MANN Michael - Critiques & Annotations
6 films
créée il y a presque 5 ans · modifiée il y a 3 moisHeat (1995)
2 h 50 min. Sortie : 21 février 1996 (France). Policier, Drame, Thriller
Film de Michael Mann
SimBoth a mis 10/10.
Annotation :
Michael Mann donne avec "Heat" une amplitude vertigineuse et sonde à jamais l’increvable confrontation du gangster et du flic qui se sentent similaires. D’un côté, un Robert De Niro froid et méthodique, de l’autre un Al Pacino obsédé par son travail et exubérant dans ses sentiments. Un seul face-à-face et une seule confrontation suffisent à ces deux hommes pour s’estimer, comprendre leur blessure et leur solitude, puis respecter leur destinée commune. La voie du destin établit la pluralité de tous les personnages, dont Mann prend le temps de les faire exister et de donner toute la mélancolie propre à son cinéma. Le lyrisme urbain de "Heat" rajoute une atmosphère crépusculaire et une pesanteur sensorielle qui exposent les échecs à venir des protagonistes, les rendant encore plus humains dans leurs actions. Les lumières noctambules de Los Angeles peignent une poésie d’une tension menaçante avant les explosions fulgurantes du jour, comme le gunfight ultraréaliste et chaotique dans les rues de la cité des anges. Tous ces moments d’attente avant de prendre un choix, les regards perdus vers les horizons incertains, les adieux silencieux avec les femmes ou encore ce final aérien et intangible font de ce film un chef-d’œuvre inestimable.
Révélations (1999)
The Insider
2 h 37 min. Sortie : 15 mars 2000 (France). Biopic, Drame, Thriller
Film de Michael Mann
SimBoth a mis 9/10.
Annotation :
"Révélations" est un nouveau tournant dans la carrière du cinéaste, car il radicalise sa mise en scène pour filmer un grandiose film d’investigation. L'enquête journalistique est à propos d'un homme taciturne qui, par l’entremise d’un producteur d’une émission TV, dénonce les terribles vérités néfastes d’une entreprise de tabac ne se souciant pas de la santé publique. Mann capture intimement l’agitation intense de ses personnages, dont l’un voit sa vie menacée et sa famille s’éloigner sous cette pression extraordinaire, tandis que l’autre se bat pour ne pas faire censurer cette interview coup-de-poing, quitte à perdre sa réputation. La vision de l’auteur est clairement engagée, car son récit est construit comme une croisade politique et médiatique sur la vérité. Il interroge sur la manière de révéler une vérité essentielle contre les lobbys industriels, et par quel moyen le faire sans que notre vie privée soit détruite. Mais l'auteur n’en oublie pas d’hypnotiser par son ambiance poétiquement effervescente, de jouer sur une dilatation de l’attente pleine de suspense, et de secouer nos sens par une concentration ombrageuse et évasive qui démontre toute la brisure élégiaque de ce long-métrage sur la destruction d’un individu au profit du bien collectif.
Ali (2001)
2 h 37 min. Sortie : 27 février 2002 (France). Biopic, Drame, Sport
Film de Michael Mann
SimBoth a mis 10/10.
Annotation :
De son premier titre de champion du monde au mythique match contre Georges Foreman à Kinshasa, le réalisateur explore intensément les dix années les plus charnières de la carrière de Mohamed Ali. Dix années faites de tourments, de doutes et de combats que le film n’édulcore jamais, car il montre toute l’ambiguïté de ce grand sportif charismatique. Michael Mann décrypte dix années de complexités et d'enjeux politiques qui font directement miroir au sujet de l’œuvre. Victime de la ségrégation, changement de nom, radicalisation vers la Nation of Islam, conflits avec le gouvernement pour son refus de s'engager au Vietnam, frasques provocantes avec les médias ou querelles conjugales, tout y est. Pour raconter cette histoire, l’auteur organise son montage comme un puzzle morcelé qui capture toute l'atmosphère à la fois déchaînée et tendue des années 1960. L'auteur stimule également nos sens par une densité nerveuse de son récit ainsi que par des instants aux dérives envoûtantes et sensorielles. Tandis que le noble art est filmé d'une façon très réaliste avec une caméra à bord et un montage qui décortiquent scientifiquement les combats. La trajectoire menée par un Will Smith au parfait mimétisme contient toutes les facettes abondantes d’un homme dont les forces et les faiblesses piquent droit au cœur. C'est un pur personnage mannien, à la fois professionnel, exigeant, dur, mais mélancolique et ayant des convictions bien établies. Un des meilleurs biopics de l'histoire du cinéma.
