ses bras, et en particulier l'hercule Malabar, principal concurrent d'Alonzo dans le coeur de la jeune fille. Quand le père de Nanon découvre par hasard qu'il n'est pas manchot, Alonzo le tue pour l'empêcher de dévoiler son secret. Entre-temps, Nanon a aperçu le double pouce de l'assassin dont elle ignore le visage. Fou amoureux d'elle, affolé à l'idée qu'elle puisse découvrir son identité, Alonzo repousse les objections de son assistant, le nain Coio, et se fait amputer des deux bras. Par une des ironies les plus délicieuses de ce film, il découvre, en revenant au cirque après une longue convalescence, que Nanon a surmonté sa phobie et qu'elle est tombée amoureuse de Malabar.
En quête de justice immanente , voire d'une banale vengeance cour ce cruel coup du sort, Alonzo tente de saboter le nouveau numéro de Malabar pour que son rival soit à son tour privé de bras. Mais son plan est déjoué au dernier instant: Alonzo meurt en empêchant Nanon d'être piétiné par un des chevaux.

Soutenu par l'interprétation géniale et obsédante de Lon Chaney et une intrigue ponctuée de coups de théâtre saisissants et de personnages inoubliables, Browning nous livre ici un chef-d'oeuvre glaçant du drame psychologique. Comme l'écrivit Michael Koller: "L'inconnu est un film réellement terrifiant qui nous entraîne dans les recoins les plus sombres de la psyché humaine."

[SJS]

La Charrette fantôme
7.4

La Charrette fantôme (1921)

Körkarlen

1 h 46 min. Sortie : 1 janvier 1921 (Suède). Drame, Fantastique

Film de Victor Sjöström

RoroRoro a mis 7/10.

Annotation :

Dès sa sortie, le succès de "La charrette fantôme" fut mondial. Ce film a non seulement cimenté la gloire de l'acteur, scénariste et metteur en scène Victor Sjöström et celle du cinéma muet suédois, mais il a eu une influence artistique avérée sur nombre de grands cinéastes et producteurs. Il est surtout connu pour sa représentation du monde spirituel comme un espace éthéré, en proie aux pires tourments, entre le ciel et la terre. La scène où le personnage principal, l'alcoolique odieux et suicidaire David Holm, se réveille à minuit, la nuit du Nouvel An, pour contempler son propre cadavre, sachant qu'il est condamné à l'enfer, est une des séquences les plus citées de l'histoire du cinéma.
Grâce à une simple série de surimpressions méticuleusement réalisées, le cinéaste, son chef opérateur et le patron de laboratoire de films ont crée l'illusion en trois dimensions d'un monde spectral qui dépasse tout ce qu'on avait vu précédemment sur un écran. Plus important peut-être est le principe de narration, complexe mais aisément accessible, qui grâce à une série de flash-back (voire de flash-back dans les flash-back), élève cette histoire sordide de pauvreté et de déchéance au niveau le l'excellence poétique.
Au regard des débuts de la carrière de Sjöström, "La charrette fantôme" est un prolongement théologique et philosophique des thèmes présentés dans "Ingeborg Holm" (1913), réalisation novatrice et controversée. Les deux films dépeignent la destruction progressive de la dignité humaine dans une société froide et sans merci, et le naufrage des victimes dans la violence et la folie. Le lien est renforcé par la présence de Hilda Borgström, inoubliable Ingeborg Holm, qui tient ici le rôle d'une épouse torturée. Elle incarne de nouveau, aussi, une mère dévouée mais pauvre sur le chemin du suicide ou de la folie.
La naïveté religieuse qui gît au coeur du roman de Selma Lagerlöf, dont le film offre une adaptation fidèle, peut paraître datée aujourd'hui, mais le jeu des acteurs, réaliste et sans éclat, et le sombre destin des personnages sauvés par un final mélodramatique, ne manquent jamais d'émouvoir.

