J’ai parlé ailleurs de Jérôme Bosch ou la Fourmilière éventrée, de Pierre Sterckx (1). Cet ABCdaire de Jérôme Bosch propose une approche presque en tout point opposée. À l’instar du Jérôme Bosch de la « Petite Collection » Taschen (2), celui-ci est un documentaire plutôt qu’un essai. On y apprend le peu à savoir sur le peintre du Jardin des délices. Plus encore que lui, il est limité par son format (22 × 12 cm) inapproprié à Bosch : on ne peut en voir réellement que des détails.
L’autre caillou dans la chaussure de ce livre-ci, c’est que l’angle d’approche y laisse très peu de place à ce que Bosch a de particulier. On y lit d’entrée que « l’objectivité d’une interprétation n’est rien d’autre que la subjectivité au niveau le moins élevé. Disons qu’une lecture “scientifique” de Jérôme Bosch est une tentative professionnelle de reconstituer l’œuvre dans l’époque et la société pour lesquelles elle a été conçue, à savoir non seulement son entité et sa fonction d’origine, mais aussi le message qu’elle véhiculait jadis » (p. 8). Une telle approche, socio-historique, n’a rien de fâcheux, mais montre ses limites : si elle suffisait à interpréter Bosch, ce dernier demeurerait un artiste pour historiens de l’art, et il y aurait eu un Jérôme Bosch pour dix mille habitants dans le Brabant du XVe siècle, comme il y eut des architectes de cathédrale et des maréchaux-ferrants. Or, les auteurs de ce volume ne semblent suivre que cette approche, faisant même de la fonction des œuvres une véritable obsession.
Certes, une telle méthode a ses avantages, notamment celui d’éliminer les nombreuses théories plus ou moins ésotériques autour de Bosch. Pourtant, lorsque l’ouvrage s’en détache, de temps en temps, c’est pour qu’on y lise, par exemple « Il faut que l’Homme réalise que son destin se trouve dans l’au-delà. C’est le message principal que Bosch semble avoir consigné dans ses tableaux » (p. 19). Bosch porteur d’un message qui est finalement celui que le catholicisme a toujours eu : ceci est révélateur de l’approche de cet ABCdaire. Qu’on admette ou non cette interprétation – et à titre personnel je serais plutôt pour l’admettre sans qu’elle suffise –, l’ouvrage ne cerne jamais ce qui fait la spécificité de Jérôme Bosch. Rien sur le fait, par exemple, que celui-ci soit un des premiers peintres dont la manière compte autant que l’univers qu’il crée.
En fin de compte, le livre donne l’impression que leurs auteurs connaissent leur sujet, mais qu’il ne les émeut pas.


(1) .
(2) .

Alcofribas
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le 28 déc. 2017

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