Comment écrire une histoire des sciences en 124 pages de Que sais-je ? Etant donné qu'il existe déjà des ouvrages massifs à ce sujet, Yves Gingras a dû faire des choix. Son introduction pose un certain nombre de débats. Un premier chapitre reprend la création de l'épistémologie, puis fonctionne en ordre chronologique : sciences anciennes, de l'Antiquité au XVIe siècle, dominée par la tradition scientifique grecque ; émergence de la science entre le XVIe et le début du XIXe (nouveaux instruments d'observation et nouvelles méthodes mathématiques), puis multiplication et convergence des disciplines (du XIXe à nos jours), avec des sciences plus systématiquement quantitatives et tournées vers les applications industrielles. G. explique dès l'introduction qu'il cherche une juste voie entre l'internalisme, qui considère qu'une discipline va d'elle-même, du fait des individus qui se succèdent, progresser au fil du temps, et externalisme, qui tient compte des conditions dans lesquelles se fait la recherche : dans chaque section chronologique, certaines parties sont consacrées aux découvertes en elles-mêmes et d'autres aux lieux de savoir, aux conditions de financement, aux rapports avec le pouvoir etc...
Il s'agit d'un modeste survol qui ne prétend pas faire un tableau exhaustif, mais simplement poser les jalons les plus importants. La bibliographie, un peu sommaire (une page), est là pour aider le lecteurs à creuser.


Gingras pose une définition claire de la science : "des pratiques qui visent à décrire et à rendre raison des phénomènes naturels par l'observation".


I - Histoire et usages de l'histoire des sciences.


Avant de devenir une discipline formalisée, l'épistémologie était pratiquée par les savants comme source de légitimité, à l'exemple de Copernic se réclamant d'Aristarque de Samos. Elle a contribué à renforcer une identité, à l'image d'Eudème (IV s. av. J.-C.) qui fit une histoire de l'arithmétique, de la géométrie et de l'astronomie.
Au XVIIIe, elle sert le projet des Lumières, la foi en le Progrès, tel l'Histoire de l'astronomie (1775) de Bailly ; elle affirme la rupture avec les superstitions antérieures aussi (Traité élémentaire de chimie de Lavoisier, 1789). Elle se réclame aussi d'un processus de civilisation qu'on peut faire remonter à Francis Bacon, avec l'idée qu'il faut désormais glorifier non les combattants, mais les inventeurs. En 1913, le belge Sarton fonde la 1e révue d'histoire des sciences, Isis, et à la fin des années 1950 paraît la fameuse encyclopédie des sciences de René Taton. D'autres oeuvres encore (Ch. Percy Snow, Maurice Daumas) ont essayé de réconcilier la culture scientifique avec le reste.
Il y a eu aussi une dimension nationaliste dans l'histoire des sciences, notamment au XIXe pendant les périodes d'unification nationale. Joseph Needham a tenté une histoire des sciences non centrée sur l'Occident, quitte à surévaluer l'apport chinois, et des ouvrages récents se concentrent sur la science arabe.
Globalement, l'histoire des disciplines oscille entre des explications "internalistes", qui se concentrent seulement sur la démarche intellectuelle, et "externalistes", qui attribuent les progrès à un contexte social, économique, religieux, qui a rendu possible une découverte. La vérité est entre les deux, même si à partir du XIXe, la science est plus visiblement au service du capitalisme et des intérêts industriels.


Après Isis, d'autres revues sur l'histoire de la science apparaissent : en 1919, Archivio di storia della scienzia (Archeion à partir de 1927) ; à partir de 1929, Archives internationales d'histoire des sciences ; en 1936, Annals of science.


