Cover Carnet de Curiosités : Lectures 2024

Liste de

102 livres

créee il y a 9 mois · modifiée il y a 5 jours

Le Cri du canard bleu

Le Cri du canard bleu (2012)

Sortie : 3 octobre 2012. Roman

livre de Alexandre Vialatte

Nushku a mis 6/10.

Annotation :

Esquisse d'un roman laissé à l'abandon par Vialatte au début des années 30 et ressorti par l'éditeur de ses fonds de meubles quelques années après. Purement Vialatte !! On n'échappe pas aux affiches de publicités qui font fantasmer le jeune écolier aux pays lointains, au temps joyeux des colonies..., les préaux, l'auberge qui recèle de trésors inutiles. Vous retrouvez les Fruits, Battling... Pouvait-il du reste écrire autre chose, un autre roman que ce roman séminal plusieurs fois réécrit ? Est-ce pour ça qu'il n'écrira plus que des chroniques (dont il faut que j'aille faire mon beurre) ? C'est dire, en quelque sorte, le pendant automnal des gloires de Pagnol. Là aussi une écriture cuite dans le sucre.

Publié de son vivant ne me reste donc que le Fidèle berger, déjà entr'aperçu dans ce Cri du canard bleu (qui n'est pas bleu vous vous en doutez...)

/"Le plafond bleu était criblé de dorures." (idée de titre pour un roman, huis-clos, labyrinthique, chambres à la Munch)

*

« C’étaient des êtres d’un autre monde, impalpables, vagues et lointains, qui flottent à mi-chemin entre le bord du monde et le commencement d’autre chose. C’était, dans sa vie, comme une île où s’allument des feux le soir ; on n’y va pas mais on en rêve. Et le jour, au milieu des autres, on n’y croit plus. »

« Peut-être un soir, dans la cour du collège, quand les tilleuls sentent trop bon pour la force des écoliers, ou quand la neige des mois noirs tombe derrière les vitres jaunes de l’étude, peut-être un soir, tendant l’oreille, entendra-t-il passer le cri du canard bleu, comme un appel de son enfance… Le cavalier qui emporte les femmes vient de descendre dans la cour, il a attaché son cheval au grand tilleul de la fontaine. On entend son sabot qui racle le pavé. Ah ! qu’il sonne clair sur la pierre… L’horizon semble déchaîné. Au loin, sur la campagne où tremblent les fumées, les vieux hommes de la montagne tètent leur pipe noire autour des feux de tourbe. Les affiches des racoleurs, sur les murs gris de la gendarmerie, promettent la mort et l’amour aux externes furonculeux dans les pays d’où viennent le poivre et le corail.

La nuit, amère et magnifique, parée de feux comme un grand paquebot, tend ses filets aux enfants chimériques. »

Le Château de ma mère
7.1

Le Château de ma mère (1958)

Souvenirs d'enfance, tome 2

Sortie : 1958 (France). Autobiographie & mémoires

livre de Marcel Pagnol

Nushku a mis 7/10.

Annotation :

Diable que j'aurais aimé les lire mioche ces souvenirs ! Ils étaient pourtant disponibles, offerts à ma curiosité dans la bibliothèque familiale (peut-être perdus au grenier).

L’écriture chantante pas pour autant chantournée, douce, délicate, confite de Pagnol, qui n’en fait jamais des tonnes ni dans la joie ni dans les peines, pas si proche de sa caricature.

Étrange première partie, suite directe et conclusion au premier livre. Cette fin qui sonne comme une véritable fin, comme si aucune suite n’était prévue.

Moutard, l'adaptation me fascinait, m’effrayait un peu je crois avec ces châtelains cachés : les ogres et les Barbe-bleu des contes n'étaient pas si loin… et cet épisode tiré d'un futur tome, Marcel qui gobe bêtement une sauterelle pour impressionner une chipie snob.
Au surplus, et si tant est que ce soit un passage obligé de la glose de ces coins là, je crois que c’est dans ces faux airs de conte ancien, bien plus que dans les odeurs de thym et les épisodes cynégétiques, que l’on trouve un tout petit peu de la verve gionienne.

*

« Mon cher Lili ne l'accompagna pas avec moi au petit cimetière de La Treille, car il l'y attendait depuis des années, sous un carré d'immortelles : en 1917, dans une noire forêt du Nord, une balle en plein front avait tranché sa jeune vie, et il était tombé sous la pluie, sur des touffes de plantes froides dont il ne savait pas les noms...
Telle est la vie des hommes. Quelques joies, très vite effacées par d'inoubliables chagrins.
Il n'est pas nécessaire de le dire aux enfants. »
 « Je tentai donc de supprimer le mois d'octobre. Il se trouvait dans l'avenir, et offrait donc moins de résistance qu'un fait du présent. J'y réussis d'autant mieux que je fus aidé dans mon entreprise par un grondement lointain, qui arrêta net la conversation. »

Le Miroir magique

Le Miroir magique (2020)

Sortie : 19 novembre 2020. Essai, Peinture & sculpture

livre de Jean Frémon

Nushku a mis 6/10.

Annotation :

"Fables, souvenirs, choses lues, vues..." nous dit la couverture. Plutôt, pour reprendre un titre de Chastel : Fables, Formes, Figures.

Si je n'aime pas Quignard j'adore sa forme. Puisque Frémon nous rejoue clairement un épisode du Vieux royaume, fragments, petits bouts, esquisses, anecdotes. Il manque toutefois des bouts de récits, des amorces de romans. Est-ce pour autant de la littérature ? Je ne crois pas; Tant pis ou tant mieux.
Car pour tout dire j'aimerais écrire un livre de ce genre, miscellanées, journal de bord, notules, limules SC. Comme les petits essais de Borges, comme les entretiens, d’une curiosité infinie, découverte perpétuelle (ou curiosité perpétuelle et découvertes infinies) ; en somme les vidéos YT avant la lettre.

« Ce que Borges disait de Shakespeare vaut pour Rembrandt : il est tous les autres hommes. Sûr de cette intuition, il s’est ingénié à en apporter la preuve. »

Sauf que… Tous et je bien tous les portraits célèbres y passent — du moins ceux de l'art occidental au point qu'il n'y a plus de surprise, une trop grande évidence, c'est-à-dire plus de surprise — c'était couru d'avance à ainsi laisser son fil seul et à nu, sans le tresser avec d'autres thématiques et j'aurais envie de dire une trop grande... transparence. Through Not-a-so-darkly Glass. Tant est que l'on se croirait plus l’une de ces séries Arte du dimanche qui évoquent tout sans ne rien dire, sans réel point de vue. Quelques potins et bon-mots avec son ami Hockney. Trop peu.
J'aurais rajouté, entre autre, les portraits de Neel, si frappants, nus & crus ; Eugène Leroy ; les œuvres de Samori et ses portraits défigurés, balafrés, fondus, les figures de Jean-Paul Marcheschi, les jeunes peintres contemporains figuratifs où l’on retrouve de nombreux portraits.

Quand il parle de désir, de plaisir ou de grâce on sent aussi le vieil homme du monde d'antan. Idem avec un certain orientalisme paternaliste, puis un fond catho.

J’en lirai d’autres. Par paresse, pour me reposer.

"« Alors, à la surface de ce visage remémoré, pétri, repassé, aplati, puis regonflé, il s’agissait de faire affleurer autre chose : une matière, une couleur, une qualité, qu’il allait reprendre dans le titre choisi pour désigner le tableau."

Un voyageur en terre du milieu
8.1

Un voyageur en terre du milieu

A Middle-earth Traveller : Sketches from Bag End to Mordor

Sortie : 9 octobre 2018 (France). Beau livre & artbook

livre de John Howe

Nushku a mis 6/10.

Annotation :

« Il s'agit là, naturellement, d'une géographie de la pensée et de l'esprit, guidée par les histoires et par le hasard. »

John est là à chaque page, là tout près de nous comme un oncle au près du feu, en automne, à Noël, sous le plaid, pour commenter ses si délicats crayonnés. Toutefois il explique plus les bases du monde de Tolkien qu'il ne partage ses inspirations, montagnes réelles de la Suisse, de la NZ, autres artistes, illustrateurs, peintre classiques ou qu'il ne dévoile ses techniques et sa manière. Quelques anecdotes. Dommage.
Surtout le Troisième Âge, son travail sur les deux trilogies obligent. Des décors un peu trop familiers donc. Dommage.

*

« les royaumes des Elfes peuvent symboliser les restes édéniques du Paradis sur terre, vestiges du royaume d'avant le début des temps. »

+ Feuilletage en vidéo :
https://www.youtube.com/watch?v=55vw9BkZ3Bc et review avec images en anglais : https://halcyonrealms.com/books/a-middle-earth-traveller-john-howe-sketchbook-review/

Cabane
8

Cabane (2024)

Sortie : 21 août 2024. Roman

livre de Abel Quentin

Nushku a mis 7/10.

Annotation :

Le bruit de l’effondrement.

Comme une lecture corollaire à Humus, même éditeur.

