La télévision a du bon parfois : c'est ainsi que j'ai découvert ce livre lors d'une émission littéraire en 2012 et que j'ai souhaité l'acheter tout de suite, tellement l'auteur m'a semblé intéressant et tout à fait singulier.Pascal DIBIE est professeur d'ethnologue à l'Université Diderot. Ce n'est donc pas un petit auteur. Il a d'ailleurs écrit d'autres ouvrages qu'il sera par la suite intéressant de découvrir.Venons-en à notre livre : depuis le début de l'humanité, les hommes se bornent à mettre un obstacle entre l'intérieur et l'extérieur, la plupart du temps pour se protéger aussi bien du froid que de tout ennemi potentiel : bêtes, insectes, ennemis. Quand il ne s'agit pas non plus de démons ou de sorciers, susceptibles de jeter un sort aux habitants du lieu, ou le plus ouvent à un nouveau né. Les coutumes les plus ancestrales, comme d'autres plus proches de nous, nous apprennent que dans certaines régions de France (comme ailleurs) les enfants morts nés ou les foetus étaient enterrés sous le seuil de la porte, pour conjurer le mauvais oeil.Mais cet exemple n'en est qu'un parmi des centaines d'autres à travers les siècles et tous les continents toujours variés et parfois farfelus, le plus souvent liés aux coutumes ou à la superstition. le lecteur s'étonnera pratiquement à toutes les pages, soit en riant, soit en fronçant les sourcils, soit en se rappelant ce qu'il a pu déjà lire ici ou là, dans des livres d'histoires des civilisations, ou bien encore dans la Bible.Pourquoi s'enferme-t-on ? diverses réponses, selon les lieux, les époques. Mais plus encore : à l'intérieur même d'une maison, il y a la porte du cabinet de toilette, du w.c. très exactement. Sait-on qu'à l'époque de Louis XIV la pudeur n'était guère en vigueur et que l'on satisfaisait ses besoins un peu partout, au vu de tous, les hommes baissant leurs pantalons sans vergogne, et chose plus fâcheuse, la plupart des courtisans du Louvre faisaient leurs besoin n'importe où, dans le château du Roi, au point qu'il fallut bientôt trouver des solutions pour faire face aux puanteurs qui devenaient irrespirables. C'est ainsi que la pudeur faisant peu à peu son apparition dans les maisons, on prit l'habitude de se cacher pour faire ses besoins, et qu'une porte vint mettre à l'abri des regards des autres membres de la famille celui qui se soulageait, enfin tranquille dans son petit cabinet ! Je n'invente rien ! (voir page 195)Pascal Dibie a fait un véritable recensement de toutes les portes et de toutes les coutumes, la France bien sûr y est plutôt privilégiée (on s'amuser à lire les complications liées aux serrures et clés emportées par des locataires, au grand agacement des propriétaires qui, à partir de 1780, durent avoir recours aux portiers pour surveiller leurs portes. Notons qu'à cette époque, il était encore bien difficile de trouver une personne, car les portes n'étaient pas numérotées, et porter une lettre relevait d'une foule d'indications où l'entourage faisait office de "guide". Un fleuriste, un chapelier, un cabaret, tout cela figurait sur l'enveloppe destinée á la personne, afin qu'elle puisse recevoir son courrier. L'étage, même, y était porté !En Afrique, en Asie, en Océanie, les portes jouent un rôle symbolique, tantôt ouvertes et bienveillantes, parfois en simple papier, tantôt représentant une sorte d'arc où passaient jadis les esclaves, comme si le fait de repasser en dessous rappelait le souvenir, ou bien pouvait le faire oublier.Résumer 400 pages n'est pas facile, tant les détails fourmillent, fascinent, à tel point qu'on se plaît à relire plusieurs fois les mêmes passages.A la fin du livre, le lecteur trouvera une table où sont énumérés tous les types de portes, leur devenir, leur utilisation, leur localisation.Le lecteur ainsi finit par se demander comment, aujourd'hui, il en est arrivé à se trouver comme fermé à double tour derrière sa porte ou ses portes. Plus l'on est protégé, semble dire Dibie, plus l'on est ou l'on croit être en danger.La leçon philosophique est claire, et il semblerait que nous gagnerions beaucoup à ouvrir notre coeur en laissant plus ouvertes nos portes, notre porte, quitte, peut-être, à risquer. Mais ouvrir sa porte reste une invitation au partage et à la confiance, et si cet état de fait semble, pour la plupart d'entre nous une disposition délicate, difficile et inhabituelle, on peut considérer qu'il serait idéal de pouvoir, un jour, arriver à ne plus mettre de clé à sa serrure, voire à ne plus avoir de porte du tout. Mais cela, c'est une autre histoire !

Elisabeth-Noguerol
10

Créée

le 10 sept. 2023

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