Première lecture de Georges Simenon pour moi, après avoir acquis il y a quelques années ce petit bouquin illustré par l'immense Loustal, et je découvre le commissaire Maigret en retraite. S'il y a un avantage à aborder le personnage à l'aveugle, c'est que la culture populaire l'a déjà tant diffusé que son auteur ne perd plus alors ni temps ni énergie à l'installer. Trois chapitres, un épilogue, Ceux du Grand Café se réduit au format nouvelle, mais la lecture en est fluide, agréable.
Et divertissante à souhait.
Le commissaire tourne en rond à Meung-sur-Loire où il a pris sa retraite. Mme Maigret passe ses journées en cuisine, mais le pauvre homme ne trouve rien qui l'occupe. Son épouse lui propose un jour, peut-être pour qu'il cesse de traîner dans ses pattes, de rejoindre ceux-là qui finissent l'après-midi en parties de cartes au Grand Café, sur la place du village. Sans conviction l'ancien flic tente le coup. S'y retrouve accroché. Et devient un de Ceux du Grand Café, aux côtés du boucher, du maréchal-ferrant, de monsieur le Maire, vétérinaire de profession, et du patron, monsieur Urbain.
Les conversations y sont retenues, les relations aimables,
amicales sans aller jusqu'à la confidence, et les yeux concentrés sur la partie s'égarent parfois sur les courbes d'Angèle, le jeune serveuse de l'établissement.
Georges Simenon a l'écriture fluide, sans artifice. Nous intéresse plus à son personnage, à ses motivations et à son comportement, longtemps inexplicable, plutôt qu'à l'enquête qui fait l'arrière-plan aux démons du héros. Les décors, au cœur d'une France de carte postale, prennent facilement une forme de tangibilité qui vient entraîner l'identification de lecteurs qui ne peuvent que se reconnaître là. Sous la forme, l'auteur nous emmène dans
une petite peinture sociétale finement établie.
Le petit plus, ce sont les très belles illustrations noir et blanc de Loustal. Son trait sans fioriture, personnages élancés et décors bancals. Une forme de simplicité idéale qui vient renforcer l'aspect banal de la narration. Si l'on est loin de ses meilleurs travaux, de l'illumination de certains dessins de voyages qui savent baigner de couleurs et de luminosité, le noir et blanc pose
l'ambiance étriquée de cette France sans autre horizon que le triste quotidien du temps qui s'écoule
et qui se nourrit de petites affaires et de petites rumeurs.
Sans prendre le temps de développer, Georges Simenon s'amuse en format court des mœurs de son époque et des complexités de l'âme humaine : morosité, jalousies, dépression, respect des secrets ou caquetage inopiné. Ceux du Grand Café est une petite peinture sociétale et psychologique d'une petite communauté, juste, où tout le monde se connaît, se regarde, s'imagine et se juge.
Tranchant.