Donc le dernier Bellan… non Houell’ écolo. Comme B. sans cesse comparé au H. Parlez société, quelques lignes informationnelles, un brin de réac — critiqué ou embrassé, qu'importe et paf, vous êtes le nouvel Houellebecq !
Avec le Voyant je n’avais franchement pas su à quel saint me vouer. Était-ce du lard ou du cochon ? du vin ou de la piquette ? Sachant que son soutien par certains, haros anti-tout, n'aidait pas à s'y vouer, véritable baiser de la mort. Bien qu’ici il semble se gausser de ces HBHC. Un peu comme avec Humus donc : où placer non pas l'échiquier car il y a trop de cases et trop binaire, mais la simple marelle ? Sans doute est-ce ce trouble qui rendent ces textes intéressants.

Roman sec, décharné bien qu’il s'épanche (c'est figure imposée du genre) sur la vie sexuelle de ses protagonistes. Grande carcasse d’où pendent quelques sacs de viscères. Cabane est en effet de ces romans cannibales qui paraissent vivre en circuit fermé et, malgré les thématiques brûlantes ne jamais s'ouvrir à l'extérieur. Roman répétitif qui louvoie entre les mêmes personnages, ressasse un peu trop ses idées et ses propres événements : le Norvégien est-il fou ? Stoddart le maître, Quérillot le traître, etc. Reprendre la lecture c’est retenir son souffle, le refermer sortir de l’apnée mais pas forcément celle qui vous entraîne.
Le roman remâche ses propres pages puis une incartade dans les dérives. Comme pour le Voyant, il y a l'envie d'en montrer toutes les facettes, presque de tout dire quitte à rester superficiel sur certains de ces aspects. S’il montre les dents, Quentin a plus tendance à grognerr qu’à mordre. Ce passage reste bien gentil mais cela mériterait un livre à part entière ; allant égratigner également le(s) camp(s) d'en face.

Quentin a toujours ce style tenace, constant, sans aucun faux pas et un sens certain de la formule. Chaque phrase est à sa place. Je ne saurais le dire autrement qu’en parlant de style propre. Sur soi ? Je surnote sans doute mais je trouve cette écriture (dans une moindre mesure son architecture) très... solide ? Style 'parfait', ni flamboyant ni grandiose. Bref, il y a du métier bien fait. Un côté mème d'Obama qui fait not bad.

S’il existe de la hard-science, peut-il exister de la hard-pol ou hard-éco ? Quentin ne nous emmène jamais vraiment dans les tréfonds et les rouages du fameux rapport. Promis "sans équation" !

Roland Cat

Roland Cat (1981)

Sortie : 1981 (France). Beau livre & artbook, Peinture & sculpture

livre de Jean-Marie Benoist et Constantin Jelenski

Nushku a mis 5/10.

Annotation :

Cat, décédé en 2016, est de ces peintres nés au mitan du siècle, actifs dans les années 70, quand les gloires de la peinture s’étaient toutes éteintes et que l'art conceptuel faisait enfler sa prédominance.

Il y a dans la précision de son pinceau fin des airs de Wyeth et de Beksiński, ce peintre peu ou prou inconnu avant Internet et devenu coqueluche des geeks. Ce sont de grands silences éloquents comme chez J.-M. Poumeyrol ; proche de Schuiten dans les ambiances, les gravures de Trignac. un peu dans son utilisation de l’encre de la manière de John Howe mêmement nervurée de blanc. Une inquiétante étrangeté en sous-couche collée à la réalité, quotidienne, mathesonnesque ? Vibes visionnaires d'un Jean-Pierre Ugarte (plus doux) et plus récemment, François Baranger. J’aime ces artistes à petites doses : ils écœurent vite.

Cat appartient au courant flottant que l’on nomme art visionnaire. Fossiles récents, il leur faudrait une exposition et un catalogue à la hauteur pour extirper des galeries confidentielles et remettre au (goût du) jour cette frange d'oubliés. Car est bien dédaignée encore semble-t-il cette peinture figurative, frivole, folklorique, mise à part si ce n’est au rebus comme peut l'être l'illustration. Une expo pas juste pêle-mêle mais retracer les origines classiques, surréalistes, populaires, y distinguer les lignes de force, les courants sans aplanir les singularités ni négliger les évolutions internes. Je pense à l’expo Néo-romantique de Mauriès à Marmottan. À l’heure des 80 peintres à Orsay, le public n’est-il pas mûr ?

/Le texte de Benoist est imbuvable (et bien sûr imbitable). Tout y passe le latin, les majuscules, Merleau-Ponty, Borges mal raconté et pourtant semble faire des contresens.

« L'éclaircie de 1973 appartient aussi à cette série des encres rousses, des laves en fusion et des mortelles eaux ferrugineuses. Villes ou Babels maudites, Sodomes et Gomorrhes embrasées de quelque funeste précipitation radioactive où les pierres surchauffées sur le point de s'enflammer encore et de se pulvériser en cendres anonymes brillent d'un dernier et mortel éclat. Comme si quelque part un creuset éclatait, le monde entier devient le lieu aberrant de cette alchimie effroyable. Cat dit ici le soleil couchant, le Ponant, l'Occident de nos rêves embrasés de leur propre cruauté, dont ne pourra s'échapper comme d'un Herculanum ultime que le monstre, c'est-à-dire le singulier par excellence. » [Benoist]

Jour de ressac
6.8

Jour de ressac (2024)

Sortie : 15 août 2024. Roman

livre de Maylis de Kérangal

Nushku a mis 6/10.

Annotation :

Connaissant Kérangal, je me serais attendu au point de vue non pas simplement du détective comme un polar mais d'un point de vue technique, procureur général, légiste ou, comme RlV un kaléidoscope-panoptique ; prétexte à dévoiler avec précision l'art, le métier, les techniques, se délectant en termes professionnels, cédant encore une fois au vertige de la liste, aux délices de l’exhaustivité et de la précision. Précipice de l'énumération (quand s'arrêter ? Jusqu'où préciser ?) Est-ce ça la rage de l'expression ? Si (quand) elle écrira de la fantasy ce sera sans combat mais chez les forgerons, orfèvres, bouchers, tailleurs de pierre. Étrange donc cet interrogatoire du début très cliché, très téléfilm français.

Mais le corps, ce faux air de livre policier, d’enquête qui peluche à mi-livre n'est que prétexte et presque, si j'osais, parasite au temps perdu et retrouvé. Côté collage dans ce livre qui semble moins nécessaire que les autres, du moins sous cette forme.

Son écriture est étoilement.

Toujours chez cette autrice la géographie, la topologie, topographie d'une ville, de souvenirs que l'on tisse comme grande résille pour (r)attraper les choses, et les gens. Ses romans se lisent comme l'ont suit une data visualisation. Et si (quand) elle écrira de la fantasy sa magie aura la cohérence d'un Sanderson tout ayant la charge mémorielle et humaine d'une Le Guin.

Kérangal met des virgules là où il devrait y avoir des points ou à tout le moins des points virgules, ce qui donne cette impression si caractéristique d'une phrase si ce n'est bancale, tordue, mal calibrée car relancée et ne voulant s'achever.
Un peu comme sonne parfois Damasio.

Son écriture est feuilletement.

Celui-là fait très rapiécé, comme bricolé avec des chutes : l'autobio du Havre, le corps inconnu, les réfugiées et paraît moins "nécessaire" (j'entends par là les livres dont on n'imagine pas une autre version, un autre agencement possible, une ligne en plus ou en moins)

Je ne connais pas le Havre, n’y suis jamais allé et pourtant ce gris, ce ciel couvert mais lumineux, la mer proche et lointaine à la fois à la couleur indéfinissable — qui choque tant lorsqu’on découvre la Méditerranée, son double bleu du couple ciel-mer — je connais.

:: Me sens con de n'avoir eu l'illumination qu'à mi-livre, tant évident mais du mal à y croire qu'elle n'y pense pas tout de suite, de go et cette évidence reste tue, creux aveugle ::

« Le passé n’était pas une matière fossile »

Beren et Lúthien
7.8

Beren et Lúthien (2017)

Sortie : octobre 2017 (France). Récit, Conte

livre de J.R.R. Tolkien

Nushku a mis 6/10.

