Ce texte de Linda Lê sur le choix de non-maternité est un témoignage émouvant (à destination de son enfant immatériel) qui en quelques soixante pages nous entraine dans une réflexion détonante. Quel est le point de la bonne société sur ces femmes qui ont décidé de ne pas enfanter? Il va de soi qu'elles sont jugées, pointées du doigt et doivent même se justifier car ne pas vouloir avoir de descendance est une décision lourde de conséquences. Linda Lê en fait l'expérience avec son petit ami, S., qui use de tous les arguments pour tenter de la convaincre d'enfin entrer dans le moule. Mais l'auteur a déjà bien réfléchi à la question et trouverait presque contre nature de donner naissance à un être non désiré. Doit-on abdiquer pour sa compagne ou son compagnon? Peut-on espérer un éveil de l'instinct maternel en voyant la "septième merveille du monde" pointer le bout de son nez?
Les mots de Linda Lê sont puissants, brillants et ont résonné en moi extrêmement fort car ils sont criants d'une autre vision de la vie, non moins belle, mais différente de la majorité. Je me suis plus d'une fois remise en question en me disant que foncièrement la femme a, à notre époque, son propre libre-arbitre et peut donc décréter ne pas vouloir être féconde. Est-ce un mal? Peut-on parler d'égoïsme? C'est un vaste débat auquel je ne suis pas sûre d'avoir une opinion très tranchée. Mais le non-désir de maternité m'interpelle car, au contraire de Linda Lê, j'ai un besoin viscéral de me "perpétuer". Je n'en suis pas encore là mais je ne pourrais concevoir un avenir sans enfant. D'un côté comme de l'autre il doit y avoir un certain égotisme, à vouloir avoir toujours une partie de soi et/ou de son nom sur Terre, pour continuer à exister, par prolongement.


Et comment aurais-je subvenu à leurs prodigalités, moi qui suis une cigale, gaspillant mon avoir dans les librairies, moi qui tombe toujours amoureuse d'irresponsables sans fortune, moi qui n'ai pas un métier solide, mais ne suis qu'un écrivain dont les romans ne font pas un tabac ? (p. 27)


Sitôt tournée la dernière page, j'ai voulu reprendre certains passages et reparcourir le livre, avec un second plaisir, celui de bien m'imprégner de ces mots, touchants de sensibilité et pourtant très justes et mesurés. Car Linda Lê nous fait part de sa vie, avec S., mais aussi avec des parents (qui n'ont peut-être pas été des exemples de parents), mais aussi avec elle-même et ses démons.
A lire d'une traite et à reprendre à l'occasion pour ne pas garder des œillères sur l'inévitable "fatalité" d'assurer la lignée. D'autres points de vue existent... et c'est tant mieux !

Melopee
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le 1 juil. 2016

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