Un communiste Breton pense à devenir socialiste puis finalement loup-solitaire.

"Faire son chemin en dehors de la route, ce n'est pas pareil que dérailler"

Livre que j'avais abandonné au début lors d'une première tentative, mais suis ravi d'avoir retenté: un vrai film!

Il me rappelle un mélange de 'Germinal' (notamment la rencontre avec une théoricien), avec des moments et sujets rappelant des aventures et pensées de Jean Valjean,

une période me rappellera la première scène d' 'Inglorious Bastard',

l'amour du couple m'a fait penser à celui dans 'Une vie cachée'.

Une assez drôle longue scène de restauration de sol d'église sur plusieurs semaines, me rappelle des moments dans mes Don Camillo. Gwaz-Ru le rouge très anticlérical à forte gueule est forcé par son patron, une sorte de Peppone, à bosser à genoux dans ...une église, pour la mater.

Le dernier quart pendant la guerre et surtout sa fin, m'a semblé un peu plus précipité que toute la première moitié.

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Résumé SC et autres: "Nicolas/Kolaz Scouarnec, alias Gwaz-Ru, " l'homme rouge ", a quitté sa campagne de Briec pour s'embaucher comme manœuvre dans le bâtiment..."

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Très vite, il en bave tellement dans le bâtiment, qu'il regrettera un temps la dureté de la campagne. ("L'initiation de Gwa-Ru se fit dans le roc. Il regretta la campagne").

Il apprend son métier. Devient bon et acquiert la réputation de faire un travail consciencieux. ("(il)apprit qu'un caillou avait un ventre et un dos (...) appris à les reconnaître, dont les informes, justes bons pour les fondations...(appris à utiliser) les massettes et les marteaux à pointe).

Il est communiste mais très vite son caractère indépendant fait ombrage à son chef, Bodinger (sorte de Peppone; prenant beaucoup du tabac de ses ouvrier...il leur fallait donc "prévoir sa part": "communiste et partageur des biens d'autrui")

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Sujets d'avant-guerre qui résonnent de nos jours:

__Gwaz-Ru envisage de devenir socialiste. Les passages où il rencontre les socialos sont sans doute ceux que j'ai ressenti les plus contemporains, alors que ça se passe entre les deux guerres puis pendant. La gauche caviar me vient à l'esprit; un peu hélas le "tous pourris", mais surtout l'idée de rester ouvert et d'écouter sans a-priori.

__Et le bel entreprenariat aussi, le vrai, pas l'auto-entreprenariat où les esclaves sont liés avec l'employeur pour tout sauf ses devoirs: "Il y a de l'avenir dans la construction mais ne reste pas trop longtemps salarié. L'idéal est de se mettre à son compte."

__Il est aussi beaucoup question de reconversion, de retour à la nature et d'auto-suffisance.

__La préservation de l'eau par un manager: il est question d'un patron très très dur et surtout exigeant mais qui "accordait des délais de paiement" et offrait gratuitement aux nouveaux propriétaires commandant une maison "un système de récupération des eaux pluviales. Compris dans le prix de la maison, sur tous ses plans-types figurait dans la cave un lavoir en béton banché, alimenté par une gouttière intérieure branchée sur celles du toit."

__On apprend que l'amoureuse du héros, Tréphine, avait commencé à travailler comme bonne "à l'âge de douze ans" (aux Etats-Unis, des villes viennent d'autoriser à nouveau le travail des enfants!).

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Ma partie préférée est tout le début et quand il commence à encore plus penser par lui-même grâce à sa rencontre et grande amitié avec un professeur de philosophie. ("au teint pâlichon d'un gars qui ne gagne pas son pain au soleil").

La journée, il apprend un métier et les soirs de repas, il étoffe sa culture générale auprès du jeune voisin à qui il offre une répartie aidante aussi: leurs dialogues m'ont rappelé des livres étudiés au Lycée sur des maîtres et disciples, inversant les rôles etc.

Alors qu'il désespérait un peu, il tombe sur un super café/restaurant et une rencontre romantique puis très sexuelle sont mes passages les plus immersifs.