Annotation :

« Mais le présent livre ne propose pas une seule page de contenu original ou inédit. »

Car lire Tolkien n'est-elle pas en premier lieuaffaire de relecture ? Et l'on pourrait même dire de ressassement. Au-delà de ses deux romans et quelques miettes parues de son vivant, c'est lire des lasagnes. Des lasagnes froides sans cesse réchauffées. C'est lire et relire des couches similaires qui s'empilent, différentes mais similaires ; c'est se perdre dans les menues fractions de différences. Lire Tolkien ne nous donne-t-il pas l'impression d'être un paléographe et de savoir, enfin, faire la différence entre le e et le o, compléter les abréviations et distinguer les ligatures ? À cet égard, les commentaires de son fils scrupuleux sont presque plus intéressants même si j’ai toujours autant de mal à suivre le fil généalogique. C'est d'ailleurs étonnant quand on voit à quel point la matière des deux premières Âge fut malaxée, transformée, reprise, affinée, écartée, que Tolkien ait réussi à écrire, fini, achever et publier le Seigneur des Anneaux sans que cela devienne là encore une bruine de ramifications où Legolas aurait changé trois fois de nom et de race, Aragorn disparu, fusionné, les monstres venants et partant. Oh peut-être est-ce car il ne s'agissait pas de son œuvre de cœur ? « Je leur ai proposé les légendes des Jours Anciens, mais leurs lecteurs les ont refusées. Ils voulaient une suite. Mais moi je voulais des légendes héroïques et un romance de style élevé. Le résultat fut Le Seigneur des Anneaux. »

// Si l'on peut râler sur ce genre de rééditions qui n'apportent aucun inédit si ce n'est de John Howe, véritable modeleur des Terres du milieux dans l'imaginaire collectif, et si je comprends l'agacement des exégètes (cf. par ex. la critique exigeante de Nébal dont le gatekeeping n'est franchement pas le style) mais pour le lecteur semi-habile tel que moi ce genre de livre-dossier est bien pratique et permettent aux flemmards frenchouillards dans mon genre d'avoir un aperçu du travail de longue haleine de l'HdTdM. Je les rejoins cependant sur la qualité médiocre des traductions… Ou plutôt comme toute traduction de poésie en poésie, on ne peut que se demander si cette image est de Tolkien ou du traducteur pour tomber sur la bonne rime, le bon pied. //

[NB : Le premier conte, par ses airs de rêve racontés à quelque voyageur évoque Lord Dunsany.]

La Maison des soleils
8.3

La Maison des soleils (2008)

House of Suns

Sortie : 18 avril 2024 (France). Science-fiction

livre de Alastair Reynolds

Nushku a mis 7/10.

Annotation :

Déçu alors que je pensais adorer. (ça m'arrive souvent en ce moment, classiques étasuniens, essais d’Hdl’a, SF...). Comme souvent je me sens un peu à part n'ayant pas trouvé qu'il s'agissait là d'un chef-d’œuvre définitit.

Sense of wonder, astrophysicien et pourtant je n’ai jamais été happé par Reynolds. Son 1er roman m'avait frustré : pas tant de xéno-archéologie que promis, beaucoup de science super-magique et de manière générale des relents pulp avec de l'action trop étirée, des noms en XYZ pour des personnages clichetés, etc. Sa fausse suite vraie préquelle allant dans le polar je m'étais abstenu. Toutefois, tandis que Baxter m'a vite lassé avec son merveilleux cosmologique à dose homéopathique et son goût pour la violence inutile, la 1000e nuit et Eversion ont relancé une flammèche reynoldèsque : textes architecturés au style pas parmi les plus flamboyants mais centrés, tenus, sans accrocs.

...Margravin, Nexus Pantropique, Commonwealth Vermillon, Sodalité de Canopus, Société de l'Expansion Radieuse, Lunef, Sycorax (Dr. Who ?!), coureurs des confins… Ce roman laisse penser qu'il ne s'agirait que d'un récit périphérique dans un univers plus vaste, une aventure au sein d'un cycle avec d'autres romans. Ce qui n'est pas le cas et c'est très bien : suggérer cette étendue, insinuer sa richesse en laissant imaginer l'ample mille-feuille galactique. Qui n’échappe à un côté collage disparate.

Si ce n’est que je retrouve un peu ce qui m'avait freiné dans son 1er roman (et chez d'autres auteurs), à savoir cette absence de filet d’une imagination parfois automatisée. Ci et là j'ai lu qu'il s'agirait de hard-SF. Si ça en a l’odeur je n’en retrouve pas la saveur. Champs de force, de stase et anti-gravité, moteurs paramétriques, statoréacteurs, armes antédiluviennes si horribles qu'on ne les nomme pas comme dans L'EdlR... Absence de filet et dirais-je même de retenue. ["cryogénie ? Nul n’avait congelé et dégelé un humain depuis le commencement de l’âge de l’espace. Peu importait." Peu importait…] Bref, beaucoup de techno-babble et de boites magiques qui amoindrissent, je trouve, les véritables morceaux d’immensité. Oh j'entends le plaisir que l'imagination ainsi débridée puisse procurer et cela fleure bon l'âge d'or mais de mon côté je suis d'avantage baudelairien : parce que la forme est contraignante, l'idée jaillit plus intense. Il y a parfois des airs de Hamilton (ce n'est pas un compliment…)

(Suite de la notule-critique en commentaires)

L'Ange exilé
8.2

L'Ange exilé (1929)

une histoire de la vie ensevelie

Look Homeward, Angel

Sortie : 1929. Roman

livre de Thomas Wolfe

Nushku a mis 7/10.

Annotation :

Des années que je voulais le lire et qu'il trônait dans ma PAL, me le gardant en réserve pour plus tard, persuadé d'avoir là un met de gourmet et de gourmand, candidat au Top 10.

[Trad. J. Michelet * qui m’a parue vieillotte voire bizarroïde avec des expressions et mots exogènes alors que, allant vérifier dans le texte original, elles sont normales. Et une foule de coquilles. À mi-parcours j'ai fortement hésité à changer avec la plus vieille de Singer.]

Or pensant le dévorer cet été j’ai eu un mal fou à le lire… il m'aura fallu plusieurs mois, d'autres lectures, pour en venir à bout. Une première longue moitié qui papillonne sans jamais se poser ou alors trop longtemps autour de personnages falots, de minces spectres à peine nommés que nous ne verrons plus... Disons que Wolfe n'est ni Maupassant ni Steinbeck pour croquer ainsi en deux coups de phrases des personnages mémorables pour peupler sa petite ville du Sud des U.S.A. Les Gant n'en finissent pas d'être excentriques et décadents. Dommage car cette anatomie d'une ville - dissection scrupuleuse d'un faubourg comme une vue à vol d'oiseau d'une ville flottante, avait de quoi faire rêver. Cela se fera plus fluide lorsque Wolfe s’attachera plus de quelques lignes à un personnage et surtout à Ben puis Eugène, cet adolescent éternel.
Il m’a surtout quasi-systématiquement perdu dans ses dialogues. Heurtés, laconiques, troués et hachés de petites phrases et d'expressions voire d'onomatopées sibyllines où l'étrangeté de la trad. se faisait d'autant plus sentir. Qui parle ? Lui, il… à qui ? Certains locuteurs apparaissent, disparaissent, l’action change de lieu.
Ce n'était même pas si lyrique comme peuvent le reprocher certains lecteurs. En fait l'éditeur a coupé plusieurs centaines de pages du manuscrit, privilégiant la description aux envolées baroques.

Bon, c’est un peu prendre par la queue que d’évoquer Penn Warren, Faulkner, etc. Fitzgerald du haut de sa tour d’ivoire au style lissé, critiquera le style de Thomas. Harold Bloom lui parlait de l’auteur comme d’un éternel adolescent et il y a un peu de ça. Faulkner dira : "[...] this was the most splendid failure. He had tried hardest to take all the experience that he was capable of observing and imagining and put it down in one book, on the head of a pin."*

* son article sur l'autobiographie "forcée" par son éditeur M. Perkins, le même que Fitzerald ou Hemingway, est pourtant très intéressant !*

Connexions
6.4

Connexions (2017)

Nexus

Sortie : 16 mars 2023 (France). Roman, Science-fiction

livre de Michael F. Flynn

Nushku a mis 5/10.

Annotation :

Sans surprise je suis peu friand de ce genre de récit ultra-référencé, de tout ce lampshade hanging truffé ras la moelle de clins d'œil qui font toujours les délices de certains lecteurs. (je pense à Tchaikovsky) et finissent je trouve par succomber au manque de subtilité.

Typiquement le nom courant pour un alien, que l'on relève mais adjoint à un détail qui lui fait bien étranger, le « [...] qu’avant de se moucher le nez. Si elle avait un nez. » J'ai l'impression d'avoir déjà lu et entendu ça cent fois et pourtant je ne suis pas lecteur de Douglas Adams ?

Un peu comme Dan Simmons l'avait fait avec le(s) genre(s) et ici dans une ambition moindre et une approche plus pulp, Connexions picore aux râteliers : un reptilien, une télépathe, un alien, un voyageur temporel, un robot ; tout du long j'ai attendu l'homme invisible et surtout le voyageur interdimensionnel qui serait venu multiplier ces connexions à l'infini.

« "Ah ! quelle poisse", disent les balayeurs en nettoyant le béton du sang et des bribes de cervelle. Nous nous émerveillons parce que nos superstitions exigent une signification. Cet homme a été tué par un marteau, nom de Dieu ! Ça signifie forcément quelque chose. Et c’est ainsi que ce pauvre Destin fait office de bouc émissaire. Quand on se retrouve empêtré dans les fils, on a tendance à blâmer le Tisserand. »

« Vers l’avant filaient les vaisseaux dans leur fuite
Mais vers l’arrière toujours ils glissaient. »

L'Examen
8

L'Examen (1954)

The Test

Sortie : 21 novembre 2019 (France). Science-fiction, Nouvelle

livre de Richard Matheson

Nushku a mis 6/10.

