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Bibliophilie pas vraiment obsessionnelle — 2025

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12 livres

créée il y a 9 mois · modifiée il y a 5 mois
Paysannes
1.

Paysannes (2024)

Sortie : 7 novembre 2024.

livre de Marie-Hélène Lafon et Alexis Vettoretti

Morrinson a mis 6/10.

Annotation :

[via Émilie]

Autant le texte de Marie-Hélène Lafon n'est pas des plus passionnants, autant le travail photographique de Alexis Vettoretti est agréable, simple, délicat, esquissant le portrait moyen global de la féminité paysanne. Autrement dit, l'autre nom que l'on pourrait donner à toutes ces "femmes de" qui très souvent n'ont absolument pas choisi ce métier d'agricultrice, d'éleveuse, de maraîchère, etc. Vettoretti a fait le choix de photographier des femmes âgées, elles ont toutes entre 60 et 100 ans, et sont présentées de manière très succincte : date de naissance, et une phrase extraite d'une conversation entre les deux, imagine-t-on. Ces portraits, très souvent réalisés dans la cuisine ou une pièce attenante, sont de manière épisodique entrecoupés de clichés des environs, un garage délabré, une toiture végétalisée, du matériel vieillissant, presque toujours emprisonnés dans une brume humide. Des femmes de paysans nées dans l'entre-deux-guerres, témoins d'une époque révolue, d'un abandon de quelque chose d'assez mal défini pour embrasser en tout état de cause la modernité, de gré ou de force. On imagine sans mal ces intérieurs silencieux, avec ces papiers peints décrépis et parfois même moisis, vestiges d'une époque qui se retire lentement. Des portraits qui ne creusent pas du tout chaque individualité mais qui tissent une toile globale émouvante.

Anthracite
6.3
2.

Anthracite (2016)

Sortie : août 2016 (France). Roman

livre de Cédric Gras

Morrinson a mis 8/10 et a écrit une critique.

Annotation :

[ Robin ]

Lire Anthracite en 2025 n'a pas tout à fait la même signification ni la même portée qu'en 2016, à sa sortie. Sous un autre angle, disons que cette lecture ne revêtait pas la même importance à une époque où le conflit entre Ukraine et Russie ne faisait pas partie de l'actualité quotidienne, où la guerre du Donbass commencée en 2014 avait aussi peu de sens que la révolution de Maïdan, et où tout le monde n'avait pas une opinion sur le séparatisme pro-russe dans les oblasts de Donetsk et de Lougansk. D'ailleurs, très peu de monde connaissait la définition d'un oblast.

Forcément, après trois ans de guerre qui oppose clairement les factions ukrainienne et russe (qui elle-même fait suite à huit années de guerre civile aux contours beaucoup moins nets), on ne porte pas le même regard sur le conflit. On est devenu familier avec tout un vocabulaire géographique local, on sait placer la Crimée et la mer d'Azov sur une carte, et on a une idée un peu plus claire des enjeux géopolitiques majeurs qui se jouent sur cette partie du territoire à l'est de l'Europe.

Avec le recul, le roman de Cédric Gras est une mine d'informations assez fascinante, et le fait que l'auteur ait passé le plus clair de son temps en Russie et en Ukraine depuis 2005 n'y est absolument pas étranger. On imagine aisément la composante semi-autobiographique dans "Anthracite", devant la précision de la langue pour décrire ces paysages parsemés de corons et de terrils, plongés dans cette couleur grise omniprésente. Le Donbass, à la différence du reste de l'Ukraine, est un territoire marqué par l'industrie du charbon, et Gras le fait ressentir régulièrement, pour ne pas dire constamment, à la faveur de ce road-trip périlleux entre amis qui sillonnent les champs de bataille d'une guerre civile source d'incompréhension, de malentendus, de quiproquos, et de confusions plus ou moins volontairement entretenues.

L'histoire démarre avec un geste mi-comique mi-tragique, une constante du livre d'ailleurs, ce ton décalé très bien maîtrisé pour marquer le caractère surréaliste de certains événements qui surviennent dans le contexte d'une telle guerre, fratricide, celui de Vladlen, le protagoniste chef d'orchestre qui décide un peu sur un coup de tête de faire jouer l'hymne national ukrainien... devant un parterre de séparatistes chauffés à blanc, en pleine commémoration de ce qu'ils appellent la libération du Donbass. Point de départ burlesque d'une fuite qui durera tout le long de l'intrigue, ...

