Après Royal, Jean-Philippe Baril Guérard continue dans sa lancée de protagonistes masculins à l'équilibre psychologique douteux. Toutefois, le recyclage de la recette s'adapte moins bien à cette histoire d'humoriste frustré, oscillant entre peine d'amour et désir de reconnaissance.
Déjà, la rédaction à la deuxième personne ("tu") a quelque chose d'assez pénible. Si, dans Royal, le procédé rendait l'écriture plus vivante, situant le lecteur au niveau de la conscience interne du personnage, dans Haute démolition cette façon d'écrire semble davantage gratuite, avec l'apparition d'une narratrice-pythie qui justifie très maladroitement cette écriture et atteste de l'hésitation de l'auteur à assumer son parti pris stylistique - en plus de venir s'intercaler comme une barrière entre le psychisme du personnage principal et le lecteur.
Ensuite, on ne comprend pas bien où Baril Guérard veut en venir. Si, dans Royal, le personnage principal était dans une grande détresse psychologique, celle-ci reflétait néanmoins un phénomène sociétal (celui de la pression de performance académique). Or, dans Haute démolition, bien que le protagoniste ait également une santé mentale douteuse, la justification ressemble à un bric-à-brac d'éléments empilés pour masquer un manque de construction. Ainsi, les problèmes personnels font office de rallonges pour essayer de justifier une déchéance (qui d'ailleurs peine à se concrétiser) : peine d'amour, intimidation au secondaire (une bonne dizaine d'années avant l'histoire), dépendance à l'alcool... Que voulait vraiment raconter l'auteur, avec son personnage pas vraiment "universalisable", et dont la chute n'est pas à la hauteur du titre ? Pourquoi ne pas avoir plutôt raconté l'histoire de son ami, qui lui semble y aller à fond dans les vices du show-buisness et vit quant à lui une véritable descente aux Enfers ? Cela donne vraiment l'impression que l'auteur se serait précipité pour essayer de reproduire un deuxième Royal sans travailler le contexte ni les motivations des personnages.
Un texte dans lequel j'ai cru, mais qui in fine m'a fait perdre mon temps.