L'histoire des sciences a connu des oscillations historiographiques. Au départ, elle se concentre sur la figure du découvreur. Pour Comte, elle s'inscrit dans un progrès continu de la Raison. En 1931, au Congrès international des sciences à Londres, le soviétique Boris Hessen lance un pavé dans la mare en expliquant les découvertes de Newton non par son génie, mais par les conditions matérielles de son époque. Dans les années 1950, Alexandre Koyré revient à une tradition présentant l'histoire des sciences comme celle d'un cheminement autonome de l'esprit. Il s'écharpe avec un courant plus tourné vers les conditions sociales, affirmé par l'ouvrage collectif Scientific change (1963), avec notamment un vif débat entre Koyré et Henry Guerlac. Koyré : "Athènes n'explique pas Eudoxe, ni Platon. Pas plus que Syracuse n'explique Archimède, ou Florence Galilée". En 1962, La structure des révolutions scientifiques de Th. Khun devient un classique et laisse l'espace pour de la sociologie des sciences. Les années 1990 vont plutôt vers une histoire culturelle, liée aux représentations de la science, avec un retour de balancier depuis.
Le traitement des périodes, après un fort accent sur la Grèce et le XVIIe siècle, s'est progressivement rééquilibré. Il y a désormais une tendance à l'émiettement qui défie la rédaction de synthèse sous forme de grands récits.


II - Les sciences anciennes (500 av. J.-C.-1600 ap. J.-C.).


Avant d'ouvrir sur la Grèce, G. rappelle que la science part d'une méthode d'enregistrement des savoirs nées en Mésopotamie vers 3300 av. J.-C. : l'écriture, invention la plus décisive de l'Humanité. Quant aux nombres, utilisés d'abord pour le commerce, à mesure que les besoins économiques se complexifient, ils deviennent des mathématiques. Les Egyptiens développent surtout la géométrie, les Babyloniens l'astronomie mathématique. Cette discipline est également au service de l'arpentage, du calendrier, du calcul de l'impôt. Il existe des textes babyloniens (vers 1500) consacrés à la longueur des jours, etc... Des listes d'éclipses remontent au VIIe s. av. J.-C. et identifient un cycle de 18 ans concernant les positions du soleil et de la lune (223 mois lunaires), ainsi que le rapport 19 années solaires = 235 mois lunaires. On attribue ce cycle à l'astronome athénien Méton, les astronomes chinois l'ont aussi identifié dans leur coin. Ces observations supposent de diviser le ciel (zodiaque = 12 portions de 30 degrés chacune), et des instruments basiques (gnomon et horloge à eau).
La cosmogonie grecque nous est plus accessible, ne serait-ce que par leur alphabet simplifié de 27 lettres. Les sources sont maigres : on dispose d'un corpus hippocratique dont les auteurs ne sont pas sourcés et de fragments des présocratiques. Il faut attendre Platon et Aristote pour avoir une idée de ce qu'est un corpus complet. La nouveauté grecque est qu'elle n'enseigne pas des suites d'opération à reproduire, mais part de postulats à partir desquels chacun construit sa réflexion. Par ailleurs elle pense le cosmos comme un tout ordonné en trois dimensions. Les mathématiques progressent avec les Eléments d'Euclide, les Coniques d'Appolonius et les oeuvres d'Archimède, qui relie les maths à l'optique et la mécanique. En astronomie, le Timée diffuse l'idée de sphères concentriques centrées sur la Terre, raffinée ensuite par Eudoxe de Cnide, Hipparque (plus empirique) et surtout Prolémée (100-168) dont l'oeuvre a été transmise par les savants arabes (Almageste, "grande oeuvre"). Eratosthène (284-192), directeur de la bibliothèque d'Alexandrie, évalue la circonférence de la Terre, et Aristarque de Samos tente une estimation e la distance Terre-Soleil et Terre-Lune. Des savants arabes glosent tous ces auteurs.


Concernant le vivant, les premières théories attribuent tout à une substance unique (l'eau chez Thalès, l'apeiron chez Anaximandre, l'air chez Anaximène), réfutés par les Eléates (Parménide, Zénon) qui montrent que cela nie tout changement d'état. C'est Empédocle qui résoud le problème avec la théorie des quatre éléments présents dans des proportions différentes, conception qui reste dominante jusqu'au XVIIIe siècle. Leucippe de Milet (460-370), lui, pense à des atomes, théorie reprise par Lucrèce, mais peu suivie jusqu'à sa redécouverte à la Renaissance. La théorie médicale de Galien reprend cette théorie avec quatre humeurs : sang/air, bile jaune/feu, bile noire/terre, flegme/eau, qui changent de l'un vers l'autre selon qu'ils sont chaud, froid, sec ou humide. Le Timée modélise cela à partir de triangles, manière de réintroduire une harmonie mathématique.


