D'Ailleurs, Les Poissons N'ont Pas De Pieds se concentre sur l'histoire d'une famille sur trois générations dans une Islande qui se transforme au fil du siècle passé et jusqu'à nos jours. Une histoire plus précisément centrée sur trois époques et les vies de Oddur, fort capitaine de navire de pêche réputé et respecté et de son petit-fils, Ari, revenu de deux années d'exil au Danemark où il travaillait dans une maison d'édition, après avoir divorcé.


À travers le regard d'Ari, et de son ami qui narre l'histoire, le livre décrit une Islande qui ne vend pas du rêve, bien à l'opposée des images de cartes postales et de ce que s'en font probablement les touristes ne faisant que passer, nouvelle source économique malgré tout à notre époque. Ces deux amis décrivent leur jeunesse passée à Keflavík, ville portuaire de pêche aujourd'hui devenue moribonde, dans une contrée nommée la plus noire du pays, où les pêcheurs restent à terre, privés des quotas spéculés au profit d'entreprises extérieures. Ils racontent leurs aventures vers le monde redoutable, jadis à leurs yeux, des adultes et la réalité du travail dans un pays en plein développement avec la promiscuité de la base aérienne américaine d'après-guerre : les sauveurs Amerloques comme toujours ; ils ont amené le rock'n'roll et les MM'S, denrée chocolatée convoitée par les gosses qui pillaient en bandes organisées les camions d'approvisionnement en route vers la caserne américaine ! Ils se racontent aussi leurs joies, leurs tristesses, leurs échecs et un amour manqué faute de confiance en soi.


Et puis il y a l'époque du grand-père, Oddur. Oddur qui a épousé Margrét, après que cette dernière lui a déclaré son amour à en faire dresser le membre tel un mât en bois dur. Un passage délicieux, délicieusement érotique. Oddur, le mari qui part en mer avec d'autres marins. La mer, une amante abondante en poisson et une houleuse redoutable capable d'engloutir en son sein glacial, le moindre marin négligent. Une époque dure mais où le poisson était disponible, faisait travailler et nourrissait les habitants. La mer qui faisait des enfants des hommes. Et l'alcool qui faisait des hommes des épaves ou des fous.


Après sa trilogie littéraire commencée avec Entre Ciel Et terre, Jón Kalman Stefánsson nous transporte, sans exempter les phrases de beauté poétique contemplative, dans une Islande contemporaine, modernisée, décrivant un tableau social d'une ville, la non belle, la mal aimée Keflavík en dérive, abandonnée et trahie où Ari, un peu perdu et son pote parlent sur le sens de la vie, de la mort étroitement liée, du monde ...


Dans un décor urbain désenchanté, sous un ciel bas et sur une terre livrée souvent aux intempéries, on peut se consoler en savourant un copieux burger au camion de Jonni "Tonnerre-Burger", un ancien marin reconverti dans le food truck, tout en regardant une ville portuaire qui voit, semble-t-il, plus arriver des avions que des bateaux.

MonsieurScalp
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le 20 nov. 2020

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