Fan inconditionnelle de l'oeuvre originelle de Lewis Carroll ainsi que de l'adaptation Disney presque aussi loufoque que le livre fondateur, mon œil curieux ne pouvait que tiquer chez mon libraire, devant cet Alice au Pays des Morts-Vivants. Réécriture ? Suite ? Autre délire schizoïde ? Malgré mes appréhensions, je me suis lancé dans la lecture.


Déception n'est pas un terme qui conviendrait pour qualifier mon état d'esprit une fois le livre refermé. Dès les premières pages, l'ouvrage laisse perplexe : on comprend bien vite que le récit post-apocalyptique se détache entièrement de l'univers premier d'Alice au Pays des Merveilles tel qu'imaginé par Carroll. Alice, adolescente conditionnée par la survie dans un monde ravagé et sans pitié, ne tient d'Alice que le nom et la chevelure blonde qui la distingue de ses compatriotes indiens. Je crois que là où le livre m'a le plus fait grimacer, c'est dans la grossièreté de ses références, jetées ça et là au milieu du récit, sans travail autour du symbolisme ou ne serait-ce que d'une infime cohérence. Si le personnage du Lapin amène Alice à quitter sa réalité pour basculer vers un autre monde souterrain et insoupçonné, c'est là la seule référence intelligente de l'ouvrage. En effet, le protagoniste est bien vite délaissé au fil du récit, ne se résumant qu'à des apparitions sporadiques, à l'image d'un Chapelier Fou dont les rares mentions sont aussi aléatoires qu'inutiles.


Alice au Pays des Morts-Vivants s'apparente davantage à un scénario qu'à un réel roman. Les descriptions sont sommaires, la psychologie des personnages tout juste effleurée, l'intrigue résumée à un défilé de péripéties et enchaînement d'actions comme dans un jeu vidéo. Le style est basique et se cantonne la plupart du temps à décrire les techniques de combat d'Alice ou les stratégies tactiques déployées par l'un ou l'autre camp. Tout dans ce livre paraît concourir vers l'efficacité : les rares personnages apparaissant au fil des péripéties ne sont que des clés ou des solutions apportées à l'héroïne lorsqu'elle se trouve en situation périlleuse.


La critique politique se tenant derrière le récit dystopique est tout aussi grossière. Les méchants Soldats Rouges, remarquable allégorie de l'armée chinoise et de sa toute-puissance, oppresse, avec l'aide de quelques superpuissances éparpillés dans les pays capitalistes du globe, le pauvre peuple indien (ici au cœur du récit), livré à lui-même et retranché dans des campements précaires. Les explications de la déchéance du monde actuel et de l'apparition des morts-vivants sont délivrées lors de grandes tirades de hauts généraux ou colonels du camp adverse, plutôt que d'être subtilement disséminées dans le récit.


Un livre plat et mécanique, malgré un certain potentiel hélas sous-exploité. Dommage.

Scrabs
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le 17 janv. 2018

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