Une maison, le jour de Noël. Une mère et sa fille adolescente se retrouvent bloquées seules à cause d'une tempête de neige. Des relations tendues entre la mère et sa fille adolescente. Un cadre a priori banal mais dans lequel l'angoisse s'installe dès le début, enfle peu à peu, jusqu'à un final glaçant.
L'écriture de Laura Kasischke dérange, par petite touches, quelques mots discordants qui détonnent tout à coup dans une phrase banale. Elle empêche le lecteur de se laisser aller à la torpeur de lire, fait rapidement naître le malaise. Comme Holly, la mère, on se dit que quelque chose n’est pas normal dans ce texte. Comme un équivalent littéraire au bruit de la craie sur le tableau, ces phrases nous empêchent de sombrer dans la douceur de ce matin de Noël brumeux, nous hérissent, nous préparent au pire dès les premières pages.
Dans ce roman, Laura Kasischke aborde avec force de nombreuses thématiques : la complexité de l'amour maternel et de la relation mère enfant, l'adolescence, l'adoption, la puissance du refoulé, la lâcheté... La construction narrative, impeccable, permets d'aborder tous ces sujets de manière cohérente. Et une fois le livre achevé, on ne peut qu'admirer la virtuosité de l'auteur, qui a semé puis exploré petit à petit tous les éléments permettant de nous amener à cette fin sans pour autant la laisser se dévoiler.
La personne qui m'a conseillé Esprit d'hiver me l'a présenté comme un roman d'amour. Et je croie qu'effectivement l'essentiel est là, dans cet amour maladroit, aveuglant, qui prend le pas sur tous les autres aspects de la psyché maternelle.
D'un point de vue littéraire, Esprit d'hiver est pour moi un chef d’œuvre incontestable. C’est également l'un des rares livres qui m'ait fait pleurer. Les différentes critiques (dont la mienne) qui insistent sur le côté angoissant du livre et terrible de sa fin peuvent rebuter. Pourtant, même si tout ceci est vrai, ça ne rend pas complètement hommage à la richesse et à la puissance de ce roman. A lire absolument.