Avec sa belle tête de bagnard, son passé de soldat en Tchétchénie, ses engagement politiques ambigus et sa réputation d'écrivain viril, Zakhar Prilepine fait un tout petit peu peur. On a bien tort, son recueil de nouvelles, Des chaussures pleines de vodka chaude, prouve et d'une, que c'est un excellent auteur, et de deux, qu'il n'est pas aussi trivial, pour ne pas dire vulgaire, qu'il veut bien le laisser accroire. La plupart de ses nouvelles ont un titre direct : Histoire de putes, Viande de chien, Un village mortifère ..., mais correspondent finalement assez mal à ce qu'on peut y trouver à l'intérieur. Bon, d'accord, les personnages de Prilepine sont assez souvent dans un état d'ébriété avancée, mais, après tout, ils sont jeunes, sans trop de moralité et, surtout, ils ne connaissent rien de mieux pour passer le temps et oublier l'espèce de déliquescence sordide qui résume le mieux leur existence de provinciaux sans espoir en l'avenir. Rien de trash là dedans, juste un désenchantement qui se marie bien avec le goût de la bière, de la vodka ou de l'eau de vie frelatée. Sous la plume de Prilepine, c'est le quotidien russe contemporain qui semble bel et bien frelaté. L'avant dernière nouvelle du recueil, intitulée La grand-mère, les guêpes et la pastèque évoque une Russie disparue, celle de son enfance, avec un talent poétique certain. Ce pays-là n'existe plus. L'auteur aurait-il comme un relent de nostalgie pour l'époque soviétique ? Hum ... Toujours est-il que son petit village appartient à l'histoire ancienne : "Tous étaient morts. Ceux qui n'étaient pas morts de mort naturelle avaient été tués. Ceux qui n'avaient pas été tués l'avaient fait eux-mêmes." Zakhar Prilepine, lui, est bien vivant. Et c'est un écrivain qui a un sacré gosier. Pas uniquement pour avaler de la vodka à doses abyssales.

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le 9 févr. 2017

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