American Psycho est un livre à lire deux fois. Ou au moins à lire, puis à comprendre, tant il est facile de passer à côté de l'essentiel sans s'en rendre compte. Sauter au 6ème paragraphe pour comprendre.

Patrick Bateman est un clone, comme il en existe des milliers parmi les traders à Manhattan. Avec ses amis il est interchangeable. Il partage avec ses amis une hygiène de vie irréprochable, une vie qui appartient plus aux magazines (GQ, Men's Health) qu'à la réalité. Costumes de marque parfaits, goûts irréprochables, sens du bon goût poussé à l'extrême, chaine hifi stéréo de haute technologie, mobilier de luxe, décoration virile, moderne, raffinement. Clubs de sport, limousines, job de rêve dans un grande banque, restaurants étoilés et branchés, soirées dans des clubs select, filles parfaites. Et haine de l'humanité.

Dans American Psycho, Bret Easton Ellis nous embarque, de gré ou de force, dans une croisière avec Patrick Bateman. Ca commence par un voyage en taxi où on déteste ces SDF qui envahissent New York. Puis on suit Patrick Bateman dans ces guerres du quotidien pour le titre du trader le plus élégant de Manhattan, Prendre soin de soi, mener une guerre de tous les instants avec ses collègues, manger des pizzas dans des restaurants inaccessibles au commun des mortels, suer dans les clubs de gym, draguer des filles inaccessibles dans des clubs tout aussi inaccessibles.

Sauf que Patrick Bateman déraille sérieusement. S'il invite des prostituées, c'est pour mieux les violer avant de les torturer sauvagement. Quand il invite sa petite amie, c'est pour lui faire manger un gâteau dans lequel il a pris soin de placer un pavé de désodorisant qu'il a préalablement récupéré dans les toilettes d'un restaurant. Et il n'hésite pas à torturer et tuer un rival génant pour d'en débarasser.

Bret Easton Ellis fait preuve du même souci du détail quand il s'agit de décrire pendant 20 pages le rituel du matin (prendre une douche et utiliser une vingtaine de produits cosmétiques), la cuisine de Patrick Bateman, ses costumes impeccables ou une scène de torture interminable.

Patrick Bateman, c'est le trader schizophrène. Face à la pression du quotidien et à l'importance du contrôle des affects, il perd les pédales et vit par procuration à travers un double maléfique, un 'evil twin' qu'il s'invente. C'est ce double qui viole et torture, découpe un cadavre avec des gants en daim Armani. Patrick Bateman s'invente des actes horribles, surement pour mieux extérioriser ses crises d'angoisse.

La frontière entre le réel et le rêve est ténue, mais toujours visible. Torture-t'il vraiment une prostituée avec une perceuse électrique ou bien le rêve-t'il? Après tout, il est le seul à voir les tâches de sang sur son imperméable. Pourquoi sa course poursuite avec la police est-elle sans conséquences? Et a-t-il vraiment tué son ennemi, ou faut-il croire le reste du monde qui lui soutient qu'il est juste parti à Londres? A mesure que l'intrigue avance, il faut se rendre à l'évidence, Patrick Bateman est un homme malade, ce qui ne retire rien au réalisme des scènes de torture auquel le lecteur participe avec voyeurisme.

Dans American Psycho, Bret Easton Ellis aborde un thème qui lui est cher et qu'on retrouve dans Glamorama: où s'arrête la réalité, où commence la fiction.
Crocodile
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le 28 déc. 2010

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Crocodile

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