Aristote critique Platon en distinguant bien maths et physique. Il se base sur l'observation, par exemple la vivisection. Ses traités de biologie, d'astronomie feront autorité jusqu'au XVIIe siècle. Il distingue trois âmes : nutritive, sensitive et rationelle. Il est parfois critiqué, par Jean Philipon, Avicenne, Buridan ou Nicole Oresme, mais l'idée centrale d'Aristote, que chaque élément a une tendance vers son lieu naturel, est importante.
G. s'intéresse ensuite aux lieux du savoir. Au départ il s'agit de scribes dépendant des cours royales et des temples. Avec la démocratisation de l'écriture grecque, des foyers de savants naissent en Asie mineure (Milet, Samos), avant d'être supplantés par Athènes au Ve s. Il y a aussi des rois mécènes comme Denys de Syracuse, Philippe de Macédoine, puis évidemment les Ptolémées d'Alexandrie et les empereurs romains. Alexandrie devient incontournable à partir du IVe s. av. J.-C., avec des centres secondaires comme Cyrène, Rhodes, Pergame, Ephèse, Cos. Au début du IIIe s., la bibliothèque d'Alexandrie est la première institution dédiée au développement et à la sauvegarde du savoir. On y trouve Démétrios de Phalère, Aristarque, Eratosthène, HIpparque, des médecins (Hérophile, Erasistrate), des mathématiciens (Héron d'Alexandrie, Pappus, Hypatie), des ingénieurs (Ctésibios, Philon de Byzance).
Après la chute de l'Occident, les centres intellectuels se déplacent vers Bagdad, Damas, Cordoue, Alexandrie rebaptisée Le Caire, grâce au patronage des califes. Al-Khwarizmi, Al-Kindi, Ibn al-Haytham, Avicenne, Averroes, ou des astronomes comme Al-Tusi et Al-Shatir. Il y avait quatre fois plus de savants dans le monde musulman qu'en Europe entre le VIIIe et le XIVe siècle. Al-Mamun, au IXe s. fait bcp pour le mécénat à Bagdad, mais c'est aussi le cas de l'envahisseur mongol Hulagu qui fait construire l'observatoire de Maragha (un autre à Samarkand).
Malheureusement parfois le mécénat se tarit avec la mort du prince, comme le montre l'histoire de l'observatoire d'Uraniborg, construit pour tycho Brahe. Les dirigeants financent surtout l'astronomie, l'astrologie et la médecine. Ces activités restent socialement marginales. Entre 450 av. et 150 ap. J.-C., on compte environ 100 savants par génération, et moins après. Avec l'essor des vilels au XIIe siècle, et un intense mouvement de traduction dans le monde arabe, des textes parviennent jusqu'en Occident. Les premières universités d'Europe ont pour modèle Bologne, Paris et Oxford. La chute de Constantinople amène aussi un afflux de textes vers l'Occident, et l'imprimerie propose même des traductions en langue vulgaire. Aristote, Galien forment un corpus de base christianisé par Thomas d'Aquin et Albert le Grand. Le savoir est dispensé à travers l'exercice de la disputatio, qui a le mérite d'ouvrir la voie aux spéculations théoriques. Les voyages d'explorations de la fin du XVe siècle ouvrent également les perspectives.


III - Le renouvellement des sciences.


