Le créole mauricien est la langue maternelle de Natacha Appanah. Et comme tous les écrivains qui ont apprivoisé un autre idiome, elle emploie le français avec amour, nous en faisant déguster chaque nuance, le faisant rouler sous sa plume avec une délicatesse et une élégance infinies. Ce qu’elle raconte, dans En attendant demain, est pourtant triste et fort dramatique. Elle ne nous le cache pas dès l’entame du livre : la tragédie sera au bout de la route. Adèle, Anita et Adam : trois prénoms qui commencent par la même lettre (s’y ajoute Laura la fille des deux derniers)et dont l’alchimie heureuse va vaciller parce que l’équilibre de cette vie, de notre vie, tient finalement à peu de choses, à la confiance, à la bienveillance et à l’amour, lesquelles sont trahies parfois, ne serait-ce que par maladresse. Par petites touches, Natacha Appanah s’approche du cœur intime de ses personnages, tous blessés et dont l’écorce apparente n’est pas si solide que cela. En attendant demain est aussi le roman des espoirs déçus, de l’existence décevante que l’on n’a pas su rendre pleinement heureuse par manque de ténacité ou de courage. La romancière est très fine dans l’analyse psychologique et sociale d’un milieu provincial où l’apparition d’une peau cuivrée (celle d’Anna et d’Adèle) provoque des réactions étonnées. On ne va pas appeler de racisme, non, mais quelque chose qui est comme son antichambre, une couleur de peau différente qui est acceptable si elle correspond aux clichés qu’on lui accole volontiers. En attendant demain peut être qualifié de beau roman, un brin trop mélodramatique peut-être, dans ses dernières pages, sentiment compensé par le moelleux et le capiteux de son style.

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le 5 janv. 2017

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