L'Antigone d'Anouilh fait partie de l'école des bons remakes, et ça fait plaisir. Une œuvre qui utilise son caractère de "nouvelle version" pour créer une émotion supplémentaire, et qu'est-ce que ça fait plaisir de voir ça. Ca me rappelle le Final Fantasy 7 Remake de l'année dernière.
Jean Anouilh nous propose donc une nouvelle vision de l'Antigone de Sophocle, repensée pour faire écho avec ce qu'il vivait durant la seconde guerre mondiale. L'auteur est un fan de la pièce originale, et ça se sent, puisque le mythe est véritablement respecté : les personnages et la trame générale de la tragédie antique font leur retour. Anouilh développe malgré tout un univers bien lui, en ne découpant pas sa pièce de manière habituelle (c'est une histoire complète, aucune fragmentation) et en ajoutant de nombreux anachronismes (Antigone qui mange du pain grillé et a un chien, entre autres) qui ajoutent une dimension encore plus humaine et personnelle à l'histoire, en plus d'être assez divertissant. Mais là où Anouilh a véritablement transcendé la pièce : c'est dans son choix de dialogue.
Dés l'ouverture on devine qu'on va être face à du lourd, avec le personnage du prologue qui vient directement tout raconter, indiquant ainsi véritablement que cette pièce est destinée à ceux qui ont lu l'originale. C'est culoté de commencer son livre de cette manière, mais ça utilise extrêmement bien ce statut de réécriture pour donner une émotion toute particulière (entre souvenir de l'ancienne histoire et taquinerie sur ce que la pièce va bien pouvoir proposer de nouveau). C'est également le cas après le début que je trouve un peu poussif, où une autre scène hors de la diégèse de l'histoire va venir proposer une magnifique tirade sur la tragédie. Des tirades emblématiques il y en aura à la pelle, notamment entre Créon et Antigone ("Rien n'est vrai que ce qu'on ne dit pas"). Certains dialogues sont juste magnifique, et j'adore cette manière dont la pièce te fait presque croire que les personnages vont réussir à se démêler du fil noir du destin immuable auxquels ils sont condamnés, tant par la causalité que par le fait qu'ils existent dans une histoire déjà écrite.
Antigone transcende vraiment son statut de remake en proposant des tirades splendides comme seul le théâtre peut nous en offrir, des moments très marquants et une manière vraiment moderne de créer l'émotion. Je m'attendais à beaucoup, et je ne suis pas déçu, du très lourd et un cas d'école sur comment correctement reprendre une œuvre.