Quand on a quinze ans, curieux de tout et avide de connaissances, comment résister à un beau livre dont les premiers mots sont une invitation à la découverte : « Cet ouvrage est écrit pour tous ceux qui aiment à se rendre compte des choses qui les entourent, et qui seraient heureux d’acquérir sans fatigue une notion élémentaire et exacte de l’état de l’univers. »
C’est le premier beau livre, relier pleine toile, in-4, de plus de six cents pages, que je me suis offert, il y a plus de soixante-cinq ans, avec mes économies d’adolescent.
https://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32448174x
En matière de vulgarisation scientifique, Camille Flammarion faisait vraiment autorité, à l’époque, en astronomie. Camille Flammarion est né en 1842 à Montigny-le-Roi (Haute-Marne) et décédé en 1925 à Juvisy-sur-Orge (Essonne). Il est écrivain et astronome, vulgarisateur scientifique. Cofondateur de la Ligue française de l’enseignement (1866), et de la Société astronomique de France (1887), et fondateur de la revue mensuelle “L’Astronomie” (1887).
Cette édition de 1955 (la première édition date de 1880) est réalisée sous la direction de Gabrielle Renaudot Flammarion (1877-1962), épouse de Camille Flammarion et Secrétaire Générale de la Société Astronomique de France, aidée de André Danjon (1890-1967) Directeur de l’Observatoire de Paris, Raymond Michard (1925-2015) Président de l’Observatoire de Paris de 1971 à 1976, André Couder (1897-1979) de l’Académie des sciences


C’est avec une émotion étrange que je me replonge dans les pages de cet imposant volume. Tant de décennies sont passées depuis qu’il m’a fait découvrir les merveilles de l’univers, dont trois consacrées à l’étude et la réalisation de moteurs de fusées. Beaucoup de d’autres livres ont suivi, également, dont, pour les livres lus récemment :
1- Sommes-nous seuls dans l’univers ?
https://www.senscritique.com/livre/Sommes_nous_seuls_dans_l_univers/critique/198451248
2- Les big secrets de l’univers
https://www.senscritique.com/livre/Les_big_secrets_de_l_univers/critique/200786905
3- Cosmos
https://www.senscritique.com/livre/Cosmos/critique/237887770
4- Ailleurs
https://www.senscritique.com/livre/Ailleurs/critique/232050466
5- Dernières nouvelles de Mars
https://www.senscritique.com/livre/Dernieres_nouvelles_de_Mars/critique/223947226
6- Nous ne vivrons pas sur Mars ni ailleurs
https://www.senscritique.com/livre/Nous_ne_vivrons_pas_sur_Mars_ni_ailleurs/critique/238864608


Alors que Thomas Pesquet, notre spationaute national, s’apprête une nouvelle fois à rejoindre la Station spatiale internationale (Avril 2021) pour une nouvelle mission autour de notre planète, alors que des robots automatiques foulent le sol martien pour effectuer des reconnaissances scientifiques en vue de futures explorations, et que de nouvelles expéditions lunaires se préparent, à quel point ce vieil ouvrage est-il obsolète ?