Depuis les années 1950, on parle de "révolution scientifique" pour la période allant de 1500 à 1800. Les savants de l'époque avaient conscience de mener des avancées, comme en témoignent Keler, Tartaglia ou Bacon. Galien, Aristote deviennent désuets. Les mathématiques se démodent moins mais l'apparition du calcul différentiel et intégral, de l'algèbre et la géométrie analytique changent la donne. Les sciences du vivant et la médecine, elles, progressent peu.
La révolution commence en astronomie, afin de résoudre les contradictions du système de Ptolémée (distinction entre l'épicycle et l'équant). Copernic suit le trivium et le quadrivium à Cracovie, puis en Italie, où ils se familiarisent avec le néoplatonicisme critique d'Aristote. Rentré en Pologne, il s'ennuie, rédige un traité monétaire et rédige le Commentariolus, à tirage limité, qui propose l'héliocentrisme. Son De revolutionibus orbium coelestium paraît à Nuremberg peu après sa mort. Vient ensuite Tycho Brahé, qui part l'observation démontre que les comètes sont non pas des phénomènes météorologiques comme le pensait Aristote, mais astronomiques, depuis son observatoire d'Uraniborg, qui permet de multiplier par cinq la précision des observations. Kepler, profs de maths allemand, devient son assistant et popularise les thèses de Copernic. Il découvre que la trajectoire des planètes est une ellipse et non un cercle, énonce plusieurs lois, et publie des ouvrages coperniciens. Il réconcilie physique et astronomie en considérant les corps célestes comme de grandes masses semblables aux corps présents sur Terre. Il énonce la thèse d'un champ magnétique terrestre et de l'influence de la lune sur les marées (idée que Galilée trouve ridicule). Mais c'est la mise au point du premier télescope par Galilée en 1609 qui change la donne. Il permet de distinguer des reliefs lunaires, les tâches solaires etc...Pisan, il obtient le soutien de Comes II de Médicis. C'est par l'observation des phases de Vénus, qui prouve que cette planète tourne autour du soleil, que Galilée en vient à l'héliocentrisme. L'Eglise intervient, notamment après l'exécution de Giordano Bruno : en 1616 le Sidereus Nuncius est mis à l'index, et Galilée a interdiction d'enseigner les thèses coperniciennes. En 1623, un nouveau pape plus libéral laisse espérer une publication, mais un nouveau procès a lieu : réclusion à vie et abjuration. Cela dissuade Descartes de publier son Le monde ou traité de la lumière, qui paraîtra de manière posthume.


En physique, ce qui change c'est le principe d'inertie, qui fait du mouvement à vitesse uniforme un état. On le trouve dans les Principes de philosophie de Descartes (1637). Contrairement à Galilée, ce dernier cherche une cohérence dans le cosmos, par exemple en observant la vitesse et la trajectoire des corps qui chutent. Sa théorie universelle concurrence celles de Platon et Aristote, notamment avec l'idée du premier moteur. En revanche pour lui il n'y a pas de vide, mais des corpuscules, partout. Cependant il reste dans le qualitatif, et il faudra Huygens pour parvenir à mathématiser les trajectoires. Par ailleurs, il voit la lumière comme une pression qui aurait une vitesse infinie, ce que réfute Ole Christensen Römer en 1676. Descartes est vulgarisé par Jacques Rohault dans son Traité de physique (1671), un classique. Les corps sont décrits de manière mécanique, avec la découverte de la circulation du sang par W. Harvey en 1628. On tire les fruits des travaux de Vesale au milieu du XVIe siècle.


Puis vient Newton. Autodidacte, inscrit à Cambridge, il est repéré comme prodige par son professeur Isaac Barrow. Il obtient une chaire de mathématique de 1669 à 1696, et publie ses Philosophiae naturalis principia mathematica en 1687. Il obtient ensuite une place à la Monnaie de Londres. Il pose le fait que l'accélération d'un corps est inversement proportionnelle à la masse (2nde loi) ; qu'un choc d'un corps sur un autre entraîne une réaction inverse (3e loi). La 1e loi réaffirme le principe d'inertie. En posant des axiomes comme Euclide, Newton permet de mathématiser les lois de Kepler, jusque-là empiriques : la trajectoire d'un objet et celle de la lune obéissent aux mêmes lois. En revanche il réfute l'idée de tourbillons de corpuscules de Descartes : il postule du vide, et cette thèse contre-intuitive gênera la popularisation de ses idées, trouvant sur son chemin Huygens et Leibniz, à qui il dira "Hypothesis non fingo". Son génie s'exprime aussi en maths, avec le calcul infinitésimal. Leibniz trouve une solution équivalente à la même époque, de manière logarithmique, ce qui est plus simple et est adopté par la communauté scientifique. L'approche analytique de Leibniz est développée par Euler, Bernoulli, D'Alembert, et enfin Lagrange.


