Lectures – 2025
7 livres
créée il y a environ 1 mois · modifiée il y a 1 jourTatouage (1976)
tatuaje
Sortie : avril 2000 (France). Roman
livre de Manuel Vazquez Montalban
Mark McPherson a mis 5/10.
Annotation :
Classique enquête policière réhaussée de quelques exubérances : le déplacement de l’intrigue dans les quartiers hippies d’Amsterdam (propice à une bonne scène de filature), l’appétit insatiable du narrateur, obsédé par la nourriture... L’ensemble reste toutefois conventionnel, à commencer par la caractérisation des personnages (le privé taciturne, la prostituée servant de compagne au héros, le client patibulaire). Montálban ne se démarque toutefois par écriture stylisée, témoignant parfois, dans des enchâssements d’images poétiques complexes, de l’influence baroque d’une certaine littérature sud-américaine.
Meurtre au Comité central (1981)
Asesinato en el Comité Central
Sortie : 1982 (France). Roman
livre de Manuel Vazquez Montalban
Mark McPherson a mis 5/10.
Annotation :
Roman le plus célèbre de son auteur, Meurtre au comité central vaut avant tout pour la galerie de portraits qu’il dresse, véritable condensé des différentes tendances de la politique de gauche espagnole au début des années 1980. Des vieux barbons staliniens aux tenants de l’euro-communisme, Montálban donne un éventail des différents courants du marxisme à l’heure où bloc de l’Est perd en influence sur les politiques européennes. On regrette toutefois que l’auteur n’ait pas articulé l’intégralité de son récit à la question politique. Les impératifs narratifs de l’enquête et le goût du pittoresque madrilène, réhaussé par le chauvinisme de l’enquêteur-narrateur (qui est originaite de Barcelone) finit par diluer la pertinence du propos dans un classique récit policier d’une facture plutôt conventionnelle.
Dans l’œil du démon (1918)
Sortie : octobre 2019 (France). Roman
livre de Junichirō Tanizaki
Mark McPherson a mis 7/10.
Annotation :
Courte novela policière sur le thème du voyeurisme et du désir de fiction. Les trois-quarts du livre, composés exclusivement de longues scènes dialoguées (les échanges entre le narrateur et son meilleur ami) ou beaux sommaires descriptifs (le meurtre central, étalé sur près de 20 pages), sont souvent remarquables. La conclusion, prenant la forme d'un sommaire beaucoup plus ramassé et démultipliant les points de vue par un système de récit enchâssé, s'avère moins convaincante, tant Tanizaki semble pris au piège de la résolution rationnelle de son intrigue, après un récit frisant souvent – et pour le meilleur – le fantastique.
Mon nom est Rouge (1998)
Benim Adım Kırmızı
Sortie : 2001 (France). Roman
livre de Orhan Pamuk
Mark McPherson a mis 8/10.
Annotation :
Faux polar et vrai roman-monde, Mon Nom est Rouge ambitionne de raconter, à travers le prisme d’une enquête sur le meurtre d’un enlumineur au XVIe siècle, une histoire de l’art renaissant et des rapports esthétiques, théologiques et politiques entre Orient et Occident à l’heure de l’humanisme triomphant. Sous la plume lyrique et variée de Pamuk (qui multiplie jusqu’à une quinzaine de narrateurs différents), le roman fait de la question du naturalisme picturale
et de la perspective, importés de Venise dans les ateliers de peintures stambouliotes, les pivots d’une réflexion sur le conflit entre art et religion. Le sujet fait évidemment écho aux inquiétudes du temps et Pamuk ne tardera pas à pâtir, quelques années plus tard, des foudres de la censure d’État, aux mains des séides conservateurs turques et du futur président Erdoğan. Au-delà de la force politique de son plaidoyer sur le métissage culturel et le dégoût du fondamentalisme, le livre vaut comme un échantillon de la littérature post-moderne triomphante des années 80-90 (on pense à Salman Rushdie, Michael Ondaatje, Kazuo Ishiguro ou encore Arundathi Roy), où la carte de la littérature s’est étenduée aux confins de cultures laissées aux marges de la modernité littéraire. En découle un appétit de récits issus de toutes cultures, particulièrement sensible dans la place prépondérante que donne Pamuk aux légendes perses, ottomanes ou arabes, qui servent à la fois de commentaires allégoriques et ironiques sur le sort des personnages, mais aussi d’excursions imaginaires particulièrement envoûtantes.
Les Racines du mal (1995)
Sortie : 21 avril 1995 (France). Roman
livre de Maurice G. Dantec
Mark McPherson a mis 5/10.