Eh bien, croyez-moi si vous voulez, mais, contrairement à ce que pense encore de nombreuses personnes, dès la première page du Livre 1, on apprend que la Terre est ronde, qu’elle tourne sur elle-même et autour du Soleil ! Qu’on se le dise ! Non, ne croyez pas que j’exagère, aujourd’hui, au XXI° siècle et dans des pays très développés des groupes de récalcitrants (complotistes ?) maintiennent qu’on les trompe, que la Terre est plate ou que le Soleil tourne autour et qu’on n’a jamais mis les pieds sur la Lune… et que la Terre a été créée il y a six mille ans !
Au chapitre 1-IV de longs paragraphes traitent des constellations (comme les constellations zodiacales que le Soleil semble parcourir). La culture astrologique ancestrale n’est pas loin. Il est à noter qu’à aucun moment il est rappelé que toutes ces constellations n’ont aucune réalité physique. Ce sont des groupements d’étoiles qui n’ont d’existence que d’un point de vue terrestre (comme vues sur un écran plat) mais considérées d’un autre point de l’espace, suffisamment éloigné, la perspective ne permettrait plus d’identifier la configuration de ces étoiles : ces constellations n’existeraient plus.
Le Livre 2 traite de la Lune, et il faut bien une si ancienne édition pour trouver tout un chapitre (2-II) pratiquement consacré à la Lumière cendrée ! Quel ouvrage de vulgarisation scientifique soulignerait, aujourd’hui, cet éclairage de la Lune, dans sa phase “nouvelle lune”, illuminée par la Terre éclairée en plein par le Soleil ?
Le Livre 3 est consacré au Soleil et au système solaire, révolutions des planètes, masses comparées, orbites, la fameuse Loi des aires qui justifie les variations de vitesse de déplacement le long de l’orbite, l’art et la manière de calculer la masse du Soleil et sa distance à la Terre, les ondes visibles ou non émises par le Soleil, sa photosphère, son étude spectrographique, etc… Tous ces détails sont très scolaires, chiffres, tableaux, graphiques à l’appui, les ouvrages de vulgarisation actuels paraissent infiniment plus anecdotiques et ne s’embarrassent plus de démonstrations mathématiques ou physiques mais d’affirmations qu’il faut croire sur parole.
Avec le Livre 4 nous abordons les planètes (du système solaire), le chapitre 4-I entièrement consacré à la justification de leurs mouvements réels et apparents en remontant jusqu’à ce brave Claude Ptolémée du deuxième siècle de notre ère, avec moult schémas à l’appui pour expliquer pourquoi il nous semble voir des planètes reculer… c’est vrai qu’aujourd’hui, le “tango” des planètes est quasiment ignoré de tous les béotiens, elles continuent leurs petites danses dans l’indifférence générale, et c’est très bien comme ça. Les curieux s’intéressent plus aux renseignements envoyés par les sondes qui les frôlent ou qui s’y posent et laissent les problèmes de trajectoires aux spécialistes.
Chaque chapitre suivant est consacré à une planète. Arrêtons-nous un instant au chapitre 4-IV réservé à la planète Mars, à une époque où les OVNI sont particulièrement en vogue : « L’humanité a beau s’entasser sur un monde surpeuplé, elle éprouverait un sentiment de solitude si elle ne croyait pas à l’existence d’autres humanités, d’autres Terres dans l’immensité de l’espace. Or, quelle planète serait habitable si Mars ne l’était pas ? Terre en miniature, elle semble avoir été placée là, devant nos yeux, tout exprès pour renforcer en nous cette croyance, tant sont nombreux les points de ressemblance entre Mars et notre propre globe […] »
Pas moins d’une bonne dizaine d’illustrations représentent les fameux “Canaux de Mars” plus ou moins bien observés dans les lunettes du XIX° siècle et apportant la « preuves » de l’existence industrieuse des petits hommes verts. Jusqu’à Camille Flammarion, lui-même, de s’en mêler : « Nous avons hésité à publier ce planisphère, parce qu’il nous paraît avoir laissé trop de part à la subjectivité personnelle et montrer, notamment, des canaux si nombreux qu’ils donnent l’impression de n’avoir pas un caractère d’objectivité réelle. »
Mars n’a pas fini de nous faire rêver…
Le chapitre 4-V vaut également la peine d’une remarque, il nous parle des “Petites Planètes” que l’on cite si peu, aujourd’hui. Entre Mars et Jupiter on mentionne la ceinture d’astéroïdes, mais qui a entendu parler de Vesta, de Junon, de Pallas, de Cérès ou d’Astrée ? Où même de Brucia la 323ème petite planète découverte… « Parmi ceux (les astéroïdes) que l’on connaît, et dont on a estimé le diamètre, il en existe une centaine de plus de 100 km de diamètre. »
Mais à toutes celles-là il faut ajouter une multitude d’autres comme les Grecs et les Troyens sur des orbites proches de celle de Jupiter auxquelles on peut ajouter les astéroïdes Hermès et Icare dont les orbites, très allongées, croisent l'orbite des quatre planètes internes, à savoir Mercure, Vénus, la Terre et Mars.