Les instruments d'observation du XVIIe vont plus loin que leurs prédécesseurs, car ils rendent observables ce qui est invisible à l'oeil nu et quantifie de nouvelles variables. Santorio Santorio crée un thermoscope et un hygromètre. Torricelli crée le premier baromètre en 1644 ; la pompe à air de Robert Boyle permet les expériences dans le vide. Le microscope composé, mis au point par Robert Hooke, souffre d'aberrations chromatiques et sphériques. On lui préfère le microscope simple d'Antoni van Leeuwenhoek. En chimie, Priestley et Lavoisier décomposent l'eau en plusieurs éléments (Méthode de nomenclature chimique de Lavoisier en 1787 ; Traité élémentaire de chimie en 1789).


A partir du XVIe siècle, des voyages de découverte font découvrir des milliers de nouvelles espèces (600 plantes chez Dioscoride, 10 000 chez Tournefort). Lamarck et Linné s'opposent pour leur classification, mais c'est finalement Linné qui l'emporte, avec deux noms latins, un pour le genre, l'autre pour l'espèce. Linné postule une "économie de la nature" qui tend à un équilibre entre espèces, ce que Darwin remettra en cause. La tripartition animal, végétal, minéral connaît quelques remises en cause (l'hydre d'eau douce). En 1740, en étudiant les pucerons, Charles Bonnet découvre la parthénogénèse. Les découvertes de chimie font aussi progresser la biologie (Lavoisier découvre que la respiration consume de l'oxygène, Jan Ingen-Housz la photosynthèse...).


A partir de 1600 le nombre de savants et l'intensité de leurs échanges s'accroissent. De nouvelles institutions, les académies des sciences, et la création de revues savantes institutionnalisent la science. Les activités scientifiques migrent d'Italie vers le Nord (France, Angleterre, puis Allemagne). Les universités ne sont pas les lieux principaux de la recherche, qui dépend encore du mécénat princier. Des sociétés savantes, nouveaux lieux de sociabilité, se créent sur le modèle des académies littéraires. On trouve deux types d'académies : celle créée par un prince, comme l'Accademia dei Lincei de Rome (1603, Federico Cesi), ou l'Accademia del Cimento à Florence. Il existe aussi des académies spontanément créées par des savants, dont le modèle est la Royal Society de Londres, dont Newton sera président de 1703 à sa mort en 1727. La France suit le premier modèle avec l'Académie royale des sciences, fondée par Colbert en 1666, et conçue pour servir les intérêts du royaume. Dans tous ces lieux, la philosophie empirique de Bacon trouve de l'écho, telle que formulée par exemple dans sa Nouvelle Atlantide (1627). Les académies financent en général la parution de revues et d'ouvrages, qui sont la prolongation des correspondances savantes de l'époque précédente. En 1665, la Royal Society lance les Philosophical Transactions, quelques mois après le Journal des savants lancé par Denis de Stallo à Paris. Les PT lancent le principe de la revue par les pairs, repris par exemple par la revue allemande Acta eruditorum. C'est dans la deuxième moitié du XVIIIe que des revues spécialisées dans une discipline commencent à apparaître.


IV - Multiplication et convergence des disciplines (1800-2000).