Annotation :

Il faudrait qu'un jour je lise l'intégrale en deux volumes des nouvelles de Matheson. Gamin "Journal d'un monstre" et surtout "Escamotage" m'avaient fortement marqué. Régulièrement j'ai repensé à la dernière (même si pour un temps long j'avais oublié le nom de son auteur)
Notule évidente à ne pas écrire : épisode de Black Mirror. Mais oui tiens ! après Master of SF, King et Dick, il faudrait une série anthologique d’adaptations de Matheson, quitte à reprendre des épisodes qu’il a écrits pour d’anciennes séries.

« Tout à coup, il regretta de ne pas avoir signé la Demande de décharge des années auparavant. Ils avaient désespérément besoin d’être débarrassés de Tom ; pour le bien de leurs enfants et le leur. Mais comment exprimer verbalement ce besoin sans avoir l’impression d’être un assassin ? Il était impossible de dire : J’espère que le vieux va échouer, j’espère qu’on va le tuer. Et pourtant, tout ce qu’on pouvait dire d’autre n’était qu’un hypocrite succédané car c’était exactement ce qu’on pensait. »

Zodiaques

Zodiaques (2023)

Constellations d'Orient

Sortie : 3 novembre 2023. Essai, Histoire, Peinture & sculpture

livre de Khalid Chakor Alami

Nushku a mis 5/10.

Annotation :

L’Œil curieux c'est une petite collection de la BnF qui met en valeur les manuscrits numérisés sur Gallica. Jolis petits opuscules tout minces, deux-trois pages de textes, pas de bibliographie et des images à peine légendées. Ils rendent bien sur les étals, j'ai toujours envie de tous les acheter... avant de me souvenir de l'infâme rapport qualité-prix.
C'est joli, franchement accessoire et même carrément frustrant tant chaque thème mériterait un vrai livre accompagnant une exposition, in situ et en ligne, avec légendes détaillées, explications fines, parcours chronologiques, etc.


« Présent dans plusieurs traditions dès l’Antiquité gréco-latine, le zodiaque connaît une fortune particulière dans le monde arabo-musulman à partir du IXe siècle. En terre d'Islam, l'astronome, al-falakî, et l'astrologue, al-munajjim, sont rarement dissociés. L'un et l'autre ont le double rôle d'observer le ciel et de prédire l'avenir aux princes et mécènes. Cette double approche a conduit à l'évolution conjointe de trois conceptions qui se sont démarquées les unes des autres au fil du temps : celle de l’astronome qui scrute les constellations, celle de l'astrologue qui les interprète pour pré-dire l'avenir, et, enfin, celle du sorcier qui espère conjurer le sort. »

« Le zodiaque arabo-musulman est similaire au zodiaque gréco-romain : il se compose de six signes animaux : al-Hamal, pour le Bélier, al-Thawr, pour le Taureau, al-Saratân pour le Cancer, al-Asad pour le Lion, al-’Aqrab pour le Scorpion, al-Hut, ou al-Samakatân, pour les Poissons ; de quatre personnes : al-Jawzâ' pour les Gémeaux, al-sunbula (l'épi de blé) pour la Vierge, al-Mizân pour la Balance, al-Dalw, mais aussi al-Sâqi, pour le Verseau ; et, enfin, de deux hybrides, al-Qaws (l'arc) ou al-Rámî pour le Sagittaire, al-Jady (le chevreau) pour le Capricorne. »

La Peste du léopard vert
6.4

La Peste du léopard vert (2003)

The Green Leopard Plague

Sortie : 21 septembre 2023 (France). Roman, Science-fiction

livre de Walter Jon Williams

Nushku a mis 4/10.

Annotation :

« – Il est mort », dit Michelle.
Torbiong écarta les bras. "C’est une question d’opinion. »

Mouais je renâclais à le lire et j'ai en effet un peu peiné. C'est plus techno-thriller que de la SF à mon goût : il y a un côté Jason Bourne du pauvre ou — j'ose — Dan Brown :si Langdon étale sa symbologie à sa sempiternelle compagne féminine, Terzian lui déroule de la théorie politique et économique : avec cette touristico-course-poursuite à travers l'Europe de cartes postales... écriture grasse et dès qu'il y a des dialogues cela devient confus, ne sachant plus trop qui parle.
Pareillement, pas du tout aimé le récit-cadre, les sirènes, les transformations manimales, l'ambiance Île du Docteur Moreau ça n'a jamais été ma came et ça me rebute toujours plus ou moins.


« – En France ? hasarda-t-il, et tous deux rirent. En France, ‘intellectuel’ est une profession. Il n’est pas nécessaire d’avoir un diplôme, c’est juste une activité. »

« La sirène téléchargea les résultats dans ses araignées fureteuses spécialisées et les lâcha dans le monde électronique.
Là, et nulle part ailleurs, subsistait une quantité titanesque de données banales issues du passé. Les gens y avaient sauvegardé images, journaux intimes, commentaires et vidéos ; ils avaient numérisé d’antiques films familiaux, avec couleurs criardes et délavées de rigueur étant donné leurs supports ; ils avaient archivé des arbres généalogiques, des cartes postales, des listes de mariage, des dessins, des tracts et des copies de lettres intimes. Et de longues, de chiantes heures de vidéosurveillance. Si un truc quelconque avait signifié quelque chose pour quelqu’un, on l’avait converti en données et préservé pour le plus grand bien de l’univers. »

La Survivance des Dieux antiques
7.1

La Survivance des Dieux antiques (1940)

Essai sur le rôle de la tradition mythologique dans l'humanisme et dans l'art de la Renaissance

Sortie : 9 novembre 2012 (France). Essai, Histoire, Peinture & sculpture

livre de Jean Seznec

Nushku a mis 6/10.

Annotation :

"Quod legentibus scriptura, hoc idiotis praestat pictura."

Des années que je voulais le lire. Entamé dans les années 20, publié en anglais en 48, traduit 25 ans plus tard chez nous, ça commence à dater et ça se ressent dans la vision, l'approche. J'avoue n’avoir pas le courage de me lancer dans le service après lecture, dépiauter Jstor, OE, Persée pour lire cette poussière d'articles et de colloques venus depuis affiner, nuancer voire contredire. Même se tenir un peu au courant c'est un sacerdoce. Seznec est sdep pas si souvent cité...

L’absence de traduction des passages en grec, latin et italien m’aura doublement agacé. D’une, confondant sans doute le lecteur lambda avec ses étudiants d’Oxford hellénistes, latinistes et frottés d’Italien alors que Seznec professe la clarté et se gausse du pédantisme des mythographes renaissants. Je ne le trouve pas clair et je ne me crois pas si mauvais lecteur d'HdA. Il suffit de comparer avec Panofsky ou n'importe quel chercheur récent du domaine.
Je pense à Le Goff qui dans son Purgatoire convoque lui aussi un large faisceau tout en parvenant à rester limpide et rigoureux. Seznec vire trop souvent au catalogue de noms, de lieux, concaténation d'époques et d'œuvres (là moins de souci pour me situer mais ça reste désagréable) sans présentation ou remise en contexte, toujours un peu rapide, sans doute snob et donnant un aspect brouillon (d'ailleurs de la data viz serait bien pratique sur ce thème). Il est d'ailleurs clairement plus à l’aise avec les sources littératures que picturales.
De deux, car c’eut été à l’éditeur de traduire ces passages pour un ouvrage qu’il réimprime depuis 1980…*

Autre et véritable point d’agacement, on se en fait rend vite compte que malgré le discours innovant sur le MA, il raisonne en terme de progrès : cette survivance n'est pas vue comme le trajet chaotique de l'histoire dans ses aléas mais bien comme une flèche vers le progrès, le retour de la mythologie prodigue. Seznec, européocentré, juge, regrette et admoneste car il aime ce qui serait la belle mythologie olympienne originelle et occidentale où l’on devine sous-jacente cette idée de pureté originelle (sa Grèce est sans nul doute blanche) et n'aime pas ses dévoiements exotiques, bariolés, "barbares" (sic) et "anti-esthétiques" (sic) c-à-d Égyptiens, Syriens, bref orientaux et qui seraient donc des obstacles à leur véritable retour attendu.

+ Déçu et même agacé par cette lecture je suis rassuré de trouver un écho presque mot à mot

Art et nature à Chaumont-sur-Loire

Art et nature à Chaumont-sur-Loire (2017)

Sortie : 24 mars 2017. Beau livre & artbook, Peinture & sculpture, Écologie

livre de Chantal Colleu-Dumond

Nushku a mis 5/10.