Vladivostok
6.6
3.

Vladivostok

neiges et moussons

Sortie : 7 avril 2011 (France). Récit

livre de Cédric Gras

Annotation :



... et dans laquelle il sera rapidement rejoint par son ami d'enfance, Émile, situé à l'opposé sur le plan professionnel (il travaille dans le charbon) que politique (il est davantage du côté des indépendantistes pro-russes).

Et c'est là une qualité maîtresse du bouquin, le dialogue passionnant entre deux pôles opposés sur le terrain du Donbass, à une époque où les simplifications manichéennes n'avaient pas cours. Ce n'était pas le conflit entre les gentils et les méchants, ni les nazis contre les soviétiques, ni les progressistes europhiles capitalo-compatibles contre les néo-staliniens poutinophiles crypto-hitlériens. L'immersion dans ce climat conflictuel, industriel, hautement incertain, se fait en termes presque documentaires et vient agréablement compléter la partie fictionnelle du récit — les deux hommes parcourent le Donbass de long en large à la recherche de leurs dulcinées respectives, sans vraiment savoir où chacun ira ensuite (à l'est ou à l'ouest ?).

"Anthracite" participe à la peinture partielle d'une nuance littéralement inaccessible à une âme qui n'aurait pas été façonnée par l'Église orthodoxe et les traditions issues de la culture slave. Il décrit comment chaque camp est composé de personnes qui cherchent à survivre dans les meilleures conditions, avec des passés et des passifs très différents (d'un côté on déboulonnait des statues pendant que de l'autre un empire était ravivé, grosso modo), et des gros salauds qui surgissent de temps en temps à l'image d'oligarques qui cherchent à tirer profit de la guerre. Ceux qui regrettent l'époque où l'Ukraine faisait partie de l'URSS, et qui rêvent de la restauration d'un ordre ancien mêlant étonnamment fortes croyances religieuses et fascination pour le communisme. Ceux qui défendent la souveraineté d'une nation menacée, dont l'ouverture à l'ouest marque à chaque manifestation une nouvelle offense pour ses opposants. La description des territoires changeant de couleur au gré des escarmouches, les héros libérateurs étant acclamés d'un côté avant de l'être de l'autre côté après une énième contre-attaque, est pour moi probablement la dimension la plus fascinante du roman. Au milieu de cet immense bordel, au milieu des ballets incessants des milices ennemies, autour d'une ligne de front jamais claire, les pérégrinations des deux hommes captées dans une singulière neutralité du point de vue alimentent une tragicomédie qui se joue sur un échiquier géant, de la taille d'un territoire ukrainien.

Itinéraire : Ma France en entier, pas à moitié !
6
4.

Itinéraire : Ma France en entier, pas à moitié ! (2024)

Sortie : 11 septembre 2024. Essai, Politique & économie

livre de François Ruffin

Morrinson a mis 3/10.

Annotation :

[ Christian ]

J'ai rarement lu un bouquin aussi insipide et vaniteux en matière de politique, mais il faut avouer que je ne m'y risque pratiquement jamais. Les vertus des lectures forcées trouvent leurs limites, entre autres, ici... Ce que François Ruffin appelle "Itinéraire", c'est un résumé très rapide des 15-20 dernières années de politique française de son point de vue, dans son environnement direct, au gré d'une conversation sans intérêt avec un interlocuteur jamais identifié. Tout cela n'est qu'un prétexte à un grand déballage de son moi et de son surmoi, et au milieu de l'océan de trivialités déblatérées sur ce militantisme de gauche (avec un jeu particulièrement dénué d'intérêt autour de ses désaccords avec Jean-Luc Mélenchon) on ne relève que quelques énormités — du genre, il vénère Michael Moore en tant que documentariste, et il est déçu de ne pas avoir eu droit d'être le Hanouna de gauche après le succès de "Merci Patron"... C'est tout à fait édifiant. Sa vision de l'idéologie, de la philosophie, de la politique de gauche est vraiment extrêmement limitée, mises à part ses petites phrases du type "je veux relier la France des bourgs et la France des tours", il n'y a quasiment pas de matière intellectuelle derrière ses gesticulations. Il n'est pas si vindicatif que ça vis-à-vis de Mélenchon, ses combats contre les fachos du nord ne sont pas insignifiants, mais alors la taille de son égo et son absence de réponse constructive face aux reproches qui lui sont adressés sont vraiment sidérantes. Sa version du populisme et ses activités dans la région d'Amiens ne débouchent sur rien de concret sur le terrain des idées, il n'y a que sa défense des ouvriers qui tienne la route, il énumère des évidences du type "les socialistes sont soumis à l'exercice du pouvoir" ou encore "les think tanks produisent de la pensée de merde", et vraiment il avance comme un ange descendu sur Terre pour effectuer sa mission d’élite venu sauver les miséreux.

