Paru en 2014, Cette chose étrange en moi ( traduit par Valérie Gay-Aksoy) est le 9ème roman d'Orhan Pamuk. Sa rédaction, qui dure six ans, commence en 2008, l'année de sortie du Musée de l'innocence. Le désormais prix Nobel de littérature quitte le milieu bourgeois du livre précédent pour le milieu populaire.

On suit la vie de Mevlut (de 1969 a 2012), qui quitte son village de Cennetpınar (qui existe réellement) pour İstanbul en compagnie de son père Mustafa mais laissant mère et sœurs derrière eux au village. Ils habitent ensemble dans un gecekondu, maison construite en une nuit quelques années plus tôt sur une colline en bordure d'İstanbul par son père et son oncle Hasan sans le moindre permis de construire, comme beaucoup d'autres maisons sur cette colline et beaucoup d'autres.

Mevlut effectuera différents métiers comme vendeur de yaourt, de boza, de riz pilaf au poulet, ou gardien de parking, mais c'est a celui de vendeur de boza - boisson très légèrement alcoolisée - qu'il restera fidèle. Car, vendeur ambulant, ce qu'il aime c'est parcourir la ville, et ses différents quartiers si singuliers. Il sera un observateur privilégié pour nous raconter sa transformation, son extension et aussi sa perdition dans l'abandon de toujours plus de traditions vers la modernité, sans pour autant être manichéen (ce n'est pas l'habitude de l'auteur).

On fera la rencontre de nombreux personnages venus s'installer comme Mevlut à İstanbul ou croisés au coin d'une rue. Ferhat, l'ami d'enfance, le cousin Süleyman, dont le mensonge initial déterminera toute la suite de l'histoire, et les trois sœurs Vediha, Rayiha, Samiha, filles d'Abdurrahman au cou tordu. Comme dans Mon nom est rouge, l'auteur choisira de donner la parole à certains de ces personnages par moments, accroissant l'effet de réalisme sociologique presque documentaire et évitant ainsi au lecteur d'avoir une vision limitée au point de vue du seul Mevlut.

Un long roman (plus de 800 pages) touchant et qui nous en apprendra beaucoup sur une ville toujours fascinante, située à cheval entre deux continents et les mœurs de ses habitants.

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le 9 déc. 2023

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Hunkarbegendi

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