Annotation :

Les photos sont jolies. Ils font tous un peu la même chose : des matériaux bruts, récupérés localement bien entendu, ou de récupération ; des arbres morts, des bouts de bois, des rondins et parfois des tiges métalliques ; tout ça métaphore de ci, métaphore de ça, en harmonie évidemment avec le lieu (même si ça ressemble goutte pour goutte à leurs autres créations réalisées ailleurs dans le monde, comme un mantra). Et je me demande toujours si tout ces machins tiennent en équilibre ou sont truffés de tenons et mortaises (on voit bien Goldsworthy n’utiliser aucun artifice de ce genre...)

{Pas d'accord. Du tout. Je crois au contraire que ce genre d'approche un peu caricaturale artsy opaque ne peut que braquer les réfractaires et les indécis au contraire d’une pédagogie sourcée, informée, illustrée par les chiffres... : « ...mieux considérer la nature qui nous entoure, à respecter le vivant et à protéger notre planète. Il s'agit là d'une "écologie poétique", dont le message subtil est souvent plus efficace que bien des déclarations trop volontaristes ou trop appuyées. »}

*

« La nature est pour [Antti Laitinen] un point de départ, le début d'un récit, un défi à relever, en gardant à l'esprit que le combat est vain,perdu d'avance. Il partage la vision de Giuseppe Penone, pour qui "l'œuvre du sculpteur, c'est de révéler l'image latente dans la nature. Il sait voir et n'impose rien". »

« La présence des arbres, des étendues enherbées, les jeux de la lumière, la diversité des sols, le vent ou la brise, les parfums en suspens... contribuent à enrichir le lien avec les installations. Ce rapport singulier avec l'art et le paysage agit sur la perception d'ensemble, par la paix que la marche apporte au visiteur et l'harmonie, voulue, qu'il va percevoir, enrichissant, par là même, la diversité de ses sensations et sa contemplation.

Le paysage est ici tel que le désigne Richard Serra : il est vécu en tant qu'expérience "de l'espace, du lieu, du temps et du mouvement". Gilles Tiberghien écrit pour sa part: "L'approche artistique est très importante dans la manière de percevoir le monde à partir des voies qui le traversent dans la mesure où elle met l'accent sur la dimension de l'expérience sensible et affective de la marche". »

L'Art de Assassin's Creed Mirage

L'Art de Assassin's Creed Mirage (2024)

The Art of Assassin's Creed Mirage

Sortie : 27 juin 2024 (France). Beau livre & artbook, Jeu vidéo

livre de Rick Barba

Nushku a mis 5/10.

Annotation :

Je disais plus bas que les livres d'Ubisoft avaient pour eux le mérite d'identifier systématiquement leurs artistes et bah là... même plus. Je ne sais pas si c'est dû au changement d'éditeur ou de studio (car l'original en anglais reste chez Dark Horse). Ici ce sera le plus souvent un vague "l'équipe artistique" tandis que J.L. Sala lui est cité à toutes les sauces et pages. Beaulieu disparaît après l’introduction. Ce qui donne la désagréable impression qu'il invisibilise le travail de son équipe pour se mettre en valeur alors que ce n'est sans doute pas du tout sa faute et un choix du directeur de publication. Écrit comme un mauvais article de presse.

Sinon même constat que pour Odyssey et les autres : vitrine d'un jeu fini et peaufiné qui reste à la surface comme ces fameux magasins de Corée du Nord, quelques lignes sur les souvenirs d'enfance « regardez comme notre jeu est personnel ! » Avec encore plus de screenshots nus du jeu. Surtout qu’au fil du temps les concepts, intégrants ossature 3D, enveloppe photobashed, deviennent de plus en plus fignolées et la distinction plus délicate à faire. Loin est le temps des illustrations qui ressemblaient à des roughs à brush apparente.
Nous n'aurons pas grand chose de l'arrière-boutique. Comme Odyssey, on-t-il hésité avec Ispahan et la Perse, le Levant, etc. ? Allez il y a malgré tout 2-3 éléments abandonnés : les puits pour se cacher, l'observatoire en escalier et des early concept : 1ère image de Basim, le quartier militaire plus sombre que le reste de la ville, les pièces, l'escalier ADN des Anciens...

Il n’y a pas de planche de textures comme il y avait pu en avoir pour Odyssey. Pourtant avec les carreaux de faïence et les briques colorées il y avait de quoi avoir quelques belles pages. (on les trouvera sur ArtStation)

P. S. : [Contrairement au volume, tous les artistes, jusqu’aux textureurs et éclaireurs !] :
https://magazine.artstation.com/2023/10/ubisoft-assassins-creed-mirage-art-blast/ +

https://www.artstation.com/channels/tag/TheArtofAssassinsCreedMirage

Je découvre entre autre : William Koh :
https://www.artstation.com/artwork/JvQlWd et Édouard Noisette : https://www.artstation.com/artwork/RyJOgX

N.B. Pas d’artbook pour The Lost Crown ? J’aimerais bien voir les concepts inspirés de la Perse antique…

La Bande dessinée au musée

La Bande dessinée au musée (2024)

Exposition présentée au Centre Pompidou du 29 mai au 4 novembre 2024

Sortie : 29 mai 2024. Beau livre & artbook, Peinture & sculpture

livre de Anne Lemonnier

Nushku a mis 5/10.

Annotation :

//Accrochage au sein des collections permanentes, en parallèle de la grosse exposition au dernier étage et de celle de Corto à la BPI.//

Ah. Zut. Je pensais que c'étaient les auteurs de BD qui allaient nous parler de leurs peintres avec passion, sincérité, légèreté. En fait non il faut subir une paraphrase de tableaux modernes pour grappiller quelques étincelles de la friction qui reste avec de très rares des bouts de vrais auteurs dedans puisque Lemonnier est bien allée longuement parler avec eux. Comme pour Herbelin, Berrada ci-dessous, notez que je retiens leurs propos... Pourquoi ne pas juste nous donner les transcriptions des entretiens sûrement plus intéressants ? Peu d’informations également sur le dispositif proposé par cet accrochage dans les collections permanentes : qui a choisit les artistes mis en regard. Baudouin aurait relu Artaud pour ce projet : pourquoi ? nous n’en saurons rien.

Il y a des gens que je ne connaissais pas, des évidences comme Bacon-Mattotti quoi que je m'attendais à des fauves, au Blaue Reiter ?

*

« À ce tournant de l'histoire de l'art, l'avènement de la contre-culture gagne les différents domaines de la création, qui entrent en ébullition pour parvenir au plus complet renversement des valeurs. La formation de ce précipité en appelle à tous les médiums, annulant les frontières et les hiérarchies : la peinture, l'architecture, le design mettent en œuvre les mêmes espoirs, les mêmes provocations, les mêmes rêves que la mode, la musique et la bande dessinée.

Langage de la rébellion à l'égal des autres arts — voire un des moyens d'expression culminants de la contre-culture —, la bande dessinée entre en jeu désormais dans le champ artistique comme un médium en soi, et non plus comme un ersatz de la littérature ou du dessin, une hybridation entre l'écriture scénaristique et l'illustration. C'est d'ailleurs en 1964 qu'est adoptée l'expression de "neuvième art", jalon notable dans le mouvement de reconnaissance et de légitimation qui s'engage.

De 1905 aux années 1960, les chemins des arts plastiques et de la bande dessinée ne se sont guère rejoints. C'est pourtant un jeu de parcours croisé que tente le présent accrochage. »

Nathanaëlle Herbelin

Nathanaëlle Herbelin (2023)

Sortie : 3 mars 2023. Beau livre & artbook, Peinture & sculpture

livre de Henry-Claude Cousseau, Anaël Pigeat, Emanuele Coccia, Guslagie Malanda et Nathanaëlle Herbelin

Nushku a mis 6/10.

Annotation :

Que vient faire Coccia ici ? Je l’aurais d’avantahe vu chez Berrada et ses morphogenèses…

Herbelin appartient à cette "jeune" génération de peintres figuratifs qui ont le vent en poupe depuis une demi-décennie. Elle était présente dans les expositions récentes consacrées à cette mouvance (cf. plus bas et liste 2023) et est la deuxième artiste à bénéficier du nouveau programme d'Orsay.

Vie quotidienne, portraits silencieux, portables qui rechargent, pièces vides, chats, solitude : ses personnages esseulés semblent vivre dans leurs lits et à la table de leur petite cuisine dans un confinement perpétuel. Solitude pas dénuée de tendresse, de contact humain malgré l’apparente froideur de ses couleurs, de sa touche spectrale et crayeuse. La réf. sera évidente mais c'est une sorte de Hopper actualisé. La muséographie qui l'exposait à Orsay dans le salles Nabis, Vuillard, Bonnard et Vallotton était parfaitement pertinente ! Jusqu’à ne pas être si facile de voir qui était qui.

Sur un peintre du XIVe, on parlera de son atelier et de tel ange peint sur le tableau de son maître, pour un artiste du XVIIe de ses commanditaires royaux ou religieux, du XIXe, de sa carrière au Salon et des écoles. Ici, ne parlant pas de ses professeurs aux Beaux-Arts (Eitel, Cognée), de ses proches d’expositions et de leurs contextes, si peu des influences et de l’évolution de la technique (détrempe) mais of courses des textes poétisant et verbeux.