Annotation :
Roman de tous les excès, préfigurant un certain usage de l’IA (donner foi aux intuitions de la machine) mais aussi terriblement daté dans sa tonalité millénariste (le côté Nostradamus de Dantec) et ses obsessions pop-philosophiques (Deleuze, les serial killers, les biotechnologies). Ce qui ressort de la lecture des Racines du mal, c’est avant tout le caractère inégal d’une écriture mal maîtrisée, alternant scènes dantesques (ne serait-ce que la découverte de la maison des tueurs, étalée sur 40 pages) et passages dialoguées aux limites du nanar. La caractérisation psychologique de l’enquêteur Darquandier et de Svetlana, son acolyte, frise les limites du tolérable, ce que souligne un usage médiocre du point de vue interne (combien de commentaires inutiles à couper par un éditeur !) et des facilités stylistiques à faire frémir - ainsi de quelques zeugmes affreux, dont : "Je reppussais ma tasse de thé et un deuxième soupir" et ce genre de joyeusetés... Mais en dépit de ses fragilités, force est de constater que Dantec s’en sort brillamment dans la première (et meilleure) partie du roman, exclusivement consacrée à la description méthodique des délires psychotiques d’un tueur en série schizophrène. Sens de l’action et de la durée, usage efficace de la focalisation interne, brouillage entre l’imaginaire et le réel : le roman réussit ici, par des moyens relativement traditionnels, ce qu’il peine à retrouver par la suite, après son changement de narrateur et de dispositif.
La Végétarienne (2007)
Chaesigjuuija
Sortie : 25 mai 2015 (France). Roman
livre de Han Kang
Mark McPherson a mis 6/10.
Annotation :
Dans La Végétarienne, étrange petit roman à l’écriture froide et concentrée, la part importante prise par le rêve, la fantasme et le souvenir tend à déplacer le récit du côté d’une forme de naturalisme violent, où la brutalité du monde social trouve son origine dans un univers pulsionnel sous-jacent. À la différence de Zola ou des surréalistes, Han Kang refuse les registres épiques et lyriques au profit d’une poésie ouatée et discrète, fondée sur l’accumulation de notations objectives et de fines comparaisons difficiles à dénouer. La structure tripartite du récit, tournant autour de la folie ordinaire d’une femme décidée à abandonner tous ses devoirs sociaux, témoigne toutefois d’une certaine irrégularité : les brefs passages donnant à lire les pensées de l’héroïne dans la première partie ("La végétarienne") atténuent le mystère entourant la jeune femme, figure quasi théorique évoquant certains personnages de Robbe-Grillet. La construction sous forme de fragments, dans la deuxième partie ("La tache mongolique") alterne scènes remarquables et passages moins investis. Dans la dernière partie (la plus belle et éprouvante de l’ouvrage), Han Kang semble la plus à l’aise dans un mélange entre ligne claire (l’extension d’une scène jusqu’à un point de rupture) et brouillage des contours, lorsque le monde intérieur vient s’entrelacer avec la réalité objective.
La Maison noire (1997)
Kuroi ie
Sortie : 1 février 2024 (France). Roman
livre de Yūsuke Kishi
Mark McPherson a mis 4/10.
Annotation :
La période à laquelle Yūsuke Kishu a rédigé La Maison noire (1997), ainsi que le milieu qu’il dépeint (une agence d’assurance de Kyoto) laissaient espérer, derrière ce récit d’enquête horrifique, une sorte d’équivalent littéraire à la J-Horror (alors en pleine expansion). Que nenni. Le premier roman de Kishi est un thriller de facture traditionnelle, réhaussé d’un peu de gore (les romans de Thomas Harris sont passés par là dix ans plus tôt) et de profiling, en accord avec la mode du polar des années 1990. En résulte un roman parfaitement conventionnel sur le plan du récit, à partir d’un canevas faussement original : Wakatsuki, assureur de son état, devient enquêteur malgré lui après avoir flairé la piste d’un meurtre en lien avec une arnaque à l’assurance. Kishi (qui fut lui-même assureur) connaît ses classiques, puisqu’il s’agit d’une structure héritée du roman noir américain des années 1950. La modernité du récit passe par sa critique assez directe de l’affaissement moral de la société japonaise, en lien avec la dissolution progressive du tissu social derrière les lois de la libre concurrence. Deux scènes d’angoisse pure ressortent du lot à la fin du roman : la visite de la "maison noire" et la course-poursuite entre Wakatsuki et l’assassin dans l’immeuble des assureurs. Presque exclusivement centrées autour d’une logique d’exploration spatiale (dans quels recoins se cacher ? où avancer sans tomber dans le piège ?), ces scènes signalent en creux les apories du reste du roman : un sens assez flottant du point de vue, une distribution mal maîtrisée des indices et une construction narrative à la fois trop lente et précipitée.