Expériences fortes de lecture

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La description du magasin de l'Antiquaire: une description volontairement longue, épique, d'un fatras apocalyptique de toutes les époques confondues. On s'y trouve vite noyé, happé et l'on a, le temps de la lecture l'impression de remonter les âges et de s'envoler loin au-dessus. Un sentiment du jeune Raphaël de Valentin que nous éprouvons en symbiose avec lui !
S'il est une description de Balzac à retenir, qui vaille la peine d'être lue, c'est bien celle-ci !
Un grand moment !

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Il est temps de vous parler de mon frère, qui n'a jamais été un grand lecteur et qui, s'il l'est un peu plus aujourd'hui, préfère la philosophie et l'ésotérisme à la fiction.
Il est pourtant une oeuvre qui a su l'émouvoir au-delà de tout ce que l'on peut imaginer: Le Prince de Sang-Mêlé.
Car Harry Potter a plu à un grand nombre de lecteurs de tous poils et mon frère, à ma suite, a lu l'intégralité des sept tomes.
Il a pourtant lu celui-ci le premier et c'est là que j'ai vu combien les frontières entre réalité perçue et fiction lue peuvent être perméables: pendant un certain temps, suite à cette lecture, il a été touché par la mort d'Albus Dumbledore comme si nous avions perdu un proche.
J'ai été moi-même très affecté et beaucoup de lecteurs ont été en deuil de ce personnage bien avant qu'on ne le salisse dans le tome suivant.
On peut porter le deuil d'un personnage de fiction comme on le ferait d'une personne réelle et ce livre nous l'a démontré avec brio !

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Grand moment de lecture de la plupart d'entre nous j'imagine, la scène que l'on résume souvent à cette réplique restée célèbre: "On ne voit bien qu'avec le coeur, l'essentiel est invisible pour les yeux".
Certes, on ne saurait résumer Le Petit Prince à cette citation ni au passage d'où il est issu. Mais reconnaissons tout de même que la rencontre entre le Petit Prince et le Renard Argenté est sans doute , dans sa simplicité enfantine même, la plus belle définition de l'amitié, devançant même en cela Les Deux Amis de La Fontaine.
Très belle définition, très juste aussi, qui fait sourire et met les larmes aux yeux.

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Je suis fleur bleue, quoiqu'il s'agisse ici de rose:
la fin cruelle de ce conte génère en tout coeur innocent autant d'indignation que de tristesse.
Il suffit de ces mots - dont on se passera d'évaluer la part de misogynie due à un auteur homosexuel - pour sentir monter des tripes à la gorge, au nez, aux yeux, comme dans une noyade, une vague de pleurs:
"tout le monde sait que les joyaux coûtent beaucoup plus que les fleurs".

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Qu'on excuse aussi en moi l'adolescent qui - comme en chacun homme - sommeille et que l'on prenne en considération mon jeune âge de vieux lycéen duquel date ma première lecture des Chouans.
Cette précaution oratoire prise, tranchons dans le lard: la scène où Madame du Gua démasque et, partant, déshabille Marie de Verneuil devant Alphonse de Montauran et l'ensemble des Chouans a été pour moi un choc tant narratif qu'érotique.
Mes plus plates excuses à la gente féminine.

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Un grand classique mais toujours aussi effrayant: la révolte des mineurs !
Fessée et émasculation, plus si affinité: tout un programme qui attire la part la plus sombre et la plus reptilienne de chacun et chacune d'entre nous.

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Beauté et Frustration !
Beauté, tu as nom Lynd, Vesper Lynd, tu t'exprimes si bien, si beau: "Les êtres sont comme des îles: si proches qu'ils soient, jamais ils ne se touchent". Beauté, tu es si juste et si subtile !
Frustration, je connaissais ton nom et, sans les vieux films des années 60, tu aurais tout perdu dans mon estime: le nom est Bond, James Bond. Comment peux-tu ne pas comprendre, pis encore commenter si prosaïquement: "elle a le vin mauvais"! Un vrai Daniel Craig roteur de pub pour Heineken !
Charme et déception !