« On est en présence de l'intimité d'un geste, d'un lieu qui s'ouvre, d'un œil qui darde son éclat, d'une main qui suspend son cours, d'un corps qui s'expose, de la sensualité qu'il propage -juste avant qu'ils ne se dissolvent et ne disparaissent. C'est une étreinte sous les draps, un baiser dans la lumière, une silhouette dans le crépuscule, un visage fantomatique dans le contre-jour, un regard défait de tristesse.. un lointain gommé par la chaleur du désert ou l'intrusion du soleil dans le silence de la chambre. »

Hicham Berrada

Hicham Berrada (2018)

Sortie : 12 avril 2018. Beau livre & artbook, Peinture & sculpture

livre de Aude Wyart et Eric De Chassey

Nushku a mis 6/10.

Annotation :

En une simple phrase, Berrada résume pourquoi j’aime son travail mais aussi certains romans de SF, les immersive sim, certains peintres, les triptyques, la poésie : « Chacune de mes pièces peut être pensée comme un petit monde clos régi par ses propres règles. »

Berrada propose souvent une réflexion sur le temps, l’accélérant pour nous laisser le voir ou au contraire lui laissant la marge pour se déployer sur des millions d’années. Proposant sur la forme des ruines à venir, pour reprendre le terme d’Arabofuturs, de l’archéofiction.

Ce n'est pas un courant, encore moins un mouvement mais il y a une frange d'artistes que l'on pourrait appeler artistes-chimistes, artistes-bricoleurs. Berrada est souvent qualité de laborantin. Leurs œuvres évoquent les décors des savants fous dans les films, les machines de Rube Goldberg, des décors de jeux cyberpunk. J'associe à Berrada Ugo Schiavi et Nicolas Darrot. à l’Herberius de Chevalier.

Slimani disait à propos de Berrada dans L’OdFlN : « Tout est inversé, sens dessus dessous, l’artiste là encore se fait démiurge, apprenti sorcier, illusionniste. Je pense à ce que Tchekhov dit des grands écrivains. Ce sont ceux qui font surgir la neige en plein été et qui décrivent si bien les flocons que vous vous sentez saisi par le froid et que vous frissonnez. »

Mélanger l'art et la science, grande histoire d'amour s'il l'en est ! l'un ensemençant l'autre, pas toujours pour le meilleur (artistes influencés par les pseudosciences, confondant physique quantique et néo-new age). Deleuze disait : « Ce qui m’intéresse, ce sont les rapports entre les arts, la science et la philosophie. Il n’y a aucun privilège d’une de ces disciplines sur une autre. Chacune d’entre elles est créatrice. Le véritable objet de la science, c’est de créer des fonctions, le véritable objet de l’art, c’est de créer des agrégats sensibles. »

Il y a chez eux avec tous ces processus une part importante de "bricolage", d’affiquet, de ludisme — tubes qui pendent, fils suspendus, led qui clignotent, interrupteurs — face à ces choses nous ne sommes pas passifs : cela bouge (sans nous déposséder totalement, passif comme devant une vidéo) : on tourne autour, on a envie de débrancher, de tripoter, de bricoler.

Sale Gosse
7

Sale Gosse

Bad Little Kid

Sortie : 14 mars 2014 (France). Recueil de nouvelles

livre de Stephen King / Richard Bachman

Nushku a mis 5/10.

Annotation :

Je ne sais pas pour vous mais j'associe King à l'été, la chaleur, le sud. Sans doute était-ce de toujours voir les gens le lire au bord de la plage ou de la piscine dans ces vieilles éditions J’ai Lu noires avec les couvertures très suggestives de Matthieu Blanchin. J'ai d'ailleurs failli lire Ça cet été mais entre l’ancien téléfilm de 1990 et la récente adaptation, je connais déjà l’histoire... Ce sera pour la ne autre fois.

Mais d’ailleurs ce Sale Gosse ne fait-il pas penser au monstre de Ça ?

*

« Ou bien (ça c’était une pensée malsaine, mais qu’y a-t-il de surprenant à avoir des pensées malsaines quand on écoute les histoires à dormir debout d’un assassin d’enfant ?) peut-être que c’est toi qui avais la boîte, George ? Peut-être qu’après la lui avoir piquée, c’est toi qui l’as jetée sur la route pour l’embêter ? »

« Mais même l’idée la plus folle peut s’insinuer dans votre esprit si vous êtes seul et rongé par le chagrin et que quelqu’un n’arrête pas de retourner le couteau dans la plaie. Elle peut se tortiller comme un ver de vase là-dedans et y pondre ses œufs. Et bientôt, c’est tout votre cerveau qui grouille. »

Royaume de vent et de colères
7.4

Royaume de vent et de colères (2015)

Sortie : 5 mars 2015. Roman

livre de Jean-Laurent Del Socorro

Nushku a mis 5/10.

Annotation :

Socorro ne serait-il pas en quelque sorte un anti-Jaworski ?

Ce que je recherche dans la fantasy (et pas vraiment dans la SF), c'est l'immersion dans un monde avec force descriptions, larges tranches de vie entre les batailles (qui m'ennuient) — d’où à mon sens l'importance du quotidien qui patine dans l'Assassin Royal ou de la minutie topologique du voyage de Frodon : prendre le temps du temps long de la narration.

Roman court avec des chapitres encore plus courts... comme une succession de vignettes, plutôt comme une série de coups de couteau dans la trame du récit qui se délite. Malgré la chouette structure à la Tandis que j’agonise, ces micro-chapitres et leurs petites phrases finales me fatiguent plus que de longs paragraphes descriptifs. Le style est sobre, fluide, similaire à certains auteurs de blanche qui se vendent bien : simple souvent jusqu'à frôler le simplisme. La frontière est fine, c'est alors, peut-être par peur de la lourdeur, la tentation de la fadeur.
Idem pour le roman historique : Socorro refuse tout le bric-à-brac folkloristes, le caprice pittoresque et si c’est tout à son honneur (même si pour ma part j’aime les vieux mots et les digressions encyclopédiques) cela rajoute au manque de relief. Dans l’ITW finale il parle de Marseille comme d’un personnage. C’est à mon sens totalement raté.

Si dans sa préface Bellagamba parle de notre attachement irrépressible à venir des personnages, je dois avouer que ça n'a pas fait mouche sur ma personne mais davantage chou blanc. Des anti-héros mais qui sont de ces faux anti-héros, ceux aux défauts qui sont autant de qualités, ceux pour lesquels oui on aura forcément de la sympathie tant ils sont forts, grands voire grandioses dans leurs tracas, faisant trempette dans un pédiluve de mal. Tous des clichés — l’assassin perché avec sa pomme… le vieux chevalier rouillé… l’assassine forcément très très cynique avec des sentences cyniques définitives sur la mort (combien de campagnes de JDR ont un tel perso ?). Et à côté de la mièvrerie, de la sensiblerie avec ces gens qui s’aiment pour un rien. C'est qu'ils font tous très XXIe siècle et jamais XVIe siècle.

C’était pas désagréable à lire mais c’était trop lisse, plat ; balancé entre un certain charme léger et l’agacement.

« J’aime beaucoup cette idée de compléter un roman avec des nouvelles. Cela permet d’autres points de vue, un complément d’informations ou une thématique qui est abordée à travers un texte court.»

À la dure
7.1

À la dure (2014)

Under the Weather

Sortie : 5 mars 2014 (France). Nouvelle

livre de Stephen King / Richard Bachman

Nushku a mis 5/10.

Annotation :

King a-t-il écrit cette nouvelle en regardant Mad Men ? 2011 ? Je suis étonné qu’il n’ait pas eu l’idée dès les années 70 tant elle paraît simple et évidente ?! Ou bien relecture, souvenirs d’Une Rose pour Emily ? L'approche est bizarre : on devine très tôt de quoi il s'agit, était-ce voulu ? Auquel cas, un angle légèrement différent aurait rendu la chose plus intéressante.

*

« Billy a un sourire en coin. "Comment je saurais ?" J'arrive à sourire aussi. C'est atroce ce que c'est lourd, comme si j'avais le coin des lèvres lesté. Tout à coup, c'est comme si j'étais de retour dans mon rêve. Parce qu'il y a quelque chose à côté de moi que je ne veux pas regarder. Sauf que là, je ne suis pas dans un rêve lucide dont je peux m'échapper. Là, je suis lucide et c'est la réalité. »

Vivaldi

Vivaldi (1955)

Vie, mort et résurrection

Sortie : 1955 (France). Biographie, Musique

livre de Claude Baignères

Nushku a mis 7/10.

Annotation :

Style allègre, primesautier.