La Naissance d'un père
5.9
5.

La Naissance d'un père (2020)

Sortie : 27 août 2020. Roman

livre de Alexandre Lacroix

Morrinson a mis 2/10.

Annotation :

[ Éléna ]

Alexandre Lacroix avance des arguments pour justifier l'existence de son livre qui ne sont pas tout à fait irrecevables : en substance, "j’ai bien l’impression qu’aucun homme ne s’est jamais décrit en train de changer une couche", et le voilà donc lancé dans la chronique de sa vie personnelle et familiale. Mais ce qu'on peut prendre au premier abord comme une phrase un peu métaphorique, le changement de couche pour signifier la condition du père de manière plus générale et profonde, est en réalité symptomatique des près de 500 pages qui suivront, un marathon. Oui, Lacroix pense sincèrement qu'il est le premier à défricher un chemin à travers la jungle et va nous faire part de ses opinions sans retenue. Il déclare textuellement que Hegel, Heidegger ou encore Deleuze ont eu des enfants sans en avoir parlé beaucoup — eh bien voilà, lui, il déboîte les philosophes tutélaires, il va en parler, il va le prendre lui "le risque de la partialité" et tenter de faire "du romanesque avec des petits pots".

Sur le principe, pourquoi pas. Je m'attendais à quelque chose de semblable au travail de Guillaume Daudin et Stéphane Jourdain sur "L'Arnaque des nouveaux pères", pour apporter un peu de déconstruction sur le sujet. Mais pas du tout. Mais alors pas du tout. "La Naissance d'un père" est un condensé de pensées chronologiques qui se suivent sans structure d'ensemble, avec des micro-chapitres s'enchaînant à toute vitesse, sans que la chronique ne soit d'un intérêt même mineur. Parce que Lacroix a un avis sur à peu près tout, il nous montre qu'il sait plein de choses (théorème de la confiture approuvé), il doit passer 10% du temps (vérité extatique et non comptable) à décrire comment il picole, il nous demande tacitement de nous apitoyer sur son sort de pauvre père de famille écrivain avant qu'il ne devienne directeur de la revue Philosophie magazine... Moi je trouve ça passionnant comment quelqu'un comme lui parvient à dire autant de chose sur lui, façon livre ouvert sur sa bêtise et sa prétention déplacé. Il nous montre à quel point il est con, involontairement, avec sa critique stupide des autres (du style "on était en rando, on a vu passer un homme mal habillé qui jonglait, il était très nul"). ...

Apprendre à faire l'amour
6.3
6.

Apprendre à faire l'amour (2022)

Sortie : mai 2022. Essai

livre de Alexandre Lacroix

Annotation :



... Il se glorifie en bon papa, présent, qui ne se défausse pas devant les couches, pour finir en beauté en nous expliquant sans honte "Je savais que cette soirée deviendrait la dernière scène de mon livre, je ne voulais pas la rater", en parlant d'un moment avec son fils. On se situe vraiment à l'exact opposé du sensible et de l'émouvant.

Monologue un peu narcissique, souvent condescendant, pétri de jugements, perdu dans l’arrogance de ses certitudes, qui croit sincèrement fonder une méditation profonde sur la paternité, et qui confesse quelques faiblesses pour mieux asseoir une fausse sincérité censée consacrer sa supériorité de père libre et éclairé. Alexandre Lacroix, ce grand penseur de l’existence.