Le philosophe ne lui fait pas la morale mais lui pose des questions ("Remplacer une classe de privilégiés par une nouvelle élite autoproclamée? Tu n'as pas l'impression d'être embrigadé?).


_"On s'instruira mutuellement" _"Je n'y connais rien à rien , moi" _"Allons...Tu as une expérience de la vraie vie que je n'ai pas". _"Tu es un drôle de professeur, toi", dit Gwaz-Ru, ému. Ce type si frêle, qu'il aurait pu étouffer d'une accolade virile, lui retournait quelque chose à l'intérieur.

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Le plus gros défaut de Gwaz-Ru est d'être un anticlérical caricatural mais ses rencontres avec des curés et bonnes soeurs décentes lui apporteront un peu de nuances dans ses jugements sectaires à l'emporte-pièce...il se rend compte que des croyants sont de vrais soucieux de la santé des autres et travaillent pour améliorer le sort des autres.

Et eux se rendent compte que tous les gauchistes n'ont pas des couteaux entre les dents.

Lui aussi, fait changer d'avis les plus catégoriques au sujet des hommes dits de gauche.

Chacun apprend la nuance, met de l'eau dans son vin et fait un pas vers l'autre.

Comme devrait l'être les relations dans la vie.

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Le livre fait partie d'une saga familiale mais se lit parfaitement indépendamment.

Tout le monde autour de moi connaissait l'auteur: Hervé Jaouen, dont la sympathique tête et ce livre me donnent envie d'en tenter encore plus (il n'est jamais trop tard).

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Extraits choisis, très aléatoires:

__"...Maë Laouen, d'un pas dandinant d'oie de Noël, se présentait avec le plat de résistance."

__"Ce n'est pas de refus, dit Gwaz-Ru, j'ai le ventre tendu comme une vache prête à vêler"

__(reconversion de la campagne à la ville, dans le bâtiment) "si t'as signé, c'est pour en baver! Si t'avais rempilé dans l'armée, à l'heure qu'il est tu serais à Biribi, à casser les cailloux sur une route pour que les colons s'y promènent en Cadillac"

Où je découvre que Biribi n'est pas une ville mais le surnom "des bataillons disciplinaires d'Afrique du Nord".

__"Aux anges, GW passa en revue les actrices de ce spectacle inédit..." (des ouvrières viennent à son restaurant prendre leur courte pause-repas)

__"Entre une fille qui n'a jamais été courtisée et un garçon qui n'a jamais fait la cour, le chemin vers le premier baiser serait aussi long et tortueux que la grande troménie de Locronan."(procession millénaire)

__"Hopala ! Tu ne serais pas un peu kog ha yar sur les bords par hasard? " (Littéralement: "coq et poule"=Hermaphrodite, asexué...note de bas de page 74)

___"Mais pourquoi il y a une pierre qui dépasse du pignon?"..."C'est la caillou de la honte d'un chantier qu'un propriétaire pizh (avare) n'a pas assez arrosé. Et quand le chantier n'a pas été arrosé du tout, on fait pire. On met le caillou à l'intérieur du carré de cheminée. Elle refoule et le radin (pizh) est enfumé".

__"J'ai entendu une grand-mère interdire sa maison à ses petits-enfants qui n'avaient pas été baptisés. Les enfants du diable, qu'elle gueulait."

__"Hopala! Vous savez ce qu'on dit aussi: quand on va aux noisettes à deux, on en revient à trois"

__"Red e anavezout araok karout/il faut connaître avant d'aimer" __"Je vous connais déjà"

___"Je ne sais pas. Je ne sais plus. Tout ça est torrpenn (casse-tête). Je n'aime pas beaucoup ces façons de nous entortiller. Il y a des cadeaux qui coûtent cher"...dit Gwaz-Ru qui résiste à l'emprise de communistes sur sa vie et son lieu d'habitation..."On m'a fabriqué comme ça, pour penser qu'il vaut mieux être le fil de fer autour du fagot qu'une branchette à l'intérieur"..."Le bout de bois dans le fagot est tranquille au milieu des autres" lui dit son amoureuse..."Ouais, mais il finit dans le feu".

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le 24 juil. 2023

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PierreAmo

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