Au cours du XIXe siècle, toutes les sciences se mathématisent de plus en plus, mais il faut attendre le début du XXe pour qu'elles convergent vers le socle commun de la théorie des atomes. Le nombre de chercheurs croît et la puissance économique du pays fait vraiment la différence au vu des moyens sophistiqués nécessaires.
Electricité et magnétisme sont connus, mais il faut attendre Coulomb (1785) pour que ces forces soient mathématisées. La pile de Volta (1800) facilite les expérimentations, ainsi que la découverte de l'influence magnétique du courant électrique par Hans Christian Oersted (1820). Diverses lois sont découvertes par Ampère, Biot, Savart, Ohm, Faraday. Grâce à la limaille de fer, James Clerk Maxwell formule la notion de champ, unifie les deux domaines et calcule au passage la vitesse de la lumière (Traité d'électricité et de magnétisme, 1873). Hertz confirme l'intuition de Maxwell qu'il est possible de créer des ondes électromagnétiques de diverses fréquences. Marconi en déduit le principe de la radio qui lui vaut un Nobel avec l'Allemand Braun.
La thermodynamique connaît ses premières mises en équation avec Joseph Fourier (1822, Théorie analytique de la chaleur). Sadi Carnot, continué par son disciple Emile Clapeyron, formule la seconde loi de la thermodynamique (irréversibilité des échanges thermiques) en 1834. Une nouvelle génération (J. R. von Mayer, J. Prescott Joule, W. Thomson) formule les lois de conservation de l'énergie. R. Clausius complète avec le concept d'entropie, qui mesure le désordre moléculaire. La spécialisation de la science devient hors de portée d'amateurs éclairés.
La minéralogie et la géologie étaient des connaissances empiriques jusqu'au De re metallica de Georgius Agricola. A la fin du XVIIIe, des Ecoles des mines fleurissent, et la géologie progresse pour les besoins de l'industrie minière. Les Principles of Geology de Ch. Lyell (début années 1830) fournissent une première grande somme. Avec James Hutton, il pose une théorie continuiste, qui table sur des forces uniformes sur Terre qui opèrent sur des millions d'années. Tous deux s'opposent au "catastrophisme" de Cuvier, qui considère que l'histoire de la Terre fut scandée de changements brutaux. Ces débats ne sont tranchées qu'avec la datation par Carbone 14 au début du XXe s. En 1915, Alfred Wegener formule dans La genèse des continents et des océans l'idée d'une dérive des continents, qui trouve peu d'écho avant les années 1960, les mesures précises et les observations océanographiques.
En biologie, à la fin du XVIIIe, Bichat classifie les tissu organiques. La microscopie fonctionne mieux à partir de 1830. La notion de cellule comme unité est due Theodor Schwann et M. Jacob Schleiden ; le tout est popularisé par les Leçons (1878) de Claude Bernard. Raspail formule la règle omnis cellula e cellula. L'étude de l'hérédité progresse avec la redécouverte en 1900 des lois de Mendel, et l'identification des gènes par Th. Hunt Morgan. La structure moléculaire de l'ADN est découverte en 1953 par J. Watson et Fr. Crick, ce qui débouche au début des années 2000 sur les projets de séquençage du génome humain.
L'étude des fossiles et des squelettes animaux a inspiré Darwin, lors de son voyage sur le HMS Beagle entre 1831 et 1836. L'origine des espèces paraît en 1859. Auparavant, si Lamarck avait l'intuition que les espèces n'étaient pas fixes, il était minoritaire. Darwin postule une sélection par la rencontre aléatoire de variations individuelles et de conditions naturelles. Ce mécanisme fut découvert au même moment que Darwin par le naturaliste anglais Alfred Russel Wallace, qui explorait la Malaisie, mais Darwin fut le premier à publier. The Descent of man (1871) a des répercussions culturelles majeures, en séparant la vie d'une intention divine.
En chimie, Proust et Dalton formulent les lois des proportions définies et multiples au début du XIXe. W. Prout découvre que les poids atomiques des éléments sont des nombres entiers de celui d'hydrogène. C'est à la fin des années 1860 que Mendeleïev publie son classement par poids atomique. La chimie se fait moléculaire, en étudiant la structure des atomes. Cela est confirmé par Einstein en 1905, qui fournit des calculs qui, vérifié par Jean Perrin, fournissent la valeur du nombre d'Avogadro.
En physique quantique, reste la question de la nature de la lumière, a priori considérée depuis Thomas Young comme une onde. Einstein montre que dans certaines situations, elle se comporte comme une particule, en se basant sur les travaux de Max Planck, qui était obligé de postuler l'existence de corps noir. Einstein considère que la lumière est transmise de manière discontinue, par paquets. En 1916, R. Millikan le confirme en mesurant la constante de Planck, nouvelle constante universelle.