Miami Vice - Deux flics à Miami (2006)
Miami Vice
2 h 14 min. Sortie : 16 août 2006 (France). Action, Policier, Thriller
Film de Michael Mann
SimBoth a mis 10/10.
Annotation :
Adaptant sa propre série, Mann prend à contre-pied celle-ci pour former, avec ce "Miami Vice", une œuvre autant classique que moderne. Classique pour son histoire de deux flics infiltrant un réseau de drogue pour faire tomber le chef d’un cartel important. Moderne pour son esthétique atmosphérique et son récit qui détourne toutes les informations banales du film policier. Le cinéaste joue sur les fausses pistes et alimente un propos dense sur la frontière complexe entre flic et criminel. Il épouse également la mondialisation du crime dans un film aérien, où le temps se suspend pour se concentrer sur les silences et les regards mélancoliques, ainsi que sur le flux et les connexions multiples d'un monde inextinguible. Le regard mutique et attentif de ses deux flics magnétiques cache des sentiments de peur ou d’envie de s’échapper vers un ailleurs. Un simple regard projeté vers l’océan démontre toute la beauté impalpable et romantique du long-métrage, qui jongle entre les nuits élégiaques de Miami avec ses lumières urbaines, et les décrochages évanescents en plein jour sous le soleil aquatique de Cuba. Une œuvre qui me fait frémir par son intensité envoûtante et pour ses deux professionnels dont le bonheur est illusoire et perdu d’avance.
Public Enemies (2009)
2 h 20 min. Sortie : 8 juillet 2009 (France). Biopic, Drame, Historique
Film de Michael Mann
SimBoth a mis 9/10.
Annotation :
"Public Enemies" paraît être un film logique dans la carrière de Michael Mann, car il remonte à l’origine de cette confrontation entre la sphère publique et la sphère privée, où ordre et désordre sont en coalition. Il traite également de l'abolition des frontières dans un monde devenu un réseau tentaculaire, et de l’émergence de systèmes de classifications et de surveillance. Dillinger incarne totalement la figure du héros mannien qui ne peut s’évader vers un ailleurs idéal, se dirigeant inéluctablement vers une chute désespérée. Le cinéaste transcende les codes du film de gangsters des années 1930 pour en faire une œuvre ténébreuse et funèbre, appuyée par une esthétique numérique qui alimente une patte au charme asphaltique et à la minéralité ombrageuse. Le monolithisme des comédiens appuie l’émotion contenue du récit, prenant le pouls d’une époque en pleine mutation : la loyauté du passé cède à une industrialisation intensifiée, les voyous s’embourgeoisent et veulent pénétrer toutes les strates du pouvoir, ou encore la justice répond à un cahier des charges chiffré et à une image publique. La radicalité du film, entre absence d’effet de manche et nervosité laconique, en fait un objet noir et une traversée somnambulique sur des êtres fuyant vers un avenir romantiquement sans espoir.
Hacker (2015)
Blackhat
2 h 13 min. Sortie : 18 mars 2015 (France). Action, Policier, Drame
Film de Michael Mann
SimBoth a mis 9/10.
Annotation :
Avec "Hacker", Mann veut rendre visible une idée théorique de dématérialisation. En effet, il pousse le concept d’un monde contemporain organisé par l’informatique et la virtualité, car maintenant les nouvelles menaces sont invisibles et directement à l’intérieur du système, comme l’illustre toute l’ouverture en numérique : une autoroute labyrinthique de circuits informatiques prête à faire exploser une centrale nucléaire. Le cinéaste filme intensément la traque, avec une volonté de réalisme brut dans ses moments d’hacking, mais aussi dans son action, qui reprend la célérité du thriller urbain hongkongais. Malgré sa volonté d’abstraction, l’auteur garde la beauté de ses échappées romantico-oniriques qui happent les personnages dans le piège d’un monde dont les flux sont plus rapides que jamais. On retrouve la trajectoire (radicalement multi-géographique) d’un professionnel faisant sa propre loi, ici pour lutter contre le terroriste, mais aussi pour promulguer sa propre voix dans un État perdant ses valeurs démocratiques et voulant faire abdiquer l’essence humaine. L'auteur capte la dévitalisation et la disparition totale de l’Homme : ce dernier devient un pixel parmi tant d’autres dans le magma inéchappable du réseau numérique de notre mondialisation et de son mirage contemporain.