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LA scène la plus frustrante de l'Histoire de la Littérature: l'échec stupide de Monsieur B face au joueur d'échec soviétique condescendant !
LA frustration d'un grand grand grand nombre de lecteurs tétanisés devant ce final improbable !

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Tout est dit dans le titre, alors qu'ajouter ?
Eh bien que pour qu'un titre, qu'un mot puisse être tant chargé, il a fallu une histoire d'abord très étrange, puis carnassière et enfin déchirante !
Et c'est en particulier la séparation brutale dans les neiges glaciales qui boucle la boucle qui fait la force de cet "Adieu !" à nul autre pareil !
Le langage d'un être enfermée dans un trauma et dont le vocabulaire se liùite désormais à ce seul mot.

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Des lacs, des vallons, des petits Edens vus depuis la berge du souvenir mélancolique !
Mais surtout, au milieu d'eux, "L'Isolement" qui provoque mieux que tout les pleurs, ne serait-ce que résumé en ces termes: "Un seul être vous manque et tout est dépeuplé" !

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Jamais ô grand jamais un livre n'a provoqué en moi une telle nausée !
Si l'on excepte les accalmies du type Capitaine Sardine et mordillement nasal impulsif, tout est sperme aux fesses, rideaux maculés d' excréments, sodomie sylvestre, viols d'enfants par d'autres enfants et autres joyeusetés de ce genre !
Un goût de foutre et de sperme dans la bouche, d'où le vomissement !

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Horreur du crime puis horreur de l'Homme: le sentiment dérangeant du primaire de l'homme même dans ses aspects les plus civilisées, celui qu'en dépit de ses manières, ses normes, ses rites, l'homme n'est qu'un animal plus fou que les autres ...

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Un sentiment d'humilité face aux générations passées et futures, un sentiment de l'occulte du sens existentiel, qui ferait du bien à beaucoup !
Ajouté à cela un sentiment de profond désespoir !
Que c'est sombre, que c'est noir !

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Fantaisie !
Poésie des fondations de mon être !
La nostalgie et l'onirisme si bien représentés !

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La révélation finale: le tueur inattendu qui dévale la colline d'un air de fou furieux où toute la folie meurtrière s'illustre !
Un moment qui fait froid dans le dos !

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D'aucuns opteront sciemment pour Roger Ackroyd.
Très jeune, je ne l'avais pas lu et j'avais lu La Nuit qui ne finit pas, qui s'achève sans prévenir de la même manière: le narrateur est le tueur et nous l'avons suivi dans "nuit qui ne finit pas".
Belle, effroyable donc sublime représentation de la folie ! (Certainement plus que le classique des classiques Roger Ackroyd)

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Une reverdie à nulle autre pareille, qui ressuscite le printemps même en plein hiver, comme une captation impressionniste défiant le temps qui passe !

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Et quand on parle d'impressionnisme, La Recherche non pas du temps perdu mais du livre intérieur des sensations !
Un remède contre le temps, un mode d'emploi pour capter le souvenir et le re-convoquer: "une heure n'est pas qu'une heure, c'est un vase rempli de parfums, de sons, de projets et de climats."
Ne serait-ce que dans la lecture: "Tel nom lu dans un livre autrefois, contient entre ses syllabes le vent rapide et le soleil brillant qu'il faisait lorsque nous lisions"

Annotation :

Proche de Monsieur B mais Maître Frenhofer - dont je reprends le nom - n'est pas frustrant: ce sont les autres, trop concrets, trop bornés, trop encorsetés dans le prêt à penser, ni nouveau ni ancien, juste à la mode.
Cette scène, d'une grande frustration, où le Maître livre joyeux sa Belle Noiseuse enfin achevée et la réaction de Prnus et Poussin: "Vous voyez quelque chose ?" / "rien."
Puis le grand brasier !