Si aujourd'hui je considère le cinéma comme intemporel et dont certaines de ses plus belles œuvres ont été faite il y a presque 100 ans durant le muet, c'est en partie grâce à deux cinéastes, Hitchcock et John Ford. Ce sont eux qui, lors de mes années lycées, m'ont réellement fait découvrir les années 1940 puis 1930 et donc fait germer en moi l'idée que le cinéma n'avait pas de limites ni de frontières. John Ford, à travers des films comme Les Raisins de la Colère, Je n'ai pas tué Lincoln ou Vers sa Destinée, y a grandement participé et m'a immergé au cœur du 7ème art et de son histoire, sans que je sois près d'y sortir !


C'est donc avec une certaine impatience que j'attendais John Ford, l'homme et ses films où, Tag Gallagher analyse le personnage de John Ford à travers ses films, regroupant plusieurs thèmes, méthodes et autres anecdotes, notamment sur les tournages, pour mieux nous faire comprendre l'homme. C'est dans l'ordre chronologique qu'il nous présente Ford et, suite à un prologue, divise sa biographie en 4 parties distinctes, d'abord de 1927 à 1935 où il revient notamment sur la grande dépression, puis 1935-1947 où il s'attarde, entre autres, sur la guerre et le succès qu'il connut juste avant, puis de 1948 à 1961 où Ford signa d'immenses succès qui ont acquis une très solide réputation et enfin la dernière partie jusqu'à 1965. Alors, le livre est loin d'être parfait, la vie et la carrière de John Ford sont très riches et en 170 pages, il n'a guère le temps de tout aborder. Il prend des partis-pris risqués à savoir passer sous silence certains films et éléments de sa vie pour mieux se concentrer sur ce qui l'intéresse et finalement, John Ford, l'homme et ses films propose une vision du cinéaste, ses influences, ses thématiques et les richesses, parfois insoupçonnées, que l'on pouvait tirer de ses films.


S'il y a bien un point que je n'ai jamais compris lorsqu'on évoquait Ford, c'est une certaine réputation qui planait sur lui, là où des termes comme racisme ou pro-américanisme aveugle sont parfois mis en avant. Si des films muets comme The Iron Horse ou Shamrock Handicap ne brillent pas forcément par leur subtilité envers certaines minorités, c'est oublier que plusieurs de ses films sont profondément humanistes (à l'image de Sergeant Rutledge) tandis que d'autres dénoncent clairement les fondations des États-Unis (Le Massacre de Fort Apache, l'homme qui tua Liberty Valence). Ici, on apprend surtout comment cette réputation est totalement fausse dans sa vie privée, lui, le fils d'immigré, qui était l'un des seuls cinéastes à se préoccuper de la question raciale dans ses films en son temps et qui se brouilla avec certaines institutions pour leur traitement envers d'autres races. L'aspect politique est donc aussi abordé et on découvre un Ford dégoûté par Joseph McCarthy et sa politique, refusant de le rencontrer, et qui se définit lui-même comme un socialiste-démocrate. Sans rentrer dans les détails, le livre regorge d'éléments fort intéressants sur son oeuvre et sa vie, sa vision de la Grande Dépression et l'horreur qui en découla, ses rapports avec ses comédiens, que ce soit John Wayne ou Katharine Hepburn ou encore sa jeunesse et ses rapports avec son frère Frank, lui aussi cinéaste. C'est bien écrit, fluide et accrocheur dès les premières lignes, et Gallagher évite tout détail inutile et éléments inintéressants.


La partie qui est aussi fortement intéressante, c'est les méthodes de travail et le cinéma selon Ford. À travers des témoignages et analyses, le livre aborde la façon dont il mettait ses idées en place, pensait à son histoire mais aussi les personnages et dialogues, les modifiait parfois sur le plateau durant le tournage. L'aspect technique est aussi abordé et montre comment Ford élaborait ses plans et comment il les utilisait pour faire ressortir l'émotion du contexte, mais aussi il évoque ses montages et diverses techniques. Et enfin, c'est notamment sur son passage du muet au parlant et sa maîtrise des codes du cinéma et des genres que Gallagher s'attarde.


Si ce livre n'est pas aussi riche que la carrière et la vie de John Ford, il n'en reste pas moins intéressant à plus d'un titre, permettant de mieux connaitre, comprendre et cerner ce fabuleux cinéaste et surtout, il donne, encore plus, envie de plonger dans son immense oeuvre.

Docteur_Jivago
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le 11 avr. 2015

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