OEIL DE GUERRE, être étang-étant? Oeil de Guerre, l'étroit mousquetaire

"Il est celui qui ne peut être nommé"
Heil Von Krieg, Die Yog-Sottoth Hefte

J'aime bien écouter france culture. C'est une radio pluraliste : on y retrouve des démocrates et des maoistes, des Finkielkraut et des Badiou, qui partagent bras dessus bras dessous l'omertà à l'égard du nazisme de Heidgger.
En guise de critique de ce bouquin indigeste, mais sûrement moins que les 100 et quelques volumes de l'oeuvre complète - heureusement, j'ai su m'arrêter avant la lecture complète d'aucun de ses livres - , je compile ci-dessous mes commentaires sur la critique de Piero.

Pour commencer, je renvoie au lien que Piero a fourni dans ses commentaires, un texte de Richard Wolin sur Heidegger et Arendt.
http://republique-des-lettres.fr/martin-heidegger-0000.php

La rencontre des cerveaux 2e partie (1):
"Lorsque j'étais en hypokagne, mon prof de philosophie, François Vezin, ne cessait de s'absenter pour rendre visite à Heidegger, dont il était l'ami et dont il devint le traducteur. Quelques semaines avant le décès du philosophe en 1976, il nous confia que Heidegger lui avait fait découvrir un auteur mal connu et mal compris : Carlos Castaneda."
Christophe Bourseiller "mémoires d'un inclassable" p 212

"En 1933, en réponse à une question de Jaspers voulant savoir comment il pouvait considérer quelqu'un d'aussi inculte qu'Hitler capable d'unifier l'Allemagne, Heidegger s'exclama: "Ce n'est pas une question de culture. Regardez la beauté de ses mains !". cela relevait d'un existentialisme politique. Heidegger proclamait que la place de la raison en ce qui concerne le pouvoir est limitée, ou qu'elle n'y a pas de place du tout, l'action et l'authenticité étant ce qui importait. Dans ses cours suivant la prise du pouvoir par Hitler, Heidegger défendit ardemment le Führerprinzip, le principe du Chef. Comme il l'enseignait dans ses cours sur Hölderlin, "le vrai et l'unique Führer indique en vertu de son Etre le royaume des demi-dieux". il croyait que la démocratie était responsable de la chute de la polis antique. Et cela allait presque sans dire que "le vrai n'est pas pour tout homme mais seulement pour le fort"."
Tiré du texte de Richard Wolin (lien de la république des lettres).
Si on met en regard le comportement de petit chien d'Arendt envers Heidegger, et son interprétation du comportement des nazis et des juifs... Consternant est un faible mot.

Je ne vois qu'un horizon au cheminement de Heidegger : le mysticisme-certaines pratiques visant à l'action sans pensée (méditation bouddhiste et arts martiaux orientaux)-l'état des animaux en relation directe avec la nature.
Ce qui colle avec le goût des nazis pour la mythologie et l'occultisme-leur régime militariste (un bon soldat accomplit les ordres sans réfléchir)-l'attachement au sol. Martin ne serait qu'un épiphénomène idéologique, l'expression de l'état d'esprit d'une nation à son époque.
Le fond de sa pensée n'est alors qu'une nostalgie de l'âge d'or et d'une unité entre "l'homme" et "la nature", une forme abstraite du romantisme , d'où son problème avec la "technique".

Oeil de Guerre, en bon aspirant gourou mégalomane, prétend accomplir ce que toute la philosophie jusqu'à lui a omis de faire, parler de la vraie réalité, l'"être". Attention, tous les autres avant lui étaient à côté de la plaque, l' "être" pur qui précède toute incarnation particulière, c'est pas dieu ! Même s'il en partage la qualité d'inconnaissable. Ce qui n'empêche pas Oeil de guerre, comme un théologien ou un mage quelconque, de gloser pendant des volumes sur cet inconnaissable - mais je ne crois pas qu'il se soit consacré à épuiser le champ des paraphrases possibles sur "Je ne sais pas".
La distinction entre "dieu" et "être", c'est bien du pipeau, puisque les deux sont hors de portée du savoir, de l'investigation scientifique. Heidegger dit carrément dans ses cours qu'il ne devrait même pas nommer ça, l' "être". Le sujet de prédilection de sa matière favorite, l'ontologie, est indéfinissable. C'est un peu comme un souffle de vent sur un pet de moustique : le domaine de la poésie.

Il était possible de se rendre compte rien qu'en lisant les écrits disponibles en France, que Martin relevait du mysticisme moisi. On pouvait alors comme ci-dessus, concevoir qu'une telle conception de la philosophie n'entrait pas du tout en contradiction avec la mentalité nazie.
"La philosophie divise [analyse] et la poésie unit", aurait écrit H sur Holderlin. Ce rêve d'unité (avec la nature et entre les hommes) trouve facilement des débouchés nationalistes et fascistes.
Après tout, on sait les accointances de certains courants de pensée occulte avec l'extrême droite et le nazisme, et l'on pourrait me reprocher un raccourci facile. Mais voilà, il suffit d'examiner les "pensées" mégalomanes et erratiques respectives et ça s'accorde déjà. Ensuite, quand le contexte est pris en considération, le doute n'est plus permis: parler d'unité dans une Allemagne dérivant vers l'autoritarisme après avoir fait taire dans le sang la contestation de gauche (Rosa Luxembourg et les révoltes de 1917...), ça prend un certain sens.

Etant donné le travail efficace de dissimulation qui avait été entrepris sur sa "pensée", il reste pourtant possible d'être étonné par le degré de saloperie qui est mis au jour.
Pour ceux qu'un doute déraisonnable continue d'habiter, il suffit d'exhumer les textes et de lire ce qui avait été censuré jusqu'à aujourd'hui. Je comprends tous les nullos qui refusent d'admettre leur vertigineux aveuglement. Après tout, Badiou a-t-il jamais reconnu les crimes de Mao (on m'apprend qu'il l'a fait pour ceux de Staline, attendons encore quelques décennies...)? Et Finkielkraut peut-il se confronter à l'antisémitisme d'un gars sur lequel il a effectué un bienveillant travail de vulgarisation ?
Oeil de Guerre être content.

(1)La première partie c'était ça :
"Lacan est un homme des lumières, un rationaliste intégral" Badiou circa 2004. Les grands esprits (le maoiste et le glossolaliste) se rencontrent.

J'ai bien du mal à comprendre ce qui empêche les maoistes d'embrasser aussi pleinement l'oeuvre stalinienne, et si je ne confonds pas les personnages, je me permets de confondre leurs adeptes.