[MT]

Zéro de conduite
7

Zéro de conduite (1933)

49 min. Sortie : 7 avril 1933. Comédie dramatique

Moyen-métrage de Jean Vigo

RoroRoro a mis 7/10.

Annotation :

"Jeunes Diables au collège" : le second titre de "Zéro de conduite" évoque un divertissement léger, mais ce classique de Jean Vigo est à prendre au sérieux. Le tableau de la révolte de l'enfance contre une institution scolaire tyranique n'est rien de moins qu'un véritable manifeste surréaliste, dont la dimension cosmique est soulignée par le plan final où les jeunes diables, triomphants au sommet d'un toit, semblent prêts à prendre envol.

Voici un film terrible à montrer à des écoliers qui ne seraient pas préparés à ce qu'ils vont voir et entendre: nudité frontale, humour obscène, blasphème, homo-érotisme appuyé. Mais "Zéro de conduite" va bien au delà de la simple dualité jeunesse contre autorité (contrairement à son remake assez libre de 1968, "If...", qui est toutefois un excellent film!), grâce à un point de vue d'une perversité aussi inéluctable que polymorphe: même les professeurs les plus guindés sont tordus, et secrètement fous furieux.

La provocation magnifique opère autant sur la forme que le contenu du film: l'utilisation du ralenti, de l'animation, les trucages photographiques sont merveilleux, prodigieux. Vigo a assimilé l'avant-gardisme de Luis Bunuel et de René Clair, mais il a aussi inventé l'esthétique unique du "plan d'aquarium", un espace claustrophobique où se produisent des apparitions étranges dans tous les coins possibles et imaginables. Du vrai cinéma!

[L]

Une question de vie ou de mort
7.5

Une question de vie ou de mort (1946)

A Matter of Life and Death

1 h 44 min. Sortie : 10 septembre 1947 (France). Drame, Fantastique, Romance

Film de Michael Powell et Emeric Pressburger

RoroRoro a mis 8/10.

Annotation :

Conçu à l'origine pour apaiser les relations tendues entre l'Angleterre et les Etats-Unis, ce film fantastique du fameux binôme transcende cependant le film de propagande. Il se transforme en un conte romantique indémodable sur la bonté humaine et il regorge d'humour et de trouvailles visuelles.
Alors qu'il s'apprête à s'éjecter de son avion en flammes et à connaitre une mort certaine, un pilote de guerre anglais tombe sous le charme de la voix d'une opératrice radio américaine. Il se réveille sur la plage, persuadé d'être au paradis. Découvrant qu'il est bel et bien vivant, il en profite pour tomber amoureux de la jeune américaine. Mais les instances célestes ont commis une erreur et elles dépêchent sur terre le guide 71 pour révéler la vérité u pilote et l'emmener au Ciel où il est à sa place.
Le décor extraordinaire réalisé par Alfred Junge ajoute encore à l'effet produit par les émotions fortes et un scénario habile qui oscille avec aisance entre la Terre, filmée en Technicolor, et le Paradis, au noir et blanc éthéré. Outre l'époustouflante représentation de l'au-delà et l'usage d'arrêts sur image, on retiendra un plan de l'arrière d'une paupière que n'aurait pas désavoué un certain Salvador Dali!

[KK]

Mention spéciale encore une fois pour Jack Cardiff à la photographie qui, comme à chaque fois, est pour moi encore à ce jour le meilleur dans son domaine.

S'en fout la mort
6.5

S'en fout la mort (1990)

1 h 31 min. Sortie : 5 septembre 1990 (France). Drame

Film de Claire Denis

RoroRoro a mis 6/10.

Annotation :

Attention: Spoil.

