Depuis qu'elle est morte elle va beaucoup mieux par François CONSTANT

Un titre pirouette, jusque dans le graphisme. Franz BARTELT, cet écrivain français des Ardennes du nord envoie un uppercut à la vie et surtout à une certaine forme de fin de vie.
Lui, il tente de rester droit, de tenir le quotidien en main, d’assurer la réalité en acceptant l’absurdité de la perte de sens progressive du réel chez sa maman. Ce livre est poignant. Le récit passe, repasse la vie de sa mère, quadragénaire avancée, qui plus elle vieillit, plus elle se souvient et vit en lien fusionnel avec sa propre mère qui aurait aujourd'hui quelques 120 ans alors qu’elle ne sait plus nommer son fils. Et pourtant, il est bon ce fils qui vient lui tous les jours lui rendre visite, parler un peu, surtout écouter, mettre sur la table ce qu'il faut manger, s'occuper de la vaisselle et s’assurer que la gazinière soit bien fermée avant de partir. Tous les jours, il est là, elle, de moins en moins, elle s’éloigne de plus en plus. Elle fugue même souvent. Pour aller faire le ménage à la boucherie, faire des courses, se promener au square et parler avec… elle ne sait plus, mais ça n’a pas d’importance, elle n’est pas folle, tout de même ! Un récit de vie au jour, le jour avec sa lente descente en absurdie.
De la maison qu’on ne veut quitter à celle qui se dit de repos pour personnes âgées, il n’y a qu’un pas, c’est celui de la mort en sursis à celui de la vie déjà définitivement perdue. Dans un hospice, on ne vit plus, on ne survit même pas, on attend. On attend tout et surtout la mort… sans aucun pouvoir sur la gestion du temps !
Ce texte, empli de pudeur, est habité de cette distance ‘protectionnelle’ indispensable à tout qui accompagne le vent de l’oubli qui chante dans les esprits de ceux qu’on aime. Mais il sonne tellement vrai !
Le texte, comme le temps, se répète, fait du sur place et souligne combien, ni le fils, ni la mère, ne trouvent leurs places dans une fin de vie qui se drape de bonnes intentions ou croyances pour camoufler la déchéance humaine et l’absurdité de ce temps qui n’appartient à personne.
On ne sort pas de ce texte indemne. On ne peut que revisiter ses propres expériences d’accompagnement d’êtres aimés et se questionner sur l’attitude à prendre, l’aptitude à développer, le changement d’altitude dans nos choix de vie qu’il serait bon - ou non – d’anticiper.
On comprend aisément que ce livre trouve une juste place dans la collection ‘Ce que la vie signifie pour moi’ des éditions du Sonneur.

Créée

le 13 janv. 2018

Critique lue 198 fois

2 j'aime

Critique lue 198 fois

2

D'autres avis sur Depuis qu'elle est morte elle va beaucoup mieux

Du même critique

Charlotte
François_CONSTANT
8

Critique de Charlotte par François CONSTANT

La chevauchée tragique de la Mort qui pousse à vivre. La Mort qui s’approche, s’accroche, fait peur, étouffe, éloigne, rapproche. La Mort qui force Charlotte Salomon, juive allemande, à devenir sa...

le 20 nov. 2014

18 j'aime

4

L'Amour et les forêts
François_CONSTANT
8

Critique de L'Amour et les forêts par François CONSTANT

À travers « L’AMOUR ET LES FORÊTS », paru chez Gallimard en 2014, je découvre l’auteur Éric REINHART. Belle découverte ! Bénédicte Ombredanne est une lectrice de cet auteur. Ayant apprécié son...

le 27 févr. 2015

17 j'aime

4

L'Art de perdre
François_CONSTANT
8

Critique de L'Art de perdre par François CONSTANT

« L’art de perdre » écrit par Alice ZENITER est la troublante histoire du silence de deux nations conduisant à la perte de paroles, donc de mémoire, de trois générations, celles d’Ali, Hamid et...

le 7 nov. 2017

14 j'aime