Vaine confession d'une ancienne écervelée : un coup d'épée dans l'eau.

Outre le fait que je n'ai toujours pas bien compris le sens du titre du livre, il s'avère que je n'ai toujours pas saisi la raison de son existence non plus, et pour cause : ce livre ne semble qu'avoir une vertu, celle de soulager son auteur de ses états d'âme. Non que je me désintéresse du bien-être d'une femme fort sympathique, qui semble avoir à cœur de montrer que la déradicalisation est possible ainsi que souhaitable, c'est avec une grande douleur que j'estime n'avoir rien appris avec ce livre, et même compte tenu de la pauvreté de ses analyses, que je le trouve d'une certaine manière plus utile au nazisme qu'à l'antifascisme. Heidi Benneckenstein nous raconte donc sa vie d'enfant élevé dans une famille d'extrême droite, d'adolescente un peu limitée et de jeune adulte non moins stupide pour tenter de nous dessiner la vie d'une néonazie dans une Allemagne démocratique. Pour cela, elle nous livre sa psychanalyse, nous raconte ses rapports avec ses parents et son petit ami, tente de nous décrire les réseaux nazis, essaye tant bien que mal de nous montrer l'inanité de l'idéologie d'Hitler et de nous vendre sa soupe de fille déradicalisée. Le problème est que le livre tombe complètement à plat pour de nombreuses raisons.


D'abord, jamais elle ne nous parle de l'idéologie nazie. A part à quelques instants, ce livre ne propose aucune critique radicale du nazisme, aucune analyse poussée sur ses dogmes ou ses pratiques ce qui pose quand même problème dans un livre consacré tout entier au néonazisme. Heidi Benneckenstein nous parle d'organisations, de personnes particulières et n'évoque que quelques principes déjà connus à l'aune de descriptions d'ailleurs bien minces d'individus particuliers. En fait, et c'est là le problème majeur du livre, il est psychologisant. Heidi Benneckenstein oppose à une véritable science sociologique, politique et philosophique qu'est le nazisme, une thérapie pseudo-psychologique à la Marie-Claire ou Elle qui en dit plus long sur la vacuité de l'esprit de l'auteur que sur le néonazisme lui-même. Ensuite, Heidi ne parle que d'elle : elle se confesse, nous raconte son cheminement personnel, son enfance, son adolescence, ses rencontres, l'emprise du réseau néonazi sur sa vie. Pourtant, cela est inutile à deux titres : d'abord parce qu'on n'en a rien à faire, et ensuite parce que Heidi Benneckenstein n'a jamais été nazie car elle n'en connaît ni la pensée, ni la profondeur, ni les grands principes, et cela est très cruel pour elle à la lecture du livre. Il est très facile de ne plus être nazi quand on ne l'a jamais réellement été. Qu'elle même ait été au fond peu raciste, peu violente, le lecteur s'en fiche : il ne veut pas savoir qui est Heidi, mais ce qu'est le nouveau nazisme qui semble encore présent en Allemagne. De la même manière, elle ne sépare pas le nazisme bourgeois du nazisme prolétaire, le nazisme athée du nazisme chrétien, le nazisme de Bavière et celui de l'Allemagne de l'Est ou encore le nazisme réel du nazisme virtuel : il n'y a aucune pensée, aucune rationalisation, aucun classement. Ce livre est franchement un vide absolu et on ne saurait que trop conseiller au lecteur, pour comprendre vraiment le nazisme, de se tourner directement vers Mein Kampf, et non pas vers ce livre absurde qui donne en réalité, par sa bêtise, presque envie de chanter Sieg Heil.


Bien sur, tout n'est pas bon à jeter dans ce livre médiocre, et quelques moments sont bons à prendre ce qui permet d'éviter au lecteur d'avaler du white spirit en portant un brassard nazi. Le récit de l'embrigadement des enfants dans des sortes de colonies de vacances nationales socialistes est très effrayant et révèle la survivance de cellules d'extrême droites en Allemagne. Heidi Benneckenstein explique que c'est le monde actuel qui a rendu possible le nazisme par son manque profond de transcendance, sa consommation effrénée, son mépris de la famille et des racines. Elle nous dit ce que l'on savait déjà : que les fascismes ne sont jamais que les stigmates de la vacuité de notre civilisation actuelle emplie de vides, de misères et de questions. Mais il n'y a guère encore que des idiots utiles de l'extrême droite pour penser que le nazisme n'est que la conséquence d'une crise économique et d'un racisme gratuit et là encore l'auteur ne nous apprend rien de nouveau. Elle raconte aussi la frustration des militants d'extrême droite avec les femmes et leur rapport ambiguë à la féminité : c'est bien gentil, mais le mâle blanc prolétaire en général a des problèmes avec la femme depuis bientôt quarante ans, en partie à cause d'un système néo-libéral qui n'a rien à voir avec l'extrême droite. Quant à la misogynie nazie, ce ne sera pas ce livre plein de clichés et de confessions qui vont améliorer l'image de la femme. Mais le pire dans tout cela arrive dans les dernières pages : Heidi Benneckenstein nous confie admirer Angela Merkel et des ministres de la CDU. Franchement, on l'aurait encore préféré nazie.

PaulStaes
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le 20 août 2019

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