Je me demande si Peter Jackson se doutait qu'il inspirerait ça en réalisant King Kong...

C'est pas évident de parler de cet essai car je sais déjà que je vais surtout parler de ses défauts plutôt que de ses qualités. Dites-vous donc bien que même si je tape sur ce livre dans les lignes qui viennent, je ne pense pas qu'il est mauvais, d'où ma note.


Il faut d'abord savoir que je ne suis pas spécialement un amateur de Virginie Despentes pour le peu de son travail que je connais. J'ai trouvé le film Baise-moi malgré de très bonnes intentions à la fois mal réalisé et mal joué (l'un des pires films que j'ai eu l'occasion de voir, en fait), et puis je connaissais Despentes pour deux de ses tribunes dans des journaux qui sont ni très pertinentes à mes yeux et un peu dangereuses, à savoir celle sur l'attentat de Charlie Hebdo où elle se met à la place des terroristes qui vivent un moment glorieux (ouais c'est particulier) et d'autre part sa réaction à la cérémonie des Césars où Adèle Haenel s'est barrée de la salle (ce que je comprends tout à fait), que j'ai trouvé trop confuse et précipitée pour être considérée comme brillante. Mais en lisant King Kong théorie j'ai mieux compris pourquoi cette réaction plutôt à chaud ressemblait à ça.


J'ai envie de commencer par du positif alors allons-y, il y a des choses pertinentes dans ce livre, beaucoup même, dans le fond en tout cas. La forme nuit pas mal au fond et je comprends que ce bouquin éveille un certain rejet chez des lecteurs, et attention ce rejet n'est pas dû à une fragilité ou autre, il peut être tout à fait légitime. C'est d'ailleurs ce que je trouve agaçant avec ce genre d'écrits et la justification magique : "Si tu n'adhères pas c'est que tu fais partie du problème", c'est vraiment un raisonnement que je trouve idiot. Et puis surtout, ça permet de faire passer tous les raisonnements pétés du monde. Despentes ne tombe heureusement pas dans ce travers, elle veut surtout faire un bouquin coup de poing pour faire un bouquin coup de poing. Et ses nombreuses réflexions pertinentes sur la condition de la femme dans notre société ou l'aliénation du peuple se noient au milieu d'autres qui auraient méritées un développement.


Déjà la forme est plutôt vulgaire. C'est bourré d'énumérations, de gros mots, de phrases toutes faites, c'est le côté punk qui ressort. Et pourquoi pas. Mais disons que ça n'aide pas forcément à être pris au sérieux et que ça va donner du grain à moudre à ses détracteurs. Toutefois, moi j'aime bien cette forme-là même si les énumérations sont souvent lourdes dans ce livre. Sans rage, Despentes n'aurait pas écrit ce livre. Même si ne pas la laisser transparaître aurait donner une œuvre plus maîtrisée, je considère que ça fait partie de la personnalité de l'autrice et je ne lui en veux pas pour ça.


Par exemple un truc qui m'a marqué parmi ce qui aurait pu être développé mais ne l'est pas, c'est lorsqu'elle parle de production blanche dont un tiers serait sexiste (je suis conscient que je réduis son propos avec cette phrase, lisez cet essai si vous voulez la phrase exacte, au mieux je rechercherai dans mon exemplaire la formulation exacte et je vais corriger la critique). S'est-elle renseignée sur la production non blanche justement ? Est-ce qu'on place la femme sur un piédestal dans les films du Moyen-Orient, les films indiens ou les films Sud-Africains ? Moi je ne saurais pas répondre comme ça, je ne suis pas assez cultivé pour, mais je ne pense pas que ce soit tellement mieux que ce qui se produit en Occident. Là ça fait vraiment stat' qui sort de nulle part et une fixette un peu étrange contre l'homme blanc alors que Despentes elle-même est blanche, qu'elle ne parle justement pas de ce qui se fait dans d'autres pays (rappelons que la charia est appliquée dans certains pays du monde) et surtout... Qu'elle en a rencontré des hommes blancs, qu'elle a trouvé tristes à bien des égards. Et qu'elle s'intéresse à leur mal-être, même si c'est un peu superficiel, dans ce livre-là. Du coup je ne pige pas comment on peut montrer de la compassion d'un côté pour taper sur la même catégorie de personnes d'autre part. A moins que ce ne soit lié à la classe sociale et dans ce cas-là autant parler de la bourgeoisie blanche, quitte à différencier les couleurs de peau... Après les idées dans ce bouquin sont assez proches de ce qui se fait aux Etats-Unis en la matière (ces dernières années en tout cas). Et aux Etats-Unis, ils n'ont pas digéré la ségrégation et continuent de faire la distinction entre blanc et noiret certains font d'ailleurs des conférences à coup de milliers de dollars pour informer la populace qui voudra bien payer pour les voir pour leur apprendre qu'ils sont de vilains racistes parce qu'ils considèrent les gens indépendamment de leur couleur de peau et auraient torts de le faire. Alors que c'est la bourgeoisie qui maintient les minorités à ras du sol.


Cela rend certaines citations de fin de chapitre (un procédé qui me plait en soi) un peu ubuesques pour un livre français écrit par une française. Bon, à un moment, elle justifie la violence de ses paroles et le côté américain qui ressort par le fait que beaucoup de féministes - françaises en particulier - ont toujours été trop bienveillantes envers les hommes à son goût.


Son passé de prostituée ou son approche du porno représentent une partie importante de cet essai, et j'ai trouvé ça pas mal du tout. C'était basé sur une expérience, on retrouve là encore quelques phrases un peu gratuites, mais il y a une réflexion qui a suscité mon intérêt. Par contre elle ne se pose pas un seul instant la question de savoir si Baise-moi était un bon film ou pas... Non parce qu'aussi choquant et réalisé par une femme soit-il, le même film avec une forme impeccable et des acteurs qui ne jouent pas comme des patates, ça aurait donné un chef-d’œuvre.


Pareil pour ce que les femmes subissent de façon générale, la notion de viol. Encore une fois l'autrice fait l'impasse sur le viol des hommes par les femmes ou par d'autres hommes puisque ce n'est pas de ça qu'elle parle, mais c'est pas grave puisqu'elle n'a pas l'ambition de parler de ça. C'est là encore le souci d'utiliser le présent de vérité générale sur des opinions toutes faites pour que la phrase tabasse le lecteur, ça donne immédiatement envie au lecteur de répondre "Ouais mais..." ou "Euh tu peux développer ?". A côté de ça je doute que Bergson ou Clausewitz laissent la possibilité à leurs lecteurs de pouvoir réfuter facilement une des phrases de leurs écrits, ils ont bien préparé le terrain pour que leurs thèses soient bien défendues de bout en bout.


Il y a de très bonnes choses dans cet essai dont je recommande la lecture, mais ça aurait pu être encore plus poussé, plus développé et plus impactant.

GuillaumeL666
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le 11 janv. 2021

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Guillaume L.

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