La spontanéité

Cette pièce ouvre la réflexion vers autres chose que la cause et le but. Tout se fait dans le cheminement. Dès le début, on connaît la fin, et la fin n'a aucun intérêt, parce qu'elle n'est pas négociable. On ne pourra pas la changer, il est impossible que toutes les pensées positives et espoirs du lecteur, du spectateur, changent quoi que ce soit au dénouement. Alors quel est le but? Ressentir. Il faut se laisser aller aux mots d'Antigone, ses absences de justifications, son mépris pour l'acceptation, la sagesse.
L'insoumission d'Antigone a changé ma vie quand je l'ai lu, comme beaucoup de ma génération, en 3eme. Elle porte des émotions puissantes, extrêmement fortes, des valeurs que seuls la jeunesse peut encore entendre. C'est le basculement vers l'âge adulte et toute la compromission qu'il engendre, qui fait qu'on n'entend plus rien aux discours insensés d'Antigone. Mais à 12, 13 ou 16 ans, l'entièreté du personnage, de ses propos, à quelque chose de magique qui parle à l'âme.
C'est également la puissance de la tragédie, le refus de la compromission. Il n'y aura pas de négociations pour sauver sa vie, pas de négociations pour essayer de faire marche arrière, c'est peut-être tout à fait stupide, peut-être tout à fait le sens de la vie, mais il n'y a pas d'explications. Chaque lecteur y voit ce qui lui parle. Certains plaindront Créon, d'autres Antigone. Certains se retrouvent dans tel personnage ou dans tel autre. On critique Antigone, on l'admire... Peu importe. C'est la magie de cette pièce aux accents étrangement contemporains, aux notes très actuelles.
Il serait tout à fait intéressant de l'étudier en profondeur, chaque discours a de l'importance, chaque réplique est porteuse de quelque chose, toujours. C'est la force de la pièce, il n'y a aucune phrases inutiles, surjouées, qui sonnent faux.