J'avais envie de lire un gros livre sérieux sur le 11 septembre, pas une collection de théories conspirationnistes, un truc institutionnel. J'ai donc commandé sur internet ce gros pavé de 500 pages qui se lit tout de même sans trop de mal, même si la masse d'informations défie le fichage. Je vais donc revenir sur le plan de l'ouvrage, sans donner trop de détails. La traduction est bien, mais il y a un certain nombre de coquilles et on sent qu'il y a eu plusieurs traducteurs.


I - "Nous avons plusieurs avions".
Ce chapitre d'introduction revient sur l'attentat lui-même, les quatre vols. Le vol American 11 (Boston-Los Angelès), qui va s'écraser sur la Tour Nord à 8 h 46 ; le vol United 175 (Boston-Los Angelès), qui va s'écraser sur la tour Sud à 9 h 03. Le vol American 77 (Washington-L.A.) qui s'écrase à 9 h 37 sur le Pentagone ; le vol United 93 (Newark-San Francisco), qui devait s'écraser sur la Maison Blanche, mais s'est écrasé grâce à une révolte des passagers. A chaque fois, même M.O. : les pirates, dans les premiers sièges près du cockpit, menace le personnel avec des cutters, font aller les passagers à l'arrière et crée une barrière de gaz avec une bombe lacrymo, puis s'enferment dans le cokpit. La FAA, chargée du trafic aérien, et le NORAD (défense aérospatiale) n'ont rien vu venir, et les contrôles aux aéroports visaient plutôt des bombes que des pirates de l'air kamikazes. Ce premier chapitre haletant m'a particulièrement marqué quand il évoque les messages que quelques passagers ont pu laisser à leurs familles avant que leur avion ne s'écrase.

II - Les fondements du nouveau terrorisme
Ce chapitre revient sur la genèse d'Al-Qaida, qui trouve ses racines dans la guerre d'Afghanistan, qui jètent de nombreux Afghans dans la misère dans l'ouest du Pakistan, où le système éducatif est remplacé par des écoles coraniques. Ben Laden participe, quoique de loin, à ce conflit. S'inspirant de Sayyib Qutb, il s'installe au départ au Soudan, où il veut développer des bombes chimiques et des centres d'entraînement. Financement opaque à travers le patrimoine familial, mais surtout les dons de fidèles. On apprend qu'AQ avait des contacts avec l'Iran. Après une tentative d'assassinat contre Moubarak en 1995, il quitte le Soudan pour l'Afghanistan et s'allie aux talibans du mollah Omar. Une vague d'attentat contre des ambassades assure sa notoriété, via des cassettes de recrutement au djihad.

III - Le contre-terrorisme évolue.
Ce chapitre s'ouvre sur l'attentat contre le WTC du 26 février 1993. Il aborde ensuite l'évolution des grandes agences de renseignement américaines après la chute du mur de Berlin : département de la justice, F.B.I. (problème du "mur", limite au partage d'info entre agences), la FAA, la NSA, la CIA, le département d'Etat et celui de la Défense. C'est très intéressant, car à chaque fois la commission scanne l'organisation de ces agences et leur adéquation ou non au nouveau terrorisme. Manque de spécialistes du monde arabe et retard en informatique : un plan visait à moderniser le F.B.I... à l'horizon 2005.

IV - Les ripostes aux premières attaques d'Al-Qaida.
On se situe sous Clinton. Août 1998, deux ambassades sont attaquées au Kenya et en Tanzanie. La CIA rêve d'enlever Ben Laden, mais le manque de coopération du Pakistan, l'incertitude sur sa localisation, et le faible effet des bombardements au missile Tomahawk apportent peu de résultats. et l'on voit apparaître Georges Tenet, directeur central du renseignement du CTC (centre atiterroriste), et Richard Clarke, coordinateur de l'antiterrorisme au NSC, qui coordonne plusieurs agences. Il en ressort que Clinton était bien conscient de la menace terroriste d'Al-Qaida, qui apparaissait finalement peu dans les médias.

V - Le sol américain dans la ligne de mire d'Al-Qaida.
Retour sur les cerveaux de l'attentat du 11 septembre : Khalid Cheick Mohammed, un Baloutche élevé au Koweït, à l'origine de l'idée de détournement kamikaze. Il pilotera tout depuis l'Europe. Il recrute des gens dès 1998-1999. Hambali coordonne les liens avec la Jamaah Islamiyah, qui se charge des déplacements et de l'entraînement en Afghanistan. Abd-al-Rahim al-Nashiri, vétéran terroriste (attentat contre le "Cole"), qui prépara plutôt d'autres attentats. La suite revient sur l'itinéraire personnel des futurs kamikazes, et c'est assez touffu. Le noyau dur vient d'un groupe d'étudiants à Hambourg, on suit leur vie dans un appart communautaire : Mohammed Hatta, un Egyptien, le leader du groupe) ; divers de la péninsule arabique ; Ziad Jarrah, un Libanais au départ plutôt bon vivant. En 1999, ils veulent aller se battre en Tchétchénie, mais au lieu de cela, AQ leur fournit une formation rapide en Afghanistan. On leur recommande d'éviter de s'afficher comme islamistes, on leur fournit des passeports, on les fait passer aux Etats-Unis, dans diverses régions. En tout l'attentat aura coûté 500 000 $ à financer, ce qui est très peu.