« C'est à son ingratitude sans doute que Venise doit sa gloire musicale. » 

« En 1700, Venise n'eût prêté qu'une oreille polie à Beethoven. Il lui fallait des musiciens au caractère moins vigoureusement trempé, mais légers, ironiques, raffinés, subtils, amoureux d'un certain faste assoupli par une élégante nonchalance, ou d'un certain laisser-aller tempéré par une pudeur aristocratique. Vivaldi avait pour mission de prolonger, d'approfondir, d'embellir les rêves, les soupirs, les éclats de rire de ses frivoles concitoyens.

S'il connaît au XXe siècle une brusque résurrection après deux cents ans d'oubli, c'est que tout en s'imposant comme l'exacte incarnation d'idéal esthétique de son temps, il a enrichi le capital technique de son art. S'il a le mieux compris, assimilé et exprimé la grâce de la cité des doges, il a, par surcroît, doté d'armes nouvelles l'arsenal de ses successeurs.

Il a ainsi rendu son compte doublement créditeur à la banque de l'immortalité.Il ne faut évidemment pas en déduire que sans Vivaldi la musique se serait définitivement sclérosée ; il convient de se garder, en général, d'une séduisante tentation qui pousserait à chercher en Italie ou en Allemagne l'origine de tous les monarques du royaume des sons. Vivaldi fut un prince charmant au milieu de cent autres dynasties. »

« Monteverdi, Frescobaldi : voici les deux racines de la musique européenne. Tous deux ont fouillé profondément une terre timidement effleurée par leurs devanciers. Après eux, les musiciens posséderont une langue plus riche, une syntaxe plus souple : toutes les nuances de la pensée vont pouvoir s'exprimer. Il avait fallu seize siècles au monde pour forger leur génie ; en quelques années l'art musical connaîtra un épanouissement dont nul n'aurait pu soupçonner l'ampleur. »

Rainbow paintings

Rainbow paintings (2022)

Fabienne Verdier

Sortie : 2 décembre 2022 (France). Essai, Peinture & sculpture

livre de Corinna Thierolf

Nushku a mis 6/10.

Annotation :

J'aime bien la peinture de Verdier. C’est un prolongement de Rothko et d’Anna-Eva Bergman. Comme pour eux ou Soulages il n'y a qu'à se poser devant, regarder, observer, laisser filer le temps et vagabonder l’esprit sans culpabilité. C’est aussi bien sûr qu’il y a des airs cosmologiques dans sa peinture, tout particulièrement ces Rainbow paintings, sans néanmoins tomber dans le kitsch du space art.

Les rapports qui sautent aux yeux avec l'art et la pensée chinoises — où elle a vécu, avec l'image du monde (Imago Mundi), les accointances rapprochées avec la peinture flamande qui fascinent la peintresse, d'où cette exposition dans un musée qui conserve l'un de ses fleurons, peuvent enrichir l’approche du spectateur, mais ne sont pas nécessaires. Texte court de Corinna Thierolf, qui reprend à grandes enjambées ces liens : l'image du monde aristotélicien au Moyen Âge, le jeu scénographique avec la présentation découpée, saucissonnée, du retable.


🔗
https://fabienneverdier.com/db/painting/rainbow-paintings/

*

« La pièce tout entière est une invitation à séjourner. Chaque tableau suggérant l'effacement des limites tout en amenant l'esprit jusqu'aux lointains les plus reculés. Cette polarisation entre l'ici-bas et l'au-delà,entre la vie et la mort, est mise en scène, dans les espaces ecclésiaux,de façon si spectaculaire que le visiteur la ressent physiquement. Respectueux nolens volens de la solennité du lieu, il marche dans l'axe central de la nef, escorté vers l'autel par une double rangée de représentations de saints. Pour le profane, ce point final de la visite de l'église est aussi le point de convergence de tous les événements de l'existence, et la présence de la croix incarne la finalité de la vie terrestre — thème que Grünewald a traité de façon particulièrement saisissante dans son Retable qui comporte en son centre cette Crucifixion plus grande que nature

Les Rainbow Paintings de Fabienne Verdier sont issus des représentations de l'au-delà, qui suggèrent à la fois de grandes continuités et en même temps de perpétuelles transformations. Pour préciser davantage sa position, je tenterai de comparer les Rainbow Paintings avec une œuvre qui date du XIVe siècle, et une œuvre qui nous est contemporaine. »

Échopraxie
6.5

Échopraxie (2012)

Echopraxia

Sortie : 11 juin 2015 (France). Roman

livre de Peter Watts

Nushku a mis 6/10.

Annotation :

[Le Colonel dans A-ddG sert de préquelle en donnant un background à l’un des personnages. Le Dieu de 21-secondes donne encore quelques éléments mais redondante.]
[En attendant Omniscience après d’autres textes sur l’Eriophora ?]

Vision aveugle avait cette beauté insolite et singulière d'un diamant noir aux reflets de ténèbres.. Echo’ serait un Zircon éteint.

Watts le prédisait : ceux ayant aimé VA n'aimeront pas sa fausse suite. Effectivement, on peut facilement y voir une resucée de Vision A. En moins bien car l’équipage est moins bariolé et vivant, les enjeux plus confus. Surtout, si Watts a un petit côté Herbert dans son approche de l’écriture impressionniste, en nous plongeant dans le bain, aimant la densité laconique, lapidaire avec phrases courtes, mots isolés entre deux phrases, sans définition — certains réels d’autres inventés, la technologie lancée comme naturelle, celui d’Échopraxie tient parfois plus du brouillon non-relu que du flux taillé au scalpel. Répétitif : tout couloir sera trachée, tout tient dans une tête d’épingle, hommes-bâtons...
Comme le pointaient les critiques à l’époque, Écho’ est en permanence confus. Confus non pas à cause de possibles aspects scientifiques, de ses thèmes, pas à cause de twists scénaristiques mais dans sa simple compréhension de l’action. On en arrive au stade où il faut un effort pour distinguer ce qui n’est que simple métaphore et ce qui est vrai. [Icare : toujours pas réussi à imaginer ne serait-ce que sa forme générale.]

Le mystère de la simili-proto-molécule peine à saisir tant il est minime et peu développé par rapport à Rorschach, presque accessoire.

Enfin, Écho’ accuse encore ce côté grimdark et à force de forcer le trait me paraît un peu puéril même si Watts a toujours ce côté edgy nihiliste "je ne suis pas cynique juste lucide" à vouloir détourner les symboles chrétiens comme dans un mauvais seinen. D’ailleurs, Watts ou Herbert, leur ambiance évoque à tout eux ce côté edgy de W40K, non ?

"I can't quite see how someone could find Blindsight exciting while at the same time being bored by Echopraxia." perplexise Watts. Sans doute car les enjeux du 1er étaient (faussement) clairs, du moins l'attention finement dirigée avec une montée en puissance alors que dans Echo' ça part direct dans le pyrotechnique pas génial puis dans tous les sens pour patiner au milieu. Ses lecteurs ne sont pas là pour ces effets.

Le Corps des ruines
7.9

Le Corps des ruines (2015)

La forma de las ruinas

Sortie : 17 août 2017 (France). Roman

livre de Juan Gabriel Vásquez

Nushku a mis 8/10.

Annotation :

La comparaison avec Cercas coule de source. Si évidente que l’auteur lui-même évoque le point aveugle dans ses interviews. Risquant de faire obstacle à la réception de ce livre. Du moins la mienne avec mon maigre bagage… Car comme avec Cercas et l'Espagne je ne connais absolument pas assez l'histoire de la Colombie pour savourer et même oserais-je dire comprendre le jeu entre fiction et réalité que Vasquez met ici en œuvre. Bien incapable donc de distinguer ce qui serait véritable consensus historique et théorie du complot.

Style fébrile, lointain, presque détaché malgré les apparences de l'autobiographie. À tout le moins sans la puissance ni la furie du sujet.

« Avec une sorte d’épouvante, je découvrais l’obscure attirance qu’exerçaient sur moi les défunts présents et passés qui pullulent dans cette ville. »

C'est parfois un peu longuet, sans forme apparente. Il y a même un roman dans le roman, d'un coup sans prévenir et qui, répétitif, coupe le rythme et semble décorrélé du reste. Je me demande néanmoins si Vasquez avait ce roman dans le tiroir et a cherché une façon de l’enrober dans un discours plus large ou, si au contraire, c’est un bout de son roman qui a enflé malgré lui. La fin est à ce titre des plus abruptes après ce long pas de côté, tout est vite emballé, comme si il ne tenait pas à tenir sa promesse de l'incipit, fatigué. Mirage cependant : tout y est, et plus.

« Je suppose que ces gens-là existent dans le monde entier : ils interprètent les conspirations de leur pays et les transforment en récits que l’on répète inlassablement, comme les contes pour enfants, et qui se nichent dans des endroits de la mémoire ou l’imagination, ces lieux virtuels où nous faisons du tourisme, revivons nos nostalgies ou tentons de retrouver quelque chose que nous avons perdu. »
 
Le complotisme me fascine, plus qu'il me passionne. Fascination car un peu malsaine, curiosité, sentiment de supériorité mal placé, attirance de l'abîme, peur d'y succomber.