La réalisatrice Claire Denis parle de ses films "Chocolat", "S'en fout la mort" et "J'ai pas sommeil" comme d'une trilogie sur le colonialisme et ses conséquences. "S'en fout la mort" dépeint, presque comme un documentaire, quelques mois de la vie de Dah et Jocelyn, deux noirs qui entraînent des coqs pour des combats illégaux dans le sous sol d'une boîte de nuit louche d'une ville de banlieue. En plus du portrait de l'exploitation des clandestins (ça veut pas dire que ce sont des sans papiers hein =D ), l'atmosphère claustrophobe et oppressante offre un terrain fascinant pour opposer les dynamiques en présence dans cet univers marginal: pouvoir, violence, désir et cruauté, tandis que la tension monte entre Jocelyn et le fils du propriétaire du club, Michel. Michel est jaloux de l'attention que Jocelyn reçoit de son père, mais aussi de l'amie de ce dernier, la superbe Toni, que tous deux convoitent.

La rivalité entre Jocelyn et Michel, compliquée par des histoires de "race" et de pouvoir, se conclut brutalement par un meurtre stupide qui souligne l'absurdité de la violence post-coloniale. Les plans rapprochés, violents, des coqs de combat et de leur entrainement rituel, du visage et du corps des acteurs, ainsi que l'interprétation puissante de Descas et Bankolé, nous font vivre avec intensité l'expérience intime d'un aspect du comportement humain provoqué par des circonstances dans lesquelles "l'homme, quelles que soient sa race, couleur, ou origine, est capable de tout et n'importe quoi".

[CO]

Within Our Gates
5.7

Within Our Gates (1920)

1 h 20 min. Sortie : 12 janvier 1920 (France). Drame, Romance

Film de Oscar Micheaux

RoroRoro a mis 6/10.

Annotation :

Ecrivain célèbre, éditeur, pionnier et cinéaste, Oscar Micheaux est considéré comme le père du cinéma noir américain. "Within Our Gates, son deuxième film, est un des quarante longs métrages qu'il écrivit, dirigea et produisit de manière indépendante entre 1919 et 1948. Outre ses mérites narratifs et formels, "Within Our Gates" présente l'immense intérêt historique d'être le plus ancien long métrage conservé d'un réalisateur noir américain. Profond, controversé, toujours obsédant à cause de sa peinture des atrocités commises par les Blancs contre les Noirs durant cette période, ce film reste, selon un critique, "un document fort et éclairant qui n'est pas moins pertinent aujourd'hui qu'en 1920."

Réalisé à peine cinq ans après le chef d'oeuvre raciste de Griffith (Naissance d'une nation), "Within Our Gates" en est un critique plus ou moins voilée. Le film retrace le combat que mène Sylvia Landry, un professeur noir du sud des Etats-Unis qui se rend dans le Nord afin de rassembler de l'argent pour son école. Mais ce n'est là qu'une des histoires que Micheaux (également scénariste) entremêle dans le passionnant récit qu'il donne de l'oppression physique, psychologique et économique dont sont victimes les Noirs américains.

Peu de gens ont vu le film que Micheaux a voulu faire. "Within Our Gates" a été massacré de manière répétée par la censure, qui prétendit que ses scènes de viol et de lynchage constituaient une provocation au lendemain des émeutes raciales de 1919 à Chicago. Ce film était réputé perdu, mais une copie a été retrouvée à la Cinémathèque espagnole, à Madrid, et restaurée en 1993.
[SJS]

Pour ceux qui voudraient voir le film, sautez sur l'occasion:
http://www.youtube.com/watch?v=h1E0NrcnwAE

Cría cuervos...
7.5

Cría cuervos... (1976)

1 h 45 min. Sortie : 16 juin 1976 (France). Drame

Film de Carlos Saura

RoroRoro a mis 9/10.

Annotation :

"Elève des corbeaux, ils te crèveront les yeux", dis l'adage espagnol qui fournit son titre au film. La jeune Ana, jouée par l'extraordinaire Ana Torrent, se réveille une nuit et descend au rez de chaussée. Des bruits étranges semblent provenir de la chambre de son père veuf. Une femme en sort brusquement et se précipite hors de la maison. Son père, officier franquiste, est mort et Ana est sûre que, d'une manière ou d'une autre, c'est de sa faute.
Après cette ouverture saisissante,"Cria Cuervos" devient la chronique d'Ana et de ses deux soeurs qui grandissent en évitant les écueils et apprennent peu à peu ce que la liberté peut être.

