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8 ans s'étant écoulés depuis La mémoire est une chienne indocile, ample roman choral, il était vraiment temps que l'australien Elliot Perlman revienne sur le devant de la scène. La chose est faite, et bien faite, avec Et si le cheval se mettait à parler, lequel n'a sans doute pas l'ambition de son livre précédent mais se révèle malgré tout délectable pour ceux qui apprécient depuis longtemps l'auteur du brillant Ambigüités. "Je suis absolument terrifié à l’idée de perdre ce boulot que je déteste absolument", telle est la première phrase de son nouvel opus qui nous transporte dans le milieu de l'entreprise et dans celui des avocats d'affaires, des lieux féroces où tous les coups bas sont permis, commis de préférence par ceux qui détiennent le pouvoir aux dépens des moins privilégiés. Le personnage principal de l'histoire est au bout du rouleau : séparé de sa femme et de ses enfants et menacé de licenciement, jusqu'à ce que ... Le livre est une comédie assez irrésistible dont le sujet premier est pourtant le harcèlement sexuel, autant dire un thème qui n'incite pas vraiment à la plaisanterie mais ce genre de défi ne fait pas peur à l'auteur, qui s'en repait même, et s'il y avait un reproche à lui faire, ce serait sans doute de "profiter" de l'air de temps, post #MeToo. Mais Perlman a l'art et la manière de désamorcer les critiques, par le développement haletant de son récit et par l'adjonction de sous-intrigues astucieuses, du domaine du privé, qui ont le mérite d'apporter un peu de légèreté , sans compter une propension délicieuse à l'absurde, en particulier dans des dialogues assez souvent savoureux. La description du monde du travail, dont les ineffables Ressources humaines, est à la fois caustique, pertinente et très drôle, quoiqu'elle n'ait rien de spécifiquement australien, on s'en doute. Comédie de mœurs, tragédie sociale, thriller implacable et même western urbain, Et si le cheval se mettait à parler est un modèle de zeitgeist socio-économique qui permet aussi, ce n'est pas le moindre de ses atouts, de se divertir intelligemment.

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le 2 oct. 2021

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