La mécanique de Newton et l'électrodynamique de Maxwell étant incompatibles, le Néerlandais H. A. Lorentz avait tenter d'expliquer des discordances observées à partir du mouvement de la Terre. Einstein, dans son article fondamental de 1905, redéfinit les notions d'espace et de temps absolus sur lesquelles reposait la conception newtonienne et valide les équations de Lorentz. Il relie la masse inertielle d'un corps à son contenu en énergie par sa fameuse équation, qui ouvre la voie à l'énergie nucléaire.
En astronomie, la découverte de Neptune, prédite par Le Verrier à partir d'anomalies de trajectoire d'Uranus, semble un triomphe newtonien. Fin 1915, Einstein formule la relativité générale, qui dit qu'une accélération va amplifier un champ gravitationnel, ce qui explique la précession de l'orbite de Mercure et prédit la déflexion de la lumière par un champ gravitationnel. Ce phénomène est vérifié en 1919 par A. Eddington lord d'une éclipse sur l'île Principe : Einstein devient une star. A partir de cette nouvelle cosmogonie, G. Lemaître formule en 1927 l'idée d'un univers en expansion, confirmé par Hubble, qui prouve l'éloignement des galaxies. Lemaître formule aussi, au début des années 1930, la théorie de l'atome primitif ou du Big Bang, ce que confirment en 1960 les radiotélescopes et en 1980 les télescopes spatiaux. Des qasars, pulsars, trous noirs amènent à formuler le problème de la "masse manquante", qui fait postuler l'idée d'une "matière noire".
Enfin, la science de l'atome progresse : en 1895, découverte des rayons X par Röntgen, de la radioactivité l'année suivante par Becquerel, de l'électron en 1897 par J. J. Thomson, du radium et du polonium par le couple Curie en 1898. E. Rutherford formule début XXe la loi de désintégration spontanée des éléments qui identifie des rayons alpha, bêta, gamma, et en 1911 il pose le modèle planétaire de l'atome. Au départ, ces découvertes sont reliées à la chimie (comme en attestent les prix Nobel), mais les physiciens prennent le relais : Bohr formule un modèle simple basé sur une constante dite de Rydberg. Dans les années 1920, Schrödinger et Heisenberg formulent les équations fondamentales de la mécanique quantique, qui affirme la nature ondulatoire des électrons. Dans les années 1930, le microscope électronique permet de voir bien plus petit.
En 1930, P. A. Dirac postule l'antimatière. Le positron (antiélectron) est détecté dès 1932 par Carl Anderson. L'électrodynamique quantique est prolongée par Sin-Itiro Tomonaga, R. Feynman et J. Schwinger.
La physique nucléaire naît en 1919, lorsque Rutherford désintègre artificiellement des éléments en les bombardant de noyaux d'éléments légers. E. O. Lawrence propose, pour mieux scruter le noyau, l'idée d'un accélérateur circulaire de particules. Le premier, construit en 1930, a dix centimètres de diamètre. Des cyclotrons de plusieurs kms de diamètre naissent après-guerre. Au début des années 1960, Murray Gell-Martin formule une unité plus petite que les électrons/neutrons, etc... : les quarks, puis d'une particule plus petite, dite oméga-moins, observée en 1964. En 2015, la détection du Boson de Higgs a validé ce modèle.


La spécialisation de la science est devenue un obstacle à la vulgarisation. C'était perceptible dès la création en 1831 de la British Association for the Advancement of Science. Des sociétés similaires, tenant des congrès annuels, se tiennent aux Etats-Unis dès 1848 et en France en 1872. Désormais le développement des sciences revient aux universités, les académies ayant un rôle de reconnaissance symbolique. Des instituts se développent : Kaiser-Wilhelm Instituts (instituts Max Planck après la Seconde guerre mondiale), CNRS en 1939... La science et les découvertes sont de plus en plus vues comme un moteur de la croissance économique, et la recherche fonctionne désormais bien davantage en équipe, comme le montre l'évolution des lauréats du Nobel.


Conclusion
La mondialisation a uniformisé les pratiques des scientifiques. Les rapports de force entre puissance remettent en cause la suprématie de l'Occident. On annonce parfois l'arrivée imminente d'une théorie unifiée et la "fin des sciences". Discours fin de siècle.

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le 21 mars 2021

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