Tourné tandis que, littéralement, Franco agonise, le film file la métaphore de la vie sous le franquisme comme une sorte d'enfance rabougrie montrée dans plusieurs autres films espagnols de l'époque mais il le fait avec une sensibilité et une grâce stimulantes. Géraldine Chaplin, la muse de Saura à l'époque, est merveilleuse dans le double rôle de la mère d'Ana atteinte d'un cancer et d'Ana adulte repensant à tous ces événements. Sa présence assurée en Ana adulte semble indiquer que le franquisme appartient déjà au passé, période douloureusement subie mais finalement vaincue.

[RP]

Mon homme Godfrey
7.5

Mon homme Godfrey (1936)

My Man Godfrey

1 h 34 min. Sortie : 8 octobre 1936 (France). Comédie

Film de Gregory La Cava

RoroRoro a mis 8/10.

Annotation :

(Attention, Spoil)

Gregory La Cava, un des maîtres de la comédie de moeurs sophistiquée, n'était peut être pas, à Hollywood, celui que la conscience sociale taraudait le plus, il avait pourtant un certain don pour la satire avec un côté social et politique nettement visible dans des films comme "Gabriel over the white house" (1933), "Mon mari le patron"(1935), et surtout le plus connu: "Mon homme Godfrey". Ce classique de la fin des années de crise dresse le portrait d'un clochard qui est engagé comme maître d'hôtel dans le cadre d'un jeu organisé dans la haute société de Park Avenue. Quelques centaines de répliques pétillantes plus tard, Godfrey à pris le contrôle de cette maison de riches bourgeois, séduit la belle Irene, prouvé que le gigolo de la mère était un escroc, et sauvé le père de la banqueroute et de la prison pour fraude.

On découvre sans surprise que Godfrey jouait lui même au clochard quand cette riche assemblée l'avait trouvé. Il peut donc épouser la dame de ses rêves. Mais avant cela, les bourgeois ont défilé devant la caméra comme autant de crétins narcissiques et infantiles. Cela explique bien entendu l'immense succès du film auprès du public populaire de l'époque.
Il perd un peu de son mordant dans la seconde moitié, quand le conte de fée prend le dessus et que l'histoire se conclut sur ce message idiot: L'argent ne fait pas le bonheur! Mais même alors, il parvient à captiver grâce à l'intelligence de son scénario, dû au romancier Eric Hatch et à Morrie Ryskind. Pas une réplique qui ne fasse mouche, pas un personnage plus faible que les autres. Le rythme de La Cava est parfois étonnement rapide, presque chaque scène contient un duel verbal au rythme de mitraillette. Le film fait preuve d'une économie narrative si naturelle qu'il pourrait servir de prototype au cinéma classique hollywoodien.

[MT]

La Glorieuse Parade
6.8

La Glorieuse Parade (1942)

Yankee Doodle Dandy

2 h 06 min. Sortie : 25 septembre 1946 (France). Biopic, Comédie musicale

Film de Michael Curtiz

RoroRoro a mis 8/10.

Annotation :

Qu'il serait facile d'adopter un point de vue sophistiqué, post-moderne ou convenu, et de qualifier "La Glorieuse Parade" de propagande chauvine! Il est vrai que cette biographie extravagante, musicale et patriote du chanteur-danseur d'origine irlandaise George M. Cohan (le premier artiste décoré de la Congressional Medal of Honnor) déborde de numéros simplistes et sentimentaux. On y retrouve la marque de fabrique de Cohan: un style de danse raide, bouillonnante et tape à l'oeil, et des paroles qui font l'éloge des institution américaines les plus inébranlables: "Grand Old Flag", "Give My Regards to Brodway", "Over There" et le "Yankee Doodle Dandy" du titre original, pour n'en citer que quelques unes. Le film est un flash back raconté au président Roosevelt par un Cohan modeste, qui s'achève sur un appel ému en faveur de l'intervention en Europe: "Je ne m'en ferais pas pour ce pays, à votre place. Ce sera bientôt réglé. Existe-t-il un autre endroit au monde où un type simple comme moi peut bavarder avec le patron?"

