Jane Eyre
7.9
Jane Eyre

livre de Charlotte Brontë (1847)

"Je tiens à moi. Plus je serai seule, sans ami, sans soutien, plus il faudra que je me respecte."

Jane Eyre, le personnage : je ne sais pas vraiment quoi penser d’elle. J’ai l’impression qu’il y a deux côtés d’elle : un que j’aime et un que je déteste. Son introversion ne me dérange absolument pas, au contraire, même si le point auquel elle garde tout pour elle fait que quand j’ai regardé des adaptations avant d’avoir lu le livre, sa personnalité se résumait au côté que je n’aimais pas et à un gros point d’interrogation d’incompréhension. Ce que j’aime c’est justement ce côté qui fait qu’elle garde tout pour elle : sa réserve, sa discrétion, son austérité même, . Parce que tout ça s’est juste de la peur de se dévoiler, de prendre des risques, de s’imposer, de se mettre en avant, de risquer de faire quelque chose qui semble mal aux yeux des autres. Et puis aussi tout ce qu’on ne peut pas forcément voir dans un film : la façon dont elle essaye de comprendre et connaître les autres, dont elle est capable d’envisager les différentes points de vue et d’accepter que les autres, en raisons de leurs différences, puissent penser différemment d’elle, et dont elle essaye de la même manière de s’analyser elle-même, et de rester toujours fidèle à elle-même et à ses principes. Alors voilà, quand on me dit que petite on ne l’aimait pas parce qu’elle est plus retenue, moins sociable et naturelle que les autres enfants, moins facile à comprendre aussi, je m’attache à elle. Mais quand on me dit que c’est parce qu’elle a un tempérament violent, c’est beaucoup plus difficile. Alors non je ne peux pas vraiment l’aimer : son insolence, la façon dont elle utilise la raison pour justifier sa violence impulsive (avec de magnifiques théories très convaincantes et bien intentionnées, mais qui ne pourraient conduire qu’à une escalade de violence), sa tendance à se révolter violemment. Et même simplement, de façon toute personnelle, je n’aime pas son mépris de la tranquilité, son besoin de mouvement, la recherche d’action,… Je peux tout à fait comprendre qu’elle aie un certain besoin d’idéal : la rêverie passe très bien, le fait qu’elle veuille être reconnue en tant qu’être humain douée de sentiments aussi. Mais ça va trop loin. Elle admet elle-même être incapable de trouver la mesure, l’équilibre. Tout est dans les extrêmes, c’est plus qu’un besoin de tendre vers le mieux ou l’idéal, c’est un besoin d’absolu. Et on a beau dire qu’elle est faite de contradictions, ce ne sont pas des contradictions qui s’articulent harmonieusement, s’équilibrent et se compensent comme on voudrait nous le faire croire. J’aimerais le croire, sincèrement. Mais en listant tout ça, j’ai une impression qui me met profondément mal à l’aise. Celle que peut-être elle est surtout le côté que je n’aime pas. Ce tempérament agité, brûlant, violent. Et que peut-être le caractère que j’aime, sa calme réserve, son besoin de sens, de comprendre et de rationaliser, ce n’est que le résultat de la répression de ce tempérament violent. Et j’ai juste envie de rigoler, parce que Mr. Rochester l’aime parce qu’elle n’a rien d’une folle furieuse, mais moi je trouve qu’elle a pas mal d’une folle furieuse. Et je pourrais croire que tout ça veut dire qu’avoir réprimé ce tempérament, c’est une bonne chose et ça fonctionne bien, mais je doute que le livre aie pour but de vanter les méthodes d’éducation de Lowood.