«  Je l’ai souvent vu l’observer à contre-jour dans notre patio, pour tenter d’y découvrir je ne sais trop quoi, et j’avais la même impression que lorsqu’on regarde un musicien déchiffrer une partition. C’est un des souvenirs très nets que j’ai de lui : mon père debout devant une fenêtre à l’heure la plus lumineuse de la journée, essayant de déceler une vérité cachée sur l’image. »

Poésie du Louvre

Poésie du Louvre (2024)

100 poètes d’aujourd’hui

Sortie : 7 mars 2024. Poésie, Peinture & sculpture

livre de Arthur Teboul, Rachael Allen, Tahar Ben Jelloun, Jon Fosse, Abdellatif Laâbi, Simon Johannin, Pauline Delabroy-Allard et Abd al Malik

Nushku a mis 4/10.

Annotation :

« J'entre dans le musée comme on entre en soi-même » (Py)

« Toute ma vie s’est passée au Louvre, j’ai l’impression. C’est là que je retrouve ma vie. »

Contrairement à la promesse éditoriale c'est une vision très figée, pour ne pas dire caricaturale et touristique du Louvre : malgré la pluralité [et encore faut-il pouvoir se payer le voyage à Paris, dorénavant le prix du billet] mêmes images, mêmes œuvres sans cesse convoquées — ils adorent par exemple les Sumériens souvent dans un mélange archaïque avec Akkad et Hammurabi. Bien que je comprenne le pouvoir d'attraction (et d'abstraction) et de sidération de ces vieilles statues soit aux grands yeux illuminés soit noires, blocs de lave.

« tout est tournant
tout est
vibratile »

« Rembrandt
oui
encore et toujours » (Zero Bianu)

Poésie de commande. Poésie fade sans musique, sans sonorité, prise blanchie : impossible de deviner par exemple si c'est directement écrit en français ou traduit tant les mots ne chantent pas… Paraphrases directes, ekphrasis molles, transparence absolue des noms, du musée. Nommer désamorce la charge visuelle, annihile le plaisir de trouver ou de deviner un nom de peintre, un titre de tableau comme ça au coin d'un ver, surprise au débotté. Entre ceux qui s’ébaubissent, quelqu’un(e)s critiques, timidement.
Sinon, a contrario, pour les autres, souvent des anglo-saxons ce sont des trucs sibyllins, sans grand rapport avec le sujet mais peu compréhensibles. Ils doivent prendre du sens hors du corpus cohérent de ces poètes.

Je connaissais quelques français, presque aucun des autres.

À quand la suite : 100 poèmes à Orsay, Van Gogh, Impressionnisme à gogo et foin des autres -ismes !

Nimrod, Le Radeau de La Méduse :

« Tu reviens au Louvre, tu reviens à tes belles années, tu y reviens pour écrire un poème. Et tu penses au Radeau de La Méduse...Tu as envers lui une dette. Tu te dis ça depuis des années. Tu espérais cette commande, tu en caressais l'augure.
Géricault a peint le naufrage du peuple qu'on noie depuis la nuit des temps. Tu te dis ça tout bas, mais ton aveu t'envoie par le fond.
Aujourd'hui, te voilà planté devant l'Œuvre. C'est mardi, le Louvre est fermé au public, et tu contemples la toile qui toise hauteur et grandeur.
Que vienne le naufrage... des vagues sont offertes à une frégate digne de méduser les consciences. À sa barre se prélasse un capitaine pour qui l'art de naviguer est une science infuse, lui dont les mains n'ont tenu de gouvernails depuis vingt-cinq ans.
Il esq

Dialogues d'antiquités orientales

Dialogues d'antiquités orientales (2024)

The Met au Louvre

Sortie : 15 mars 2024. Beau livre & artbook, Essai, Histoire

livre de Ariane Thomas et Hélène Le Meaux

Nushku a mis 7/10.

Annotation :

Au Louvre, il y a une très jolie statue d'Ur-Ningirsu, fils de Gudéa, qui n'appartient pas au Louvre. Ou plutôt pas totalement car nous n'avons que le corps tandis que le MET possède la tête. En effet, en 1924, le Louvre fait l’acquisition du corps acéphale d’une statuette provenant de fouilles clandestines à Tello ; la tête décapitée est achetée en 1947 par le MET. Un accord passé entre les deux musées permet de présenter la sculpture dans son intégralité alternativement à Paris puis à New York tous les quatre ans. Suivant cette logique et à l'occasion de travaux du département des AO du MET, ils prêtent au Louvre 10 objets (10 chefs-d'œuvre pour tout passionné du domaine.) de bonne paix, le Louvre avait fait pareil durant les travaux du nouveau département des arts islamiques.

Des objets que donc je connaissais sur le bout du doigt tout en pensant ne jamais les voir, ou avant longtemps.

La scénographie n'en fait pas des tonnes, intègre et dissimule presque ces merveilles dans les collections permanentes. Sans connaître le département il est même facile d'en louper la plupart !

Catalogue fin et souple, peut-être trop léger. Ni assez didactique (on passe du Proto-élamite aux Akkadiens, des Sumériens aux Parthes d’une page l’autre ; une vague carte, une chronologie élémentaire) pour le néophyte curieux ni assez approfondi, bien qu’à jour, pour le curieux connaisseur.

*

« Au fil des découvertes récentes, alors que ces deux lions étaient connus depuis 1948, date à laquelle ils ont été acquis par les deux musées, la cité a été identifiée avec le site archéologique de Tell Mozan en Syrie. Les recherches ont par ailleurs montré que sous le roi Tish-atal, Urkesh était un des grands centres politiques de la région, à une époque correspondant plus ou moins à celle du grand Naram-Sîn d'Akkad, voire légèrement après. Dans la ville d'Urkesh, des sceaux au nom d'une certaine Taram' Agade (« elle aime Akkad »), fille de Naram-Sîn, ont été retrouvés et les études récentes tendent à montrer qu'elle pourrait avoir été l'épouse de Tish-atal.

Les deux clous de fondation ici rassemblés étaient sans doute disposés dans une boîte de fondation placée sous la rampe du grand temple du royaume. Les recherches ont montré que si le texte parle du temple de Nergal (KISH.GAL), dieu des Enfers, ce nom pourrait en réalité avoir été utilisé dans ces inscriptions pour désigner une divinité hourrite, Kumarbi, le grand dieu de l'État d'Urkesh. »

La Maison des feuilles
8.1

La Maison des feuilles (2000)

House of Leaves

Sortie : 29 août 2002 (France). Roman, Fantastique

livre de Mark Z. Danielewski

Nushku a mis 7/10.

Annotation :

J'avoue n'avoir jamais trop eu l'envie de le lire malgré son aura culte qui a enflée depuis sa traduction. Il encombrait ma PAL.

On parle souvent de livres-mondes, de romans polyphoniques mais là on a un livre-jeu. Tout y est, les pages blanches, les changements de typos à tire-larigot, les paragraphes à l'envers, le jeu sur les notes de bas de page. Ah si il manque les pages colorées comme dans les catalogue d'expo et des papiers calques pour se faire chevaucher des phrases, l'un des narrateurs possède pourtant un carnet papier-calque ! ou même le p'tit dessin qui s'anime en bas à droite ! En fait, il ne va pas aussi loin que je le pensais formellement.

Je comprends que cela puisse fasciner, heurter, chambouler et même fasciner. Mais je ne peux m'empêcher de penser que comme pour certains cinéastes, Nolan quoi, il faut y venir vierge. Il y a quelque chose d'attrape-nigaud dans son clinquant qui sonne parfois creux, un chapelet de petites énigmes. Regardez !
(Cette impression comme avec le Horla du livre préféré de ceux qui ne lisent pas vraiment, de la Blanche ou du tout.)

Je m'attendais à plus de... baroque... ce n'est pas le terme... plus de péripéties et d'étrangeté, de cruauté, de violence dans le Labyrinthe. Je sortais d'un livre sur Giono où l'on passe 35 pages sur l'utilisation du mot Chose et 10 pages pleines sur la barbe d'un personnage, les ratiocinations des NdBdP ne me choquent pas et ne me paraissent pas si farfelues… Mode puis saturation du found foutage qui émoussé le procédé du N. Record.

Je ne suis pas non plus, soit dit au passage, un aficionados du post-moderne étasunien plus "classique". En fait, j'ai déjà lu tout ça ailleurs, pas rassemblés en un seul unique livre certes, par Borges (Z. un B. gonflé à une sorte de monstre), Giono qui s'amusait avec la glose médiévale dans Bestiaire, Faulkner (Il voulait que Le Bruit et la Fureur soit coloré, une couleur pour chaque temporalité), Simon, Eco, Perec, etc. pour nourrir leurs récits, leurs propos, pour sortir de la fameuse crise du roman disait-on, mais surtout pour emmener le lecteur et non juste faire démonstration de gros biceps.

[Suite de la notule en commentaires de la liste [ce n'était pas fait exprès ! juste trop longue...]]

Nushku

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