Mais cette interprétation cynique nous empêcherait d'apprécier ce qui est à la fois le plus surprenant et le plus touchant du film: la magnifique sincérité de James Cagney. Elle est évidente dans les sourires gênés qui ponctuent ses remarques, dans sa voix douce et raffinée, dans la virtuosité stupéfiante de ses danses, au style convaincant et original, infatigablement athlétique tout en étant enfantin, enjoué et joliment futile, et dans une chose rarement vue à l'écran: la foi absolue et affectueuse de Cagney en tout ce qu'il fait. La mise en scène de Curtiz ne l'écrase jamais, la photographie contrastée noir et blanc de James Wong Howe n'oublie jamais de mettre en lumière la moindre nuance de ses gestes et expressions. Et à la mort de son danseur professionnel de père, Cagney s'abandonne à un tel accès de sincérité que les larmes lui viennent aux yeux. On compatit tellement pour cet homme qu'on oublie qu'il s'agit d'un rôle. Cagney est devenu Cohan. Mieux encore, il est devenu l'esprit optimiste du cinéma.

[MP]

C'est pourquoi, si le côté "propagande" vient à voiler le reste au cours de votre visionnage de ce film, concentrez vous sur cet acteur qui interprète à mes yeux l'un des plus grands, des plus sincères et des plus inoubliables rôles de l'Histoire du cinéma étasunien!

Le Fantôme de l'opéra
7.1

Le Fantôme de l'opéra (1925)

The Phantom of the Opera

1 h 41 min. Sortie : 22 septembre 1925 (France). Fantastique, Muet

Film de Rupert Julian

RoroRoro a mis 7/10.

Annotation :

Ce film muet est l'adaptation la plus fidèle du chef d'oeuvre lugubre de Gaston Leroux, roman qui jouit d'un décor fabuleux et d'un formidable personnage principal. Il apparaît comme la combinaison insolite d'une mise en scène sans génie et de l'incroyable décor des plateaux d'Universal. Résultat: les personnages souvent empesés évoluent devant des tableaux vraiment impressionnants.

Le Fantôme de L'opéra offre tout de même quelques moments magistraux qui font oublier sa structure bancale: le bal masqué (brève séquence en technicolor, où le Fantôme apparaît, vêtu comme la Mort rouge d'Edgar Poe; le sabotage du grand lustre, où il fait comprendre au public ce qu'il pense de la diva; les diverses pérégrinations dans l'univers magique des sous sols de l'Opéra de Paris; et enfin, le meilleur de tout, la scène où l'on découvre le visage défiguré du fantôme tragique (vision si choquante que l'image devient brièvement floue).

Ce qui fait de ce film un véritable classique, c'est qu'il contient une des plus grandes performances dramatiques du cinéma muet: celle de Lon Chaney en génie monstrueux, impeccablement vêtu, violent et transi d'amour.

[KN]

Quatre garçons dans le vent
6.5

Quatre garçons dans le vent (1964)

A Hard Day's Night

1 h 28 min. Sortie : 16 septembre 1964 (France). Comédie, Musique

Film de Richard Lester

RoroRoro a mis 7/10.

Annotation :

Décrite par Village Voice comme "Le Citizen Kane du film de Juke-box", la comédie réalisée en 1964 par Richard Lester autour des Beatles et de leur musique n'est peut-être pas tout à fait cela même si elle est plus drôle, mais elle a définitivement transformé la forme des films pop. Porté par un scénario spirituel et emprunt de réalisme social d'Alun Owen, auteur dramatique de Liverpool, "Quatre garçons dans le vent" raconte une journée de la vie d'un groupe pop confronté à un succès phénoménal. La caméra suit les Beatles à travers une routine quotidienne où se mêlent le harcèlement des fans, l'attente, les questions de journalistes débiles, et, enfin, la montée sur scène.