Des électeurs ordinaires
7.6
7.

Des électeurs ordinaires (2024)

Enquête sur la normalisation de l'extrême droite

Sortie : 3 mai 2024 (France). Politique & économie, Sciences, Essai

livre de Félicien Faury

Morrinson a mis 8/10 et a écrit une critique.

Annotation :

[ Alexis B ]

L'étude sociologique de l'électorat d'extrême droite n'a en soi rien de fondamentalement novateur, mais la réactualisation et la contextualisation proposée par Félicien Faury dans "Des électeurs ordinaires" revêt rapidement un intérêt assez évident. Dans un style particulièrement fluide et au cœur d'un travail de recherche qui cite ses références de manière très digeste, il pose les bases de son enquête de terrain (l'extrême droite dans le sud-est de la France, au sein de plusieurs villes et villages, entre 2016 et 2022, par opposition à celle du nord, plus souvent étudiée et exhibant des conditions sociales qui n'ont quasiment aucun point commun selon lui), énonce ses motivations (l'auteur a le sentiment que la thématique du racisme, aussi évidente qu'ambiguë, est trop souvent écartée et n'a pas été correctement étudiée), et se lance dans une analyse descriptive sans préciser exactement la localisation de ses terrains ou les aspects quantitatifs de son travail.

L'aspect le plus appréciable à mes yeux, au-delà de sa contribution pure à l'établissement d'une brique de connaissance, tient au profond respect accordé par Faury aux électeurs qu'il a rencontrés, à leur parole, à leurs sentiments. Et ce malgré la violence qui s'exprime parfois au détour de certains témoignages — et on peut supposer qu'il nous a épargné le pire. On est à des années-lumière du travail d'entomologiste qui observerait son milieu en narrateur omniscient, extérieur, avec sa bonne morale en bandoulière : si son positionnement ne fait aucun doute, sans déférence excessive, il accorde une considération vraiment très équilibrée aux mots, aux témoignages, aux croyances qui émergent de son terrain. Cette sensation se retrouve d'ailleurs dans le chapitre des remerciements en évoquant des sentiments complexes et ambivalents qui l'ont lié aux personnes interrogées dans son enquête. À mon sens, ce positionnement neutre et attentif lui permet d'échapper à tout sensationnalisme, et surtout aux pièges du misérabilisme (qu'il entendait bien combattre, d'ailleurs, avec la même neutralité d'observation).

"Des électeurs ordinaires" concentré sur une partie spécifique de l'électorat, la composante intermédiaire plutôt que l'élément ouvrier, en rappelant que la variable la plus prédictive du vote d'extrême droite reste encore aujourd'hui le niveau de diplôme davantage que le niveau de revenus. Parmi les grandes thématiques transverses qui reviennent de manière récurrente, ...

Extrême droite : la résistible ascension
7.4
8.

Extrême droite : la résistible ascension (2024)

Sortie : 6 septembre 2024. Essai, Politique & économie

livre de Cassandre Begous, Marlène Benquet, Vincent Berthelier, Samuel Bouron, Charlène Calderaro, Zoé Carle, Johann Chapoutot et Aurélie Dianara

Annotation :



... on peut relever le sentiment d'injustice fiscale (à travers un spectre large de ce qui est considéré comme une mauvaise redistribution et une racialisation de "l'assistanat"), la dégradation du service public d'éducation (contourné par le privé en dépit de moyens parfois limités), la sensation de déclassements territoriaux (avec des pressions en provenance du haut et du bas, même si c'est évidemment —et étonnamment — cette dernière qui constitue le socle des préoccupations et des incertitudes), et d'autres composantes plus classiques (islamophobie, les "bons" immigrés opposés aux "mauvais" immigrés, les distinctions raciales et son cortège de spéculations).

