"Toutes ces vies à portée de cerveaux roncés, de paumés, de soldats perdus."

Il faut si peu de choses pour que l’horreur fasse basculer nos vie, pour que l’innommable entre avec fracas dans notre quotidien. Cinq poignées de mains seulement. Quand la littérature nous donne à voir la violence du réel on en sort pas indemne.


Le nouveau roman de Pascal Manoukian commence comme une romance. Il y a un couple, Karim et Charlotte, qui s'aiment et qui s’apprêtent à devenir parent. Il y a Chanchal et Iman ( deux des personnages de son précédent roman Les échoués ? ), réfugiés qui par le hasard de l'exil construisent leur amour en France. Et puis il y a Aurélien, un peu sombre et mystérieux. Mais les espoirs sont vite balayés, les rêves vite brisés par la violence froide et la haine. Karim va tout perdre dans un attentat, sa femme, sa fille à naitre et ces projets. Alors il tente d'entrer dans la gueule du monstre, d'aller au plus près des fous de dieu.


On le suit dans une plongé spectaculaire et glaçante au cœur de Daesh. L'auteur, pour écrire ce roman, s'est beaucoup documenté et a fréquenté les sites djihadistes. Il nous retranscrit ainsi leur discours rien rodé, "la paille dans le cerveau" qui scanne tout et les techniques pour briser physiquement et mentalement les aspirants kamikazes. Karim fait face à l'obscurantisme, à la négation de tout ce qui le constitue.


Il fréquente les nouveaux convertis et leurs espoirs d'un monde meilleur, les adolescentes qui cherchent du sens dans le chaos et les déçues de nos sociétés. On s’interroge avec lui sur la suite d’événements, de contrariétés et de désillusions qui poussent ces gens, nés dans des démocratie, à préférer la guerre comme avenir. On lit ce livre les doigts crispés, le souffle court et le cœur au bord des lèvres tant ce roman nous dit la réalité.


Pascal Manoukian sait mettre de la poésie dans le chaos. Il nous rappelle la grandeur passée de la Mésopotamie et, plus récemment, de la Syrie. Il place l'amour et l'espoir au cœur de l'obscurité. Alors bien que ce livre soit profondément dur et bouleversant il est aussi beau et nécessaire, tout comme l'était son premier roman Les échoués.

Anaïs_Alexandre
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le 12 févr. 2017

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