Lennon, McCartney, Starr et Harrison apparaissent comme des jeunes gens sympathiques, intelligents, légèrement rebelles, et qui, dans la grande tradition des drames réalistes du nord de l'Angleterre, ont les yeux en face des trous et ont tôt fait de pointer l'hypocrisie d'autrui. ("J'ai fait la guerre pour des gens comme vous" lance un vieil homme à chapeau melon à Starr, qui réplique: "Je parie que vous regrettez de l'avoir gagnée") Ce rejet constant d'à peu prêt tout aurait pu mal vieillir sans le contraste fourni par la force hallucinante de la musique du groupe. La combinaison des deux produisit exactement l'effet escompté: une vague d'enthousiasme en faveur non seulement des Beatles, mais de toute la jeune génération. Si "Quatre garçons dans le vent" ne saurait être rendu directement responsable de l'éclosion de la contre-culture, de l'éviction de'Hollywood ou de la fin de la guerre du Vietnam, il a été vu, absorbé et révéré par une foule de futurs talents artistiques, notamment aux USA, où la jeune génération a trouvé ce film réellement libérateur. Quant aux chansons, elles sont sublimes.

[KK]

Manille : Dans les griffes des ténèbres
7.5

Manille : Dans les griffes des ténèbres (1975)

Maynila: Sa mga kuko ng liwanag

2 h 05 min. Sortie : 28 avril 1982 (France). Drame

Film de Lino Brocka

RoroRoro a mis 7/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

Attention: Spoil au premier paragraphe!

Avec ce film à petit budget et à grand succès, le cinéma philippin fit une percée et "Manille" est encore souvent considéré comme le meilleur film de son pays. Julio, pêcheur misérable, vient à Manille chercher son amour perdu, Ligaya. Embauché sur un chantier, il découvre des conditions de travail injustes et dangereuses et il est impliqué dans un réseau de prostitution masculine. Finalement il apprend que Ligaya travaille dans un bordel. La tentative pour les libérer tous les deux de l'enfer de Manille se termine en tragédie.

Le film montre la dureté de la misère urbaine à travers une bande son agressive, dans laquelle dominent bruits industriels, vacarme de la circulation et brouhaha de foule, un enregistrement et un mixage rudimentaires contribuant à créer une forte tension que n'amoindrissent pas les airs à la Ennio Morricone et la musique de synthétiseur. Les images de la souffrance de Julio forment un contraste frappant avec les flash-back intermittents sur l'idylle côtière du jeune couple dans un style direct montrant l'attachement de Brocka au mélodrame. La part d'homosexualité étonnamment élevée (renforcée par des extraits du "Roi des rois" de Nicholas Ray (1961), que le héros et l'héroïne voient au cinéma) annonce le "Macho Dancer" ultérieur (1988) de Brocka.

[CFu]

Noblesse oblige
7.7

Noblesse oblige (1949)

Kind Hearts and Coronets

1 h 46 min. Sortie : 10 février 1950 (France). Comédie, Policier

Film de Robert Hamer

RoroRoro a mis 8/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

"Noblesse oblige" est le prototype des comédies d'humour noir produites par Sir Michael Balcon aux studios Ealing. Parmi les premiers sortis de cette pépinière d'inventions comiques située dans l'ouest de Londres, ce film révèle une grâce et un savoir-faire sans égal. Mariant l'élégance, la malice et le cynisme, il a une conclusion inattendue, autre marque de fabrique des studios.