Sans doute que le chapitre le plus intéressant porte sur le questionnement de la norme dont serait issues les critiques racistes de l'électorat d'extrême droite — quand bien même l'extrême droite n'aurait pas le monopole du racisme, évidemment. Étudier le RN, "c'est aussi se rendre compte que ceux-ci ne penchent vers l'extrême droite que parce que le monde dans lequel ils vivent penche avec eux" : c'est un vote émis depuis ce qui est considéré comme une norme, mais une norme fragilisée, située du côté du groupe majoritaire. C'est en ce sens qu'il peut être considéré à la fois comme conservateur et protestataire, soucieux de préserver ce qui est perçu comme traditionnel et à vocation immuable tout en rejetant ce qui est perçu comme une agression — à grand renfort de "c'est pas normal", la chose sans doute la plus entendue.

Faury termine son ouvrage en abordant quelques points intéressants sur les dénis et les zones de lucidité surprenantes au sein de l'électorat. La mise en compétition des services publics, la fissuration de l'état social, la mise sous tension des espaces communs : cette extrême droite se dessine dans cette perspective-là comme le refuge des perdants, préoccupée en permanence par la comparaison aux autres. Et finalement, c'est l'articulation des deux principales dimensions de ce vote, le rejet des immigrés et la dévaluation du pouvoir d'achat, qui se présente comme le meilleur descripteur de la capacité du RN à fédérer des groupes sociaux aussi différents et hétérogènes, selon l'effet de tâche d'huile se propageant depuis son centre, à la différence d'autres groupes politiques comme celui de Reconquête (Zemmour étant assimilé à la classe politique repoussoir par la majorité des personnes interrogées, au même titre que Sarkozy).

Désaliénation
9.

Désaliénation (2021)

Politique de la psychiatrie. Tosquelles, Fanon, Guattari, Foucault

Disalienation: Politics, Philosophy, and Radical Psychiatry in Postwar France

Sortie : 16 février 2024 (France). Essai, Psychologie, Histoire

livre de Camille Robcis

Morrinson a mis 6/10 et a écrit une critique.

Annotation :

[ Robin ]

Je n'avais jamais entendu parler de la psychothérapie institutionnelle avant de lire le livre de Camille Robcis, consacré à l'histoire et aux fondements de ce courant thérapeutique mettant l'accent sur la dynamique de groupe et la relation entre soignants et soignés. L'autrice avance l'expérience présentée comme fondatrice de Saint-Alban, à partir de 1968, focalisée sur la volonté d'humaniser le fonctionnement des établissements psychiatriques (en gros, transformer les "asiles qui traitent les fous" en "centres de soin travaillant l'horizontalité des rapports", pour passer par la sémantique). Le cadre historique est important car c'est à l'époque du régime de Vichy que se noue cette réflexion, tandis qu'on laisse mourir les malades en pleine époque prospère des fascismes.

Le livre est structuré selon quatre principaux portraits / axes : François Tosquelles, Saint-Alban et l’invention de la psychothérapie institutionnelle / Frantz Fanon, les pathologies de la liberté et la décolonisation de la psychothérapie institutionnelle / Félix Guattari, La Borde et la recherche d’une politique anti-œdipienne / Michel Foucault : psychiatrie, antipsychiatrie, pouvoir. De vraiment très loin à mes yeux ce sont les deux premiers chapitres les plus intéressants, voire les plus lisibles — j'ai eu tout le mal du monde à terminer les sections consacrées à Guattari et Foucault. Le premier, au contraire, pose les bases du sujet (et c'est en soi enrichissant), tandis que le second aborde le personnage de Fanon et des interconnexions entre psychothérapie institutionnelle et (dé)colonisation — la lecture s'est d'ailleurs synchronisée avec un épisode de la chaîne Histoires Crépues sur le sujet, coïncidence parfaite.

Parmi les grands axes théoriques, on retrouve la volonté de rompre avec les logiques concentrationnaires, de déterritorialiser la psychiatrie, et de défendre la dimension humaine de la folie. En se distinguant de l’antipsychiatrie. L'histoire intellectuelle et politique d'un groupe de médecins et psychiatres, en lien avec leur insatisfaction vis-à-vis de la psychiatrie dominante. Une alternative à la solution asilaire, en résumé, soutenant l'idée que lutter contre l’aliénation mentale ne peut pas se penser sans une lutte politique contre toutes les formes d’aliénation, avec quelques détours par le POUM en Catalogne et les travaux de Fanon en Algérie puis en Tunisie. ...