Au chapitre 4-VI, Jupiter, qui ne compte tout d’abord que 4 satellites (Io, Europe, Ganymède et Callisto) en ajoute un cinquième en 1892, un sixième en 1904 et six autres entre 1905 et 1951. Aujourd’hui, on en compte 79… ainsi que plusieurs anneaux planétaires, très fins, composés de particules de poussières.
Quant à Saturne, au chapitre 4-VII, son plus gros satellite, Titan, fut découvert en 1655 et le dixième et dernier connu du livre, fut Thémis, découvert en 1900. Aujourd’hui, on en compte 82 !
Le système d'anneau d’Uranus est découvert en mars 1977. Deux autres anneaux sont découverts par Voyager 2 entre 1985 et 1986. En décembre 2005, le télescope spatial Hubble détecte une autre paire d'anneaux auparavant inconnus, évidemment absent du chapitre 4-VIII.
Et, bien sûr, aucun chapitre ne relate les aventures de ‘Oumuamua, ce petit corps interstellaire repéré le 19 octobre 2017 par le télescope de l'Observatoire d’Hawaï, alors qu'il se trouvait à 30 millions de kilomètres de la Terre (seulement). C’est le premier objet identifié à provenir de l'extérieur du Système solaire ! Dont les dimensions avoisineraient 160 m x 30 m. Lors de sa découverte, il voyageait à 25 kilomètres par seconde par rapport au Soleil. Puis, à mesure qu'il se rapprochait du Soleil, il a progressivement accéléré pour atteindre 87 kilomètres par seconde au plus près du Soleil. Il a ensuite continué son voyage vers la constellation de Pégase, laissant derrière lui d’âpres discussions de “spécialistes” entre adeptes et adversaires d'une origine artificielle.
Le livre 5 réunit les connaissances et croyances de l’époque sur ces étranges manifestations célestes que sont les comètes, météores et météorites. De tous temps l’ignorance des hommes à fait interpréter les phénomènes incompréhensibles comme de mauvais présages. Les comètes en sont l’exemple le plus constant depuis l’Antiquité jusqu’à nos jours
Il est bon de rappeler la différence entre météore et météorite (Cf. chapitre 5-IV) : « On appelle météorites les corps solides qui arrivent de l’espace sur la Terre » tandis que « Le mot météore est réservé au phénomène lumineux produit par la météorite pendant son passage dans l’atmosphère. Il est synonyme d’étoile filante »
L’univers sidéral fait l’objet du livre 6. On passera sur les constellations qui sont des créations humaines servant à la localisation, plus ou moins poétique (Cf. 1-IV). Les chapitres suivants précisent la façon de déterminer la position des étoiles, leur éclat, leur nombre, leur distance, leurs mouvements, leurs caractéristiques (étoiles doubles, spectres, diamètres, masses, nébuleuses, amas…), leur chimie, leurs émissions radioélectriques… et toujours de façon très scolaire.
Et enfin, la galaxie, notre galaxie, la Voie Lactée… visible à l’œil nu, nous dit-on. Depuis combien de décennies n’ai-je pas eu le bonheur de m’émerveiller devant la Voie Lactée ? C’était un de mes plaisirs d’ado, laisser vagabonder mon imagination dans la contemplation de ses milliards d’étoiles, me laisser envahir par l’immensité du cosmos… nos villes sont devenues tellement lumineuses que les nuits ne sont plus assez sombres pour voyager dans les étoiles…
Ne cherchez pas, vous ne trouverez rien sur les trous noirs, on ne les a pas encore trouvés. Sans doute sont-ils trop noirs !
Rien non plus sur les exoplanètes. Pas vu-pas pris. Aujourd’hui on en a répertorié plus de trois mille.
Le dernier livre, le livre 7, traite des instruments de l’astronomie, beaucoup restent d’actualité, pour ce qui est de l’optique des lunettes et télescopes, mais bien sûr, aujourd’hui, on ne saurait se passer de l’électronique et de l’informatique, voire des télescopes spatiaux (Hubble) qui permettent de s’affranchir des défauts inhérents à l’atmosphère terrestre.


En conclusion ? Ce livre est un puits de sciences, pas si démodé que ça. Bien sûr les techniques ont fait des progrès en plus de soixante ans, en particulier grâce à la conquête spatiale qui a permis de placer de nombreux satellites scientifiques en orbite terrestre, mais également d’envoyer un grand nombre de sondes automatiques faire des observations aux quatre coins du système solaire. Mais également grâce aux progrès dans les technologies d’observation et de traitement des données, à l’utilisation des techniques numériques.
Pour ce qui est de la vulgarisation scientifique, apparemment, hier, la vulgarisation s’adressait à un public que l’on souhaitait FORMER. On ne peut que constater que les ouvrages actuels s’adressent à un public habitué à consommer une information rapide, sensationnelle et superficielle : aujourd’hui, nous voulons juste être INFORMÉS.

Philou33
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le 18 avr. 2021

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