Entre le héros amer et déclassé, Louis Mazzini, et le titre de duc qu'il convoite, se dressent les huit membres de l'opulente et snob famille d'Ascoyne. Avec sang-froid, Mazzini opte pour le meurtre en série. Le scénario est adapté d'un roman fin de siècle de Roy Horniman, "Israel Rank", mais il est fort probable que Robert Hamer et John Dighton furent également influencés par le film controversé de Chaplin, "Monsieur Verdoux". Durant son ascension inexorable et sans scrupules, le machiavélique Mazzini tombe dans les filets de deux femmes très différentes: la gracieuse et touchante veuve d'une de ses victimes, Edith d'Ascoyne, et la sensuelle Sibella, aussi fabuleusement excentrique que dangereusement féline, jouée par l'une des vedettes d'Ealing, Joan Greenwood.
Quand aux huit d'Ascoyne, tous manifestement toqués et dégénérés, ils sont interprétés par l'homme aux mille visages d'Ealing, méconnaissables d'un film à l'autre (et ici d'une scène à l'autre), le délicieux Alec Guinness.

"Noblesse oblige" marqua l'apogée de la trop brève heure de gloire de Robert Hamer. Il apporta au film une solide expérience de monteur et sut trouver l'équilibre entre un dialogue brillant et des vignettes satiriques et concises. L'excellente photo noir et blanc de Douglas Slocombe, qui avait débuté comme opérateur d'actualités durant la guerre, préluda à une carrière plus longue et prolifique: il photographia plusieurs classiques du cinéma britannique des années soixante et, par la suite, des succès internationaux comme la trilogie "Indiana Jones".

[AE]

A Touch of Zen
7.5

A Touch of Zen (1971)

Xia nü

3 h. Sortie : 30 juillet 1986 (France). Arts martiaux, Aventure, Drame

Film de King Hu

RoroRoro a mis 7/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

Attention: léger Spoil!

La traduction littérale du titre chinois, "La guerrière", ne fait pas honneur à l'histoire. Ce n'est pas pour rien que "Les Héroïques" est considéré comme une référence du cinéma chinois: c'est la pierre de Rosette du wu xian pian, à savoir du film de sabre et de magie. L'histoire commence simplement dans une ville paisible en dehors de Pékin: un jeune lettré rêveur fait le désespoir de sa mère désireuse de le voir se marier et assurer la lignée. Il s'entiche d'une mystérieuse inconnue qui vient d'emménager dans une demeure abandonnée, réputée hantée. On sent alors venir l'histoire de fantômes. La trame prend encore de l'ampleur quand on apprend qu'il s'agit qu'une princesse fuyant les ennemis impériaux qui ont massacré sa famille. Chaque rebondissement donne encore un peu plus de relief au récit et, avant la fin, des moines bouddhistes aux pouvoirs surnaturels et des fantasmes métaphysiques viennent encore enrichir la trame. Les rôles sont inversés: la princesse n'est pas un fragile bouton de rose mais un as de l'épée capable de tenir tête à une bande de gardes d'élite alors que le lettré ne sait pas se battre. En dépit de ces trois heures, le film ne s'essouffle jamais. Il est tellement imprévisible qu'on attend de voir ce qui va se passer, chaque nouvel élément pouvant bouleverser nos idées préconçues.

King Hu est considéré à juste titre comme le pionnier du wu xian pian, même si le genre existait depuis l'époque du muet. Certes, les romans de sabre et de fantômes atteignaient déjà un haut niveau de richesse et de complexité mais Hu sut les transcrire à l'écran, les associant aux acrobaties et à la pompe de l'Opéra de Pékin et les sous-tendant de zen bouddhiste. Hu avait compris que les films étaient vécus avec les sens et remplis son cadre CinemaScope d'un tourbillon constant de couleurs et de mouvements. Après avoir peaufiné son art dans plusieurs films précédents, il atteignit un apogée avec "Les Héroïques/ A Touch of Zen".

[AT]

Shoah
8

Shoah (1985)

9 h 26 min. Sortie : 30 avril 1985 (France). Historique, Guerre

Documentaire de Claude Lanzmann

RoroRoro a mis 8/10.

Annotation :

D'un côté, il peut sembler absurde, voire choquant de traiter "Shoah" comme n'importe quelle oeuvre de cinéma. D'un autre côté, malgré toutes ses particularités, notamment sa durée de près de dix heures et le génie authentique qui l'habite, il est essentiel de voir dans "Shoah" un film parmi d'autres films.