Disalienation: Politics, Philosophy, and Radical Psychiatry in Postwar France
10.

Disalienation: Politics, Philosophy, and Radical Psychiatry in Postwar France (2021)

Sortie : 3 mai 2021 (États-Unis). Essai, Psychologie, Histoire

livre de Camille Robcis

Annotation :



... On ne pourra pas reprocher à Robcis la clarté de son travail mais pour une pratique censée replacer les patients au centre du processus, ces derniers n'ont pas beaucoup de place, et à mes yeux il manque tout un pan critique, pragmatique, sur les limites de ce modèle (alors qu'il est au centre d'un affrontement idéologique). Et les parties théoriques relatives à Lacan, Foucault, ou Deleuze m'ont littéralement assommé.

https://laviedesidees.fr/Camille-Robcis-Disalienation
https://www.nonfiction.fr/article-11972-psychiatrie-psychanalyse-et-politique-soigner-linstitution.htm

La Personne et le sacré
8
11.

La Personne et le sacré (1941)

Sortie : 1941 (France). Essai, Philosophie

livre de Simone Weil

Morrinson a mis 6/10.

Annotation :

[ Jules ]

Petite déception devant l'absence de perspicacité et de pertinence transcendante de cet ouvrage, mais en grande partie liée aux attentes nourries par son célèbre pamphlet "Note sur la suppression générale des partis politiques". J'ai trouvé le propos de Simone Weil pour le coup un peu confus, pas formulé de manière saillante, orné de comparaisons hasardeuses et de considérations qui m'échappent totalement. L'oscillation permanente entre convictions personnelles de Weil et grandes notions philosophiques m'a un peu fatigué car la lecture s'en trouve compliquée, comme perturbée par un manque de structure — le texte est court mais les transitions sont parfois très abruptes, c'est un peu déroutant.


Il y a un peu de tout. L'énonciation de sa préférence pour le génie plutôt que pour le talent ("Il faut encourager les idiots, les gens sans talents, les gens de talent médiocre ou à peine mieux que moyen, qui ont du génie"), sa vision du châtiment censé lutter contre le mal (qui doit "éveiller chez les criminels le désir du bien pur par la douleur"), ainsi que des considérations assez béates et naïves de mon point de vue sur la beauté et la vérité. C'est un texte figurant parmi les derniers écrits par Weil à la fin de sa vie, qui s'articule essentiellement autour de la recherche d'un principe qui se placerait au-dessus des institutions et qui serait capable de protéger le droit de manière plus efficace. Pour Weil, défendre le droit dans le paradigme actuel passe nécessairement par la défense du droit pour soi, et remet en question à cette occasion le concept même de personne — en lien avec le courant personnaliste contemporain autour d’Emmanuel Mounier qu'elle critique vertement, mais dont j'ignore tout. Elle part d'un point de désaccord sémantique tout en affirmant aller bien au-delà, mais au final on se perd en élucubration autour du terme "personne" et dans la recherche de ce qu'elle considère comme "sacré" — selon elle, ce qui est impersonnel (l'humanité, la justice, etc.). Je ne suis pas intimement convaincu que réclamer un droit, c'est toujours le réclamer pour soi, mais force est de constater qu'il demeure malgré tout une certaine pertinence dans le fond du propos, quand on étudie cette proposition à la lumière des événements récents en matière de lutte contre le racisme (l'existence du droit ne prémunie aucunement de son non-respect), ...

La Pesanteur et la Grâce
7.9
12.

La Pesanteur et la Grâce (1947)

Sortie : 2002 (France). Journal & carnet

livre de Simone Weil

Annotation :



... de sur-médiatisation des égoïsmes, ou encore de la tentative de construction de l'idée d'un bien commun environnemental afin d'améliorer les conditions de sa préservation.

"Il est nécessaire de créer des institutions qui permettrait aux cris les plus silencieux d'être entendus, aux balbutiements les plus légers d'être écoutés, aux plus faibles d'être protégés, des pouvoirs répressifs des collectifs, fussent-ils totalitaires ou démocratiques."

Morrinson

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