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13 jours
6.8
13 jours

livre de V.M. Giambanco (2014)

Certaines phrases signalent le best-seller post-2000 aussi sûrement que l’éclair annonce le tonnerre, ou une odeur de graillon la proximité d’un fast-food. « Sur le tableau de bord, l’horloge indiquait 4 h 15 » (p. 13 en « Livre de poche ») est l’une d’elles. Comme quoi, la marquise n’en a jamais fini de sortir à 5 heures.
Bon, référence de gens-de-lettres mise à part, dans 13 jours resplendit une caractéristique commune à la plupart des pavés classés dans la catégorie thriller et on dont on trouve parfois la publicité dans les gares : un genre de réalisme poussé à l’extrême. Qu’un personnage commence sa journée, et on connaît l’heure du réveil, le choix des vêtements, la couleur de la penderie et le menu du petit déjeuner. Ça donne des trucs comme « Elle finit par dénicher trois œufs qui n’avaient pas dépassé la date limite de consommation, les cassa dans une poêle et les remua à l’aide d’une spatule » (chapitre 28, p. 377 de l’édition de poche).
Paradoxalement, dans le cas de 13 jours, on pourra s’étonner de l’extrême chasteté de l’ensemble des personnages. Le récit met en scène une héroïne célibataire, une petite demi-douzaine d’hommes pas encore séniles et sans liaison connue, sans compter un pur psychopathe, et aucun d’eux, à aucune ligne des quelque six cents pages qui constituent le roman, n’est traversé par le moindre début d’esquisse du plus petit embryon de frisson amoureux. Même pas l’évocation d’un manque de ce côté-là. Non, c’est le job avant tout pour tout le monde.
Du coup, on y perd en cohérence esthétique. (Oui, à partir du moment où le lecteur doit savoir précisément avec quoi l’héroïne remue ses œufs, il serait logique qu’on lui propose au moins une scène de douche, avec muscles bien dessinés ou petits seins frémissants – ou bien, à défaut, un passage où un personnage va pisser, avec mention de la couleur de l’abattant et du nombre de couches du papier.) Mais on y gagne en efficacité – mais peut-être l’efficacité est-elle ce qui tient lieu de cohérence esthétique aux thrillers ? Ainsi, l’intervention qui ouvre le récit : une trentaine de pages sans rapport avec la suite. Bref.
Si 13 jours échappe par ailleurs à une autre constante du genre (les maximes de sagesse, réflexions de vieux sage du style la vie, c’est pas toujours si facile qu’on croit), il n’échappe pas à une solution de facilité : un personnage de psychopathe. Un vrai psychopathe de roman, cruel et imprévisible comme il se doit. Tellement artificiel qu’il surgit de nulle part au quart ou au tiers du roman. C’est à partir de là qu’on change de sous-genre (on passe du qui-l’a-fait ? au comment-vont-ils-le retrouver ?) et que le récit perd beaucoup de son intérêt.
Pourtant, lire 13 jours était plutôt agréable, comme on peut trouver agréable, une fois l’an, d’aller dans un bon vieux fast-food bien aseptisé manger un bon vieux hamburger bien gras et bien mou. Ça ne vaut objectivement pas un émincé de ris de veau aux truffes sur son lit de girolles, mais ça n’est pas déplaisant, et tant qu’on le sait…

Alcofribas
4
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le 13 juil. 2017

Critique lue 104 fois

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