Lanzmann a sillonné le monde pendant près de dix ans pour parler des camps d'extermination. Non des camps de concentration, ni du système nazi dans son ensemble, ni de l'antisémitisme comme processus, mais des endroits spécifiques où la mort régnait, le dernier cercle de l'enfer. Il a écouté quelques uns des très rares survivants, de plusieurs témoins et même d'anciens organisateurs du massacre de masse. Il a monté ces voix et ces images du présent (comme il les a filmées), montrant les corps, les visages, les paysages comme ils paraissent aujourd'hui, à jamais hantés par ce passé tragique. En même temps, il a rendu chaque spectateur conscient de l'impossibilité absolue de représenter ce qui est arrivé dans des lieux tels qu'Auschwitz, Birkenau, Sobibor, Treblinka et Chelmno, non parce que c'est interdit, simplement parce que c'est impossible.
Ce faisant, Lanzmann a accompli plusieurs choses d'une extrême importance. Il a inventé un moyen d'évoquer des souvenirs des horreurs de l'Holocauste sans déformer ce qu'elles ont été. Il a également réussi à donner à ce processus le nom (la Shoah de titre) qui est maintenant largement utilisé. A un niveau entièrement différent, Lanzmann est parvenu à atteindre ce qu'on peut appeler l'essence même du cinéma: le plus haut degré de présence par l'absence totale. Absence de millions de morts, du passé, de vestiges, d'archives sonores ou visuelles.

Le film de Lanzmann se présente comme la réponse absolue à la demande de Jean-Luc Godard: " Pas une image juste, juste une image." "Shoah est le film qui a exigé cette radicalisation du cinéma moderne. L'extrémisme de l'idolâtrie et de la propagande avait conduit au pire, notamment à des liens compromettants entre le cinéma et le pouvoir de l'ère industrielle. Au plus profond de ce qui le définit, le cinéma moderne oppose un refus éthique à ces liens; il a dû affronter les effets les plus inhumains de l'industrialisation de la représentation pour accéder à sa plus haute expression. Les débats engendrés par "Shoah" confirment l'importance de cette extraordinaire oeuvre d'art, dont on peut dire que toute projection est une victoire pour l'humanité et son avenir
[J-MF]

Le Cabinet du docteur Caligari
7.7

Le Cabinet du docteur Caligari (1920)

Das Cabinet des Dr. Caligari

1 h 16 min. Sortie : 15 mars 1922 (France). Drame, Thriller, Muet

Film de Robert Wiene

RoroRoro a mis 8/10, l'a mis dans ses coups de cœur et a écrit une critique.

L'Âge d'or
7.1

L'Âge d'or (1930)

1 h. Sortie : 28 octobre 1930 (France). Comédie dramatique

Film de Luis Buñuel

RoroRoro a mis 7/10 et a écrit une critique.

Annotation :

http://www.senscritique.com/film/L_Age_d_or/critique/23713502

Critique trop longue pour figurer ici.

Le Chant du Missouri
7.2

Le Chant du Missouri (1944)

Meet me in Saint Louis

1 h 53 min. Sortie : 9 novembre 1946 (France). Comédie dramatique, Comédie musicale, Romance

Film de Vincente Minnelli

RoroRoro a mis 8/10, l'a mis dans ses coups de cœur et a écrit une critique.

Annotation :

http://www.senscritique.com/film/Le_Chant_du_Missouri/critique/13146098

Critique trop longue pour figurer ici.

Dracula
6.7

Dracula (1931)

1 h 15 min. Sortie : 22 janvier 1932 (France). Fantastique, Épouvante-Horreur

Film de Tod Browning

RoroRoro a mis 8/10 et a écrit une critique.

Annotation :

http://www.senscritique.com/film/Dracula/critique/16161724

Critique trop longue pour figurer ici.

RoroRoro

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