Jack London est un personnage assez ambigu. Né dans la pauvreté d'un père qui l'a abandonné, sa mère se remarie avec John London. Jusqu'en 1897 il croira que John est son véritable père. Socialiste sincère, il vivra ses dernières années dans un le luxe, dépensant des fortunes dans son ranch (qui existe encore) ainsi que dans des croisières sur son bateau, l'homme n'ayant jamais perdu le goût de la mer, qui l'habite depuis ses 15 ans ou il acquiert son premier voilier. Pour autant, ses idéaux socialistes se mélangent à un darwinisme sociale et à un racisme marqué dans certaines de ses nouvelles.
Cette étude sur London reconstitue la trajectoire d'un véritable acharné du travail, qui travaillera jusqu'à 18 heures par jour, d'un alcoolique notoire (à tel point que l'on est incapable de dire si sa mort est un suicide à cause de son piètre état de santé), d'un militant sincère quoique confus.
En effet, London mélange dans sa prose toutes les grandes idées de la fin du XIXème siècle. Un soupçon de marxisme, un petit verre de spencerisme, une dose de nietzschéisme, et voilà vous avez l'un de mes romanciers préférés. Cette ambiguïté idéologique (London va jusqu'à rêver de la destruction par des armes biologiques de la Chine ou faire l'apologie des Etats Unis durant la guerre au Mexique) est peut être dut au fait qu'il n'a jamais eu un parcours scolaire stable : il ne suivra qu'un temps les cours au lycée, entrera à l'université sur concours, ou son assiduité sera pour le moins aléatoire. Autrement dit pour le dire en des termes plus savant : London transfuge de classe qui vivra assez tôt de sa plume, a connu à la fois la bourgeoisie intellectuelle, et le prolétariat.
Ce qui donne une oeuvre pharaonique, composé de nouvelles, de quelques romans, et d'une tripotée de reportages et d'essais.
Martin Eden, que j'ai critiqué il y a quelques temps déjà (tempus fugit), est en ce sens une oeuvre en partie autobiographique, ou London renie le spencerisme et le darwinisme sociale.
Son idéal socialiste en restera pourtant imprégné : au fond, ce que London souhaitait était peut être une véritable méritocratie de la force, ou les plus forts (dans un sens quasi biologique) s'imposeraient au détriment des plus faibles.
Ne tombant pas dans le piège très courant pour les biographies d'écrivains qui consiste à faire de l'hagiographie, Fauconnier donne à voir qui était London, sans complaisance, ni jugement.