Par le détail : on ne sait pas vraiment s’il s’agit d’un extrait de titre ou du nom de la collection, mais on peut bien se dire que c’est la manière la plus naturelle d’aborder la plupart des tableaux de Bosch (1). Après une courte biographie et un catalogue pas si restrictif, l’ouvrage est organisé thématiquement. Si certaines rubriques (« L’architecture », « Les visages », « Visions du paradis & de l’enfer », « Chimères & grotesques ») sont attendues, d’autres abordent des points moins fréquemment traités, mais pas moins pertinents pour autant : les paysages, les grisailles, la musique et le bruit ou les quatre éléments sont loin d’être des à-côtés dans l’œuvre de Bosch.
J’ai lu Bosch par le détail dans son édition « compacte » (16 × 20 cm), plus facilement accessible que l’édition grand format (24 × 32), aussi j’imagine volontiers que celle-ci est encore plus détaillée – sinon plus pratique à lire – que celle-là. Un lecteur particulièrement ronchon reprochera forcément à Till-Holger Borchert certains de ses choix : pourquoi tel détail plutôt que tel autre ? il manque celui-ci, gna gna gna. D’autres lecteurs trouveront peut-être que l’auteur vise trop large en présentant « l’œuvre de Bosch […] non pas comme celui d’un seul artiste au talent unique mais comme une production […] reflétant une sorte de style collectif » (p. 6). Cette approche n’en vaut-elle pas d’autres ?
Ce qu’on n’ôtera pas au livre, c’est la clarté de ses explications, qui en font un très bon ouvrage de vulgarisation. Les excursions d’histoire culturelle, sur le bruit au Moyen Âge ou sur la place des marginaux par exemple, sont ainsi les bienvenues. Voilà encore comment un profane peut découvrir les « grisailles » que Bosch a pratiquées sur les revers de certains triptyques : « comme d’ambitieux témoignages d’une rivalité entre peinture et sculpture. […] Les grisailles peintes par les primitifs flamands au revers des volets avaient avant tout une fonction liturgique et étaient liées au carême, dont la dimension de privation trouvait pour ainsi dire un écho dans le renoncement à la couleur » (p. 149). Si le souci d’un pédagogue est d’instruire ses disciples sans les prendre pour des cons, Bosch par le détail est une réussite pédagogique.
Et puis, tout simplement, on a un livre de peinture agréable à feuilleter. Pas si pire, non ?


(1) C’est sans doute la raison pour laquelle des non-spécialistes de peinture consacreront plus de temps à un tableau de Bosch (ou de Bruegel, soit dit en passant, ou aux Ambassadeurs d’Holbein) qu’à la Jeune Fille à la perle ou même aux Époux Arnolfini, et chez Bosch plus de temps au Jardin des délices qu’au Calvaire avec donateur. (Je parle là de chefs-d’œuvre grand public, pas de chefs-d’œuvre pour historiens de l’art.)

Alcofribas
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le 20 mars 2020

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