J'ai bien du mal à présenter ce livre qui me semble plonger son lecteur dans une confusion sans fin... Stephen Jay Gould est une des grandes figures scientifiques américaines de la fin du XX°. Paléontologue de renom, il aura défendu Darwin bec et ongles contre la poussée créationniste aux USA. En ce sens il a tout mon soutien, surtout quand il exprime sa conviction que l'Evolution est la théorie explicative du monde biologique et que les tentatives de lire les genèses religieuses littéralement sont vouées à l'échec. Et pourtant Gould fait dans son livre d'incessantes génuflexions en direction des cultes, ce qui rend son propos parfois décousu.


NOMA = "non-empiétement des magistères" , c.a. d la science s'occupe de son domaine, la religion du sien. La coexistence, nous dit Gould, se doit d'être non seulement tolérante mais aimable. Il prêche pour la civilité et la compréhension, et c'est très bien, mais il commet à mon sens l'erreur de penser que les scientifiques empiètent en permanence sur le domaine des valeurs (ce qu'ils ne font guère) , alors qu'il est clair dans l'Histoire que c'est bien la religion qui a eu du mal à avaler la réalité du monde physique. La science avance, la religion résiste, et c'est une situation somme toute normale je trouve, car la science a longtemps avancé naturellement sur une friche occupée par les églises.


Gould est ici terriblement ambigü. Sous couvert de respecter la religion, il la démolit à boulet rouge! Ses exemples au cours du livre, que ce soit Burnet, le premier ecclésiastique/scientifique à avoir tenté une "historie naturelle", ou le désarroi de Darwin devant la mort de son enfant, présentent tous le recul de la divinité face à la dureté du monde et la nécessité intellectuelle de respecter les lois de la nature. Son utilisation de Newton pour montrer qu'on peut croire et être scientifique est bien intéressante, mais vu que la physique de Newton avait besoin d'un horloger constamment à la manœuvre, il y avait là un réel problème. Une fois ces boulets tirés, pourquoi en retour aller chercher des exemples dans le nouveau testament pour parler d'intégrité scientifique? j’avoue avoir du mal à le suivre....


Un long passage est consacré à une certaine guêpe qui torture horriblement ses victimes dans son processus reproductif. Cette guêpe est célèbre dans le monde scientifique pour la démonstration claire que le monde physique n'a que faire de nos valeurs morales et encore moins de nous tout simplement. J'ai apprécié cet aspect de l’argumentation de Gould, qui y voit bien la preuve que les religions sont utiles pour panser nos plaies mais ont vraiment peu à dire sur la nature elle-même, indifférente et insensible.
La fin de ce petit livre est dédiée au combat juridique contre le créationnisme et n'a d'autre intérêt que de montrer l'effarante prégnance des fondamentalistes dans cet étonnant mélange de démocratie et de théocratie que sont les USA. Informatif sans plus.


Bref je ne recommande pas trop cet ouvrage, bizarrement construit, hormis si vous êtes intéressé(e) par la problématique du conflit rationalité/ religiosité. mais allez plutôt lire du Dawkins plus direct et moins ambigu.

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le 16 juin 2015

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nostromo

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