VI - D'une menace à l'autre
Des signes s'accumulent, des conversations téléphoniques suggèrent qu'Al-Qaida prépare quelque chose de gros. A l'été 1999, Ahmed Ressam vient du Canada avec dans son coffre une bombe qu'il prévoit de faire exploser à LAX (aéroport de L. A.), mais par hasard, une douanière le grille : coup de chaud au sommet. Attaque du USS Cole le 12 octobre 2000, volonté de riposter, mais aucune ouverture ne se dégage. Clinton donne le feu vert au premier usage de drones, seulement équipés de caméras. En 2000, Bush junior arrive au pouvoir, mais les problèmes de recomptage des voix vont retarder la nomination des responsables à la tête des agences gouvernementales, et la nouvelle équipe met beaucoup de temps à prendre la menace terroriste au sérieux. Clarke fulmine, et les seules débats restent sur l'usage ou non des nouveaux drones Predator.

VII - La menace prend forme
15 janvier 2000, les premiers terroristes arrivent à Los Angeles et cherchent des cours de pilotage d'avion, et ne s'y montrent pas bien brillants. D'autres s'installent à Venice, Floride et en Arizona. Pendant l'été 2000, AQ recrute les pirates musclés, ceux qui n'ont pas besoin de savoir piloter, et les entraînent. Le ppal critère est l'acceptation du martyre. Atta fait quelques aller-retours avec l'Europe. En août, un candidat recalé qui prend des cours de pilotage mais n'a rien de discret, Moussaoui, est repéré par la police, mais relâché, car les agences susceptibles de faire le lien ne donnent pas suite. C'est une des rares occasions manquées de mettre à jour le complot.

VIII - "Le voyant était au rouge".
Retour sur l'aveuglement de Condoleeza Rice, Donald Rumsfeld et autres. Clarke hurle qu'ils auront sur la conscience la mort de milliers d'Américains. Bien vu.

IX - Héroïsme et horreur
Encore un chapitre poignant, cette fois sur les dysfonctionnement liés à l'organisation des secours dans les deux tours, qui mettent une bonne heure avant de s'effondrer. Un centre de coordination pompier-police en cas de crise grave (OEM) était prévu, mais se trouvait;.. dans le WTC. Les structures métalliques des buildings empêchaient les communications radios et les téléphones intérieurs ne marchait pas. L'utilisation d'une seule fréquence pour tous les pompiers rendait les échanges inaudibles et impossibles. Même engorgement du côté du 911, engorgé et pas préparé. Les gens piégés au-dessus des 90 étages ont cru qu'une évacuation par le toît serait possible, alors que la fumée du crash ôtait toute visibilité. Sur 16-18000 personnes qui se trouvaient dans les tours, environ 2500 sont mortes, parfois pour avoir reçu un contre-ordre leur demandant, après le crash, de remonter à leur poste. Parmi les morts, les pompiers ont payé le plus lourd tribut : 300, pour environ 30 pour le NYPD et les flics de l'autorité portuaire (PAPD). Suivent diverses recommandations, tant au point de vue de la coordination (qui a vraiment manqué) que des consignes propres aux buildings.

X - Etat de guerre
Ce chapitre revient sur les réponses apportées par l'administration : difficulté du président à se poser pour faire une conférence de presse ; arrêt complet du trafic aérien ; réorganisation des services.

XI - Analyse prospective et rétrospective.
On aborde la partie la plus faible de l'ouvrage, celle qui synthétise les préconisations de la commission. D'abord des considérations générales sur le besoin de davantage d'imagination : personne n'imaginait un attentat aérien à base de détournement kamikaze avant le 11 septembre, on en restait à la bombe embarquée.

XII - Que faire ? Une stratégie globale.
La commission prône une harmonisation des normes biométriques, qui doivent être plus précises, et une mise en commun des fichiers informatiques sur les terroristes présumés. On trouve aussi des formules particulièrement naïves. Le développement de la démocratie en Afghanistan est vanté par des formules comme "le président afghan, Ahmid Karzai, est courageux et déterminé" - formule qui fait sourire), ou l'assurance que les Etats-Unis peuvent marginaliser les terroristes en faisant des campagnes d'éducation les montrant comme les gentils, créer des bourses d'échange. En gros, les Etats-Unis veulent résoudre les problèmes comme ils l'ont toujours fait : à coups de dollars et de technologie.

XIII - Comment faire ? Une façon différente d'organiser le gouvernement
Voeux pieux sur le "développement conjoint" des agences en cas de crise. Je tiens à mettre une citation qui m'a fait bondir (p. 480) : "Nous sommes attentifs à ne pas confondre les pbs de gestion gouvernementale avec ceux du secteur privé. Toutefois nous avons remarqué que certaines des sociétés les plus importantes reposent sur un PDG puissant qui dispose d'un contrôle considérable sur la manière dont l'argent est dépensé et peur embaucher ou renvoyer les dirigeants des principaux secteurs..." Au secours !

C'est un chouette bouquin non seulement sur les tenants et aboutissants du 11 septembre 2001, mais sur la manière dont les Etats-Unis se voyaient eux-mêmes en 2005. Touffu, mais ça vaut le détour.
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le 4 mai 2014

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