L'histoire du Japon : ce grand bordel !

Comme souvent l'été, j'apprécie me lancer dans des lectures qui sortent un peu de mon cadre ordinaire, en l’occurrence l'histoire de l'Occident, sa littérature ou sa philosophie. C'est à la recherche d'un peu de fraîcheur que je me suis attaqué à l'Histoire du Japon médiéval. Le monde à l'envers. Globalement je fus servi car mes connaissance en histoire japonaise sont équivalentes, voire inférieures au néant. J'ai appris énormément de choses sur la société japonaise et ses grandes mutations entre le XIIe et XVIe siècle.

L'auteur de cet ouvrage n'est pas n'importe qui. Pierre-François Souyri est l'ancien directeur de la Maison franco-japonaise de Tokyo et professeur à l'université de Genève d'histoire japonaise. Autant vous dire que le mec connaît son sujet. Malgré la précision des faits historiques présentés et la rigueur du plan de l'auteur, il faut savoir que l'historien ne brosse qu'un portrait des grandes mutations et des mouvements sociaux-politiques qui bouleversent le pays. Qu'est ce que j'entends par "mouvements" ? Souyri en permanence évoque les faits en s'appuyant sur des strates entières de la société japonaise : des "classes paysannes" qui se lèvent contre la "classe des guerriers". On a ainsi pendant près de 432 pages, une histoire générale du Japon relatant avec justesse, certes, les conflits voire l'inversion des rapports de force entre les différentes couches de la société mais pas d'histoire plus personnelle du Japon ou de ses figures majeures. Si vous voulez en savoir plus, par exemple, sur les geisha, sur le bushido et le fonctionnement des codes des samouraï vous pouvez d'ores et déjà refermer le livre, il n'y a rien ici. Ces thèmes sont, à la rigueur, rapidement évoqués mais pas traiter avec précision. Non pas que Souyri soit un mauvais historien mais tout simplement parce que ce n'est pas le but de l'Histoire médiéval du Japon. L'auteur traite dans les grandes lignes les conflits sociaux qui déchirent le pays pendant des siècles.

Ici vous apprendrez comment les guerriers ont réussi à prendre le pouvoir et à dominer la noblesse basée à Kyoto. Vous en saurez davantage sur le rôle de l'Empereur et ses relations avec la classe des guerriers ou avec le peuple. Comment celui-ci, privé de pouvoir réel, parvient il a maintenir sa prééminence dans ce jeu d'échec sanglant que se joueront l'aristocratie et les samouraï ? Qu'est ce qu'un Shogun ? Qu'est ce que le bouddhisme animiste ? Pourquoi cette religion au Japon et quand arrive t-elle ? Existe t-il d'autres courants de spiritualité ?

L'auteur vous racontera les principales crises traversées par le Japon ainsi que la violence toute particulière de ses bouleversements majeurs. J'ai rarement vu un peuple au Moyen-âge aussi belliqueux envers les instances du pouvoir : soulèvement, révolution, révolte... Y'en a pour tous les goûts ! Paradoxalement, d'un point de vue religieux, la société japonaise fait montre d'une grande sagesse et d'une tolérance rare qui surprend lorsque l'on compare leur histoire avec celle de l'Occident à la même époque. Le contexte est complètement différent, mais c'est toujours étonnant de faire ce genre de comparaison. Malgré la distance qui sépare le Japon de l'Occident, il est étonnant de constater à quel point la hiérarchie du pouvoir et son organisation sont similaires. Vous comprendrez comment grimper dans la hiérarchie guerrière ou comment en descendre.

Quelques bémol cependant. On reprochera à cette histoire médiévale du Japon une certaine austérité. J'entends par là qu'on voit tout de suite qu'il s'agit d'un travail d'universitaire : écriture sans génie particulier, sérieux de l'information même si pléthorique, qualité du plan et du déroulement de la pensée de l'auteur, quantité astronomiques de notes et d'annexes, traduction des mots clés japonais en idéogramme dans le glossaire etc. Bref, du boulot d'universitaire très dense. On aime ou pas ! Une difficulté supplémentaire vient s'ajouter à la lecture de cette Histoire médiévale. Pas facile de se repérer dans les noms propres, noms communs et lieux géographiques. Ce n'est pas la faute de l'historien mais on se perd souvent entre tous ces termes exotiques. Enfin je rejoins l'avis de la précédente critique. Cette impression contient beaucoup de fautes d'orthographe, d'oublis de ponctuation etc. Très étrange, la collection Tempus m'a souvent habitué à une qualité irréprochable.

Si tu fais partie des gens qui croient connaître l'histoire du Japon parce que tu lis des mangas comme Kenshin le vagabond ou Naruto, achète-toi ce livre immédiatement. Tu comprendras que la culture japonaise ce n'est pas que du divertissement. L'Histoire du Japon médiéval est un livre pointu et complet qui ravira tous les passionnés ou néophytes du pays du Soleil levant. Je recommande.