D’ailleurs, Jane Eyre et Mr. Rochester, je ne sais pas trop quoi en penser non plus. Elle a lutté contre, usant toute la force de sa raison. Je l’approuve complètement. Mais à la fin elle retourne vers lui. Est-ce que ça veut dire que la passion doit triompher de la raison ? Parce que ça je désapprouve. Mais en même temps quand elle revient sa femme est morte donc rien ne s’oppose à leur amour. Si ça veut dire qu’elle a le droit à la passion pour la récompenser d’avoir choisi la raison, ça ne me dérange pas outre mesure. C’est comme la Belle qui, dans le conte, en n’accordant pas d’importance à la beauté de son époux, mérite le droit que son époux redevienne beau. Le problème c’est qu'il y a le passage St. John. C’est un peu comme s’il lui avait fait réaliser qu’il était plus raisonnable de choisir la passion que de choisir la raison. Alors lui je l’aimais bien. Qu’il refuse une passion parce qu’il est conscient qu’elle ne sera qu’éphémère et ne lui apportera que le malheur, je ne vois pas le problème. Même le fait qu’il puisse croire que l’amour naîtra progressivement après le mariage à partir de l’estime et de l’affection ne me dérange pas outre mesure. Le problème c’est qu’il ne propose pas le mariage dans le but que cet amour naisse, mais pour des raisons purement pratiques. Et le problème c’est surtout que s’il refuse l’amour, c’est pour une raison qui bien qu’elle soit Raison, est une très mauvaise raison. L’ambition vraiment ? Je déteste l’Ambition, le besoin de grandeur, d’héroïsme, blablabla. Alors le St. John au final, je ne l’aime pas du tout. De toute façon, même si il avait eu de bonnes raisons, je suis d’avis que sa raison fait très mal d’occulter et de négliger la passion tout en la laissant là, elle devrait plutôt tâcher de trouver un compromis ou de la faire disparaître, la raison en est tout à fait capable selon moi. Et, pour en revenir au cas présent et à Jane, il est tout à fait raisonnable que la raison dicte de choisir l’amour plutôt que les raisons concrètes. Ça reste de la raison, c’est juste qu’elle s’appuie sur des principes différents. Non vraiment, je n’ai pas vraiment de problème avec Jane et Rochester. Parce que leur amour, malgré le nom de passion qu’ils lui donnent, est tout à fait raisonnable. Parce que le coup du fil sous les côtes je veux bien, à un premier niveau de lecture, parce qu’il faut bien que ce soit romantique. Mais à part les circonstances, il n’y a rien d’irraisonnable à leur amour, il-y-a même de très bonnes raisons pour qu’ils s’aiment. Déjà, Rochester à appris d’expérience qu’il ne peut y avoir d’amour sans estime et connaissance de l’autre. Alors il ne faut pas croire qu’il s’est de nouveau fait avoir à se prendre de passion sans raisons, et que c’est un coup de foudre ou quoi. Et ils sont mêmes conscients de ces raisons (plus ou moins). Rochester aime Jane pour son calme qui la rend si différente de la folle ; lui au moins il veut de la stabilité, il est comme moi au fond il n’aime pas le deuxième côté de Jane. C’est vrai qu’il aime savoir que quelque part en elle il-y-a de la force et qu’elle n’est pas juste une petite chose fragile, mais c’est surtout la force qui vient des principes, de la réflexion et de la raison qu’il aime, et il est bien content que la Jane rebelle aie disparu. Jane elle, l’aime probablement parce qu’il est la première personne qui l’aie vraiment considérée comme une personne à part entière et traitée d’égal à égal, et parce qu’elle constate des similitudes entre leurs caractères. « Qui se ressemble s’assemble », plutôt que « les contraires s’attirent » : la psychologie l’a prouvé. Et je l’approuve. Ils se ressemblent mais ne sont pas non plus totalement identiques, ce qui veut dire que je pourrais probablement continuer d’écrire pour analyser la partie de M. Rochester que j’aime bien et celle que je ne supporte pas. Mais je crois que je pourrais vivre sans.


Je juge plus important pour moi de parler de mon passage préféré. Ou du moins plus amusant qu’important. Car il faut reconnaître que ce que je vais raconter est purement anecdotique. Et ce que je vais dire sera probablement hors sujet. En tombant sur ce passage, j’ai du me retenir de rigoler : Mme. Fairfax donnant des réponses évasives et impersonnelles aux questions de Jane Eyre quand à M. Rochester. Oui, c’est très très amusant. Parce qu’inévitablement, ça me fait penser aux réponses évasives de Jane Fairfax quand à Frank Churchill (décidément, Emma hante mon esprit). Bien entendu, c’est amusant seulement parce qu’elles ont le même nom de famille. Et ça ne fait probablement rire que moi. Mais en plus ce sont deux passages que j’aime énormément. Pour des raisons tout à fait différentes cela dit. Les réponses évasives de Jane Fairfax font naître en moi une incroyable affection pour ce personnage. Même si Emma désapprouve, cette réserve, cette volonté de ne pas prendre de risque, de ne pas émettre d’opinion. C’est justement pour ça que j’adore Jane Fairfax, mignonne petite chose introvertie. Vraiment, c’est presque dommage qu’elle soit fiancée en secret à Frank Churchill, parce que ça tue se passage quand on le découvre : elle a vraiment quelque chose à cacher. Enfin, je reste d’avis qu’elle est bien du genre à répondre de la même façon à des questions sur n’importe qui d’autre (sans quoi ça aurait éveillé des soupçons d’ailleurs). Quand à Mrs. Fairfax, ses réponses évasives n’ont pas pour cause la retenue mais simplement un manque d’intérêt. Ce qui fait que j’aime ce passage simplement parce qu’il parle de la volonté de Jane Eyre de comprendre les gens en détail, de les connaître vraiment, leur personnalité,…


Mince, j'ai oublié de parler du fait que je déteste toute l'atmosphère inquiétante (malgré le fait qu'un certain test de personnalité aie dit que je ressemblais à Catherine Morland, il avait quelques problèmes)

Miss-Naïs
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le 16 sept. 2013

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