Fahrenheit 451
7.7
Fahrenheit 451

livre de Ray Bradbury (1953)

Elle avait un visage menu, d’un blanc laiteux, et il s’en dégageait une espèce d’avidité sereine, d’

J’ai eu le malheur de démarrer Fahrenheit 451 un soir après une soirée. Meilleur début de nuit ever.

Oui ! Ce n’est pas un malheur que de démarrer Fahrenheit 451 ! Jamais !

Ca n’avait pourtant pas très bien commencé. Passer une soirée avec des potes alors que j’avais une course le lendemain, point trop d’alcool, point d’horaire tardif. Et je m’allonge dans ce lit de prêt, dégaine mon Kindle… Man, j’adore lire en me couchant, surtout quand je ne dors pas chez moi. Mes affaires sont en tas, je n’ai à gérer de mes histoires que le paquet que j’ai amené, je m’allonge, Kindle en main (ah merde, substantivation, moi aussi, je suis contaminée, bouffonne que je suis), je lis quelques pages, parfois beaucoup trop car j’adore trop cela, puis le repose sur mon tas et éteins la lumière, l’extase.

Alors j’ai donc choisi un livre. En attendant de reprendre la Comédie Humaine, j’écluse ma PAL comme disent les bouquineurs. Je hais cette expression, Pile à lire, c’est vraiment trop technique, ça a un caractère si contraint… pour moi ce sont mes envies, ma culturation à la rigueur, ouais, je ne suis pas à une contradiction près, je hais certaines expressions et en utilise d’autres qui ne valent pas mieux, chacun ses mauvais goûts.

J’ai donc choisi ce soir-là Fahrenheit 451, que je sais que je dois lire depuis un petit moment, comme par exemple je l’ai acheté à une brocante il y a bien quelques années. Arrivée là, je lis la note sur l’auteur, et Oh mon Dieu, il y a poésie dedans. Arf, forcément, je m’attends à un truc illisible. Oui je ne suis pas poétique comme meuf, mais il faut dire la dernière fois c’était Boris Vian, mais siiii, L’écume des jours, et j’avais passé un moment un peu difficile. Tu vois Garth Algar tout seul devant la caméra, J’passe vraiment un moment… nul ? Ben pareil, en plus long.



Je démarre quand même, on va pas se décourager pour si peu, en sautant toute la préface (la préface c’est le meilleur moment pour briser toute poésie, soit dit en passant).

Choc.

Le lundi, brûle Millay, le mercredi Whiteman, le vendredi Faulkner, réduis les en cendres, et puis brûle les cendres.

Une écriture poétique, pour de vrai, des images, des figures de style dont je ne connais pas le nom mais qui font de l’effet, qui me font tout drôle, l’extase en réel, mon cerveau frétille du bonheur d’être titillé comme il se doit. Ray Bradbury a touché mon point G intellectuel.

Elle avait un visage menu, d’un blanc laiteux, et il s’en dégageait une espèce d’avidité sereine, d’inlassable curiosité pour tout ce qui l’entourait.

Ce monde est un futur digne d’Idiocracy, si ce film était fait pour réfléchir, l’humanité fuit en avant, brûle ce qui est différent, enflamme ce qui fait que tu te sens inférieur, et si ton cerveau fait des nœuds, accélère, écrase quelques piétons, ça te détendra.

Combien de gens vivent comme ça ? Comme ce slogan chien : Si ça ne se mange pas, ne se baise pas, pisse dessus. Fais plein de trucs, ça t’évitera de penser à tout ce qui ne va pas. Mais j’ai mal posé ma question : y a-t-il des gens qui ne vivent pas comme ça ? De voir que là, autour de moi dans le train alors que j’écris, sur une dizaine de personnes plus de la moitié lit 20 minutes, tout cela en dit long sur l’intérêt de la masse pour la chose intellectuelle. Zéro. Rien. Niente. De penser comme tu es mal vu parmi tes collègues quand tu n’es pas au courant du moindre fait-divers arrivé à Berck sur Mer.

Le fond de l’histoire est assez fondé tu vois. Le petit manque, ce qui fait un peu drôle, c’est qu’on passe directement des années 1950 à ce futur hypothétique, j’ai cru lire cinq siècles plus tard, mais l’histoire entre les deux reste absolument floue. Je comprends tout à fait que Ray Bradbury n’ait pas voulu s’attacher à ces considérations, mais ce qui fait vraiment bizarre, c’est qu’il parle des années 50, années qui sont pour nous assez insignifiantes dans notre futur, aussi insignifiantes que tout ce qu’il y a avant, peut-être même un peu plus que les deux guerres mondiales par exemple.

Mais je trouve formidable qu’on puisse écrire un vrai bon livre de science fiction en se dégageant de ces contraintes de vraisemblance. Toute magie a disparu de nos jours (c’est plus c’que c’était ma bonne dame), la simple magie de ne pas savoir, de s’en foutre, de l’empirisme. Un message d’espoir donc. Comme dans le livre, il est toujours possible de revenir en arrière, il suffirait d’un bon cataclysme, une bonne petite guerre, ça nous ferait la bite.

« C’est vrai qu’autrefois les pompiers éteignaient le feu au lieu de l’allumer ?
– Non, les maisons ont toujours été ignifugées. »
Phae
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le 